Page images
PDF
EPUB

ordonnances, il en est d'autres qui, on l'a déjà dit, sont particulières à chaque catégorie de ces décisions.

Parmi les ordonnances de la chambre du conseil, on distingue principalement les ordonnances de non-lieu, les ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel et le tribunal de police, et les ordonnances de prise de corps.

Nous allons examiner les règles spéciales relatives à chacune de ces ordonnances.

$ 413.

1. Des ordonnances de non-lieu.-II. De leur forme et de leurs effets.

I. Nous avons vu que, suivant les termes de l'art. 128, lorsque la chambre du conseil est d'avis que le fait ne présente ni crime, di délit, ni contravention, ou qu'il n'existe pas de charges suffisantes contre l'inculpé, elle doit déclarer qu'il n'y a pas lieu à suivre.

L'ordonnance de non-lieu, lorsqu'elle déclare que le fait n'est pas punissable, doit constater avec soin toutes les circonstances de ce fait. Car comment sa décision pourrait-elle être appréciée par la chambre d'accusation, si les éléments qui la fondent ne sont pas exactement constatés? Comment pourrait-elle couvrir le fait incriminé de l'autorité de la chose jugée, si ce fait n'est pas énoncé avec toutes les circonstances qui le constituent? Il ne suffirait donc pas que l'ordonnance déclarât que les faits imputés au prévenu ne constituent ni crime ni délit; car cette énonciation vague ne donne aucun motif de la décision, et ne permet pas d'en apprécier la légalité'.

Si l'ordonnance de non-lieu se fonde sur l'insuffisance des

Cass. 17 juillet 183, rapp. M. Britre, J. P., t. XXVI, p. 774.

charges, elle doit préciser alors avec la même exactitude les indices qu'elle a constatés et qu'elle juge insuffisants; car, pour reprendre l'instruction au cas de survenance de nouvelles charges, ne faut-il pas connaître les faits que l'ordonnance a appréciés? Pour savoir où s'arrête l'autorité de cette décision, ne faut-il pas pouvoir discerner ce qu'elle a jugé 1?

II. L'art. 128 ajoute: « Et si l'inculpé avait été arrêté, il sera mis en liberté. ». Cette mise en liberté est la conséquence nécessaire de l'ordonnance de non-lieu; elle doit donc être opérée de plein droit et lors même qu'elle n'aurait pas été ordonnée; mais il est plus régulier que la chambre du conseil ordonne que l'inculpé sera mis en liberté, s'il n'est retenu pour autre cause, et s'il est sous le coup d'un mandat qui n'aurait pas été exécuté, prononce l'annulation de ce mandat.

La mise en liberté est effectuée sur l'ordre du ministère public. L'art. 135 lui accorde un délai de 24 heures, à compter du jour de l'ordonnance, pour former opposition; l'ordre de mise en liberté peut donc être retardé de 24 heures, sauf le cas où une opposition aurait été formée. S'il y a partie civile, il est nécessaire, aux termes du même article, de lui signifier l'ordonnance au domicile qu'elle a dû élire au siége du tribunal; cette signification doit être immédiate, puisque le délai de 24 heures ne court contre cette partie qu'à partir de sa date.

La chambre du conseil doit ordonner, en même temps, la restitution des objets saisis; car, la poursuite annulée, la cause de cette saisie a disparu. Une chambre d'accusation avait refusé d'ordonner cette remise par le motif que les pièces saisies étaient inutiles au prévenu et pourraient dans la suite servir de pièces de conviction dans les poursuites qui pourraient avoir lieu. Cette décision a été annulée par la Cour de cassation :

1 Cass. 18 janv. 1834, rapp. M. Brière, J. P., t. XXVI, p. 64.

«Attendu que la prévention se trouvant purgée par l'arrêt qui déclarait n'y avoir lieu à accusation, aucun texte de loin'autorisait à retenir les pièces saisies à domicile, par le motif et sous le prétexte de la possibilité d'une poursuite ultérieure qui n'était pas encore commencée; qu'une telle manière de procéder laisserait indéfiniment un inculpé à l'égard duquel il a été déclaré n'y avoir lieu à accusation, sous le coup d'une prévention qui ne porterait pas moins atteinte à sa personne qu'à son droit de propriété ; que, par conséquent, elle constitue un excès de pouvoir'.» Dans une autre espèce, la chambre d'accusation avait rejeté la demande en restitution de papiers saisis au domicile de l'inculpé, à raison des réserves faites par le ministère public à fin de poursuites disciplinaires contre un officier ministériel. Cet arrêt a été cassé : « Attendu que les réserves étaient étrangères à l'inculpé, et que la circonstance que les papiers par lui réclamés ne se trouvaient plus dans le greffe du tribunal où ils avaient été déposés après leur saisie, et en étaient sortis pour être adressés aux tribunaux saisis des actions disciplinaires, ne changeait rien à son droit, et ne mettait pas obstacle légalement à ce que la chambre d'accusation ordonnât la restitution des pièces réclamées par le demandeur; que cette Cour était seule compétente pour prononcer cette restitution, sauf au procureur général, chargé de faire exécuter ses arrêts, à faire rétablir les pièces dont il s'agit au greffe du tribunal où elles ont été originairement déposées, afin qu'elles soient ensuite remises à qui de droit, moyennant bonne et valable décharge. >>

Enfin, toutes les fois qu'elle déclare qu'il n'y a lieu à suivre, la chambre du conseil doit ordonner le dépôt de la procédure au greffe *.

3

1 Cass. 31 mai 1838, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 147.

* Cass. 5 avril 1839, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 112.

800.

Legraverend, t. I, p. 392; Massabiau, t. II, p. 359; Duverger, t. III, p.

S 414.

II.

III. Effets de ces ordonnan

I. Des ordonnances de renvoi devant les tribunaux de police.
Devant les tribunaux correctionnels.
ces.-IV. De leur exécution.

I. Si la chambre du conseil est d'avis que le fait n'est qu'une contravention de police, elle doit, aux termes de l'art. 129, après avoir renvoyé l'inculpé devant le tribunal de police compétent, ordonner qu'il sera mis en liberté s'il est ar

rêlé.

Il résulte, en effet, de l'art. 91 que ce n'est que lorsque le fait est de nature à donner lieu à une peine correctionnelle, qu'un mandat peut être décerné contre l'inculpé. Des contraventions de police, quelles que soient les peines dont elles sont passibles, ne donnent pas lieu à cette mesure : les peines sont trop minimes pour que la poursuite exige la garantie de la détention préalable. De là il suit que lorsque, par l'effet d'une qualification erronée, l'inculpé d'une contravention de police a été arrêté, la première conséquence de la rectification de cette erreur doit être l'annulation du mandat abusivement décerné.

II. Si la chambre du conseil est d'avis que le fait est passible de peines correctionnelles, l'ordonnance doit, aux termes de l'art. 130, prononcer le renvoi devant la juridiction correctionnelle.

Cette disposition avait été restreinte par les lois des 8 octobre 1830, 10 décembre 1830, 10 avril 1831, 7 juin 1848, 28 juillet 1848 et 15 mars 1849, qui, comme garantie des droits politiques des citoyens, avaient attribué à la juridiction du jury tous les délits commis par la voie de la presse ou qui avaient un caractère politique : l'art. 25 du décret du 17 février 1852, et l'art. 1er du décret du 25 février suivant ont

renvoyé ces délits devant les tribunaux correctionnels, et la disposition de l'art. 130 est devenue une règle absolue.

Ce renvoi prononcé, l'ordonnance doit régler la position provisoire du prévenu. « Si, dans ce cas, porte le 2e § de l'art. 130, le délit peut entraîner la peine d'emprisonnement, le prévenu, s'il est en arrestation, y demeurera provisoirement. » Et l'art. 131 ajoute : « Si le délit ne doit pas entraîner la peine de l'emprisonnement, le prévenu sera mis en liberté, à la charge de se représenter à jour fixe devant le tribunal compétent. » Ces deux dispositions donnent lieu à plusieurs observations.

Il faut en inférer, d'abord, que l'ordonnance ne doit maintenir le prévenu en état de détention provisoire que lorsqu'il est établi 1° que le fait est qualifié délit par la loi; 2o qu'il peut entrainer la peine d'emprisonnement; 3° enfin, que le prévenu a été régulièrement mis en état d'arrestation avant que la chambre du conseil ait été saisie.

Si le fait n'a que le caractère d'une contravention, la détention provisoire, nous l'avons dit tout à l'heure, doit cesser. Elle doit cesser encore si le fait, bien que qualifié délit, n'entraîne pas la peine d'emprisonnement c'est la disposition formelle de l'art. 131. Enfin, lors même que le fait est qualifié délit et passible d'emprisonnement, le prévenu, s'il n'y est pas déjà, ne peut plus être mis en état d'arrestation. Nous avons vu, en effet, que la chambre du conseil ne peut ni décerner elle-même ni prescrire au juge d'instruction de décerner un mandat. C'est là un acte d'instruction qui rentre exclusivement dans les attributions de ce magistrat, et que, s'il ne l'a pas fait, la chambre du conseil ne peut faire à son défaut.

C'est par le même motif que cette chambre ne pourrait, en mettant l'inculpé en prévention à raison d'un délit passible d'emprisonnement, donner main-levée du mandat sous lequel le juge d'instruction l'a placé : elle est appelée à apprécier les résultats de l'instruction et non à refaire ses actes. La commis

« PreviousContinue »