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CHAPITRE VI.

DE L'OPPOSITION AUX ORDONNANCES DE LA CHAMBRE
DU CONSEIL,

§ 416. I. La Chambre du conseil ne constitue qu'un premier degré de juridiction. II. Ses ordonnances sont soumises à la Chambre d'accusation.

§ 417. I. De l'opposition aux ordonnances.-II. Quelles ordonnances peuvent être attaquées par cette voie.

§ 418. I. Droit du ministère public de former opposition. - II. Droit de la partie civile.-III. Droit du prévenu.

§ 419. I. Formes de l'opposition. - II. Dans quel délai elle doit être formée. III. Formes particulières à la partie civile.

§ 420. I. Dommages-intérêts au cas de rejet de l'opposition.-II. Dans quels cas ils sont dus.

S 416.

I. La Chambre du conseil n'est qu'un premier degré de juridiction.II. Ses ordonnances sont soumises à la Chambre d'accusation.

I. La chambre du conseil n'est qu'un premier degré de juridiction. Ce principe, qui a été la conséquence de la délibération du conseil d'État que nous avons rapportée plus haut, est écrit en termes explicites dans notre Code.

' Voy. suprà, p. 37 et 38.

En premier lieu, l'art. 133 veut que toutes les ordonnances qui déclarent, en matière criminelle, que la prévention est suffisamment établie, soient de plein droit soumises à un second degré de juridiction.

L'art. 135 porte, en second lieu, que lorsque la mise en liberté sera ordonnée conformément aux art. 128, 129 et 131, le ministère public ou la partie civile pourra s'opposer à leur élargissement. Or, l'opposition suppose une juridiction supérieure devant laquelle elle est portée.

Les art. 229, 233 et 235, lorsqu'il s'agit, soit de statuer sur cette opposition, soit de prononcer sur l'ordonnance de prise de corps par la chambre du conseil, soit d'évoquer une instruction qu'elle a commencée, la désignent encore sous la qualification générale de premiers juges.

Enfin, l'art. 539, au cas où elle aurait admis ou rejeté une exception d'incompétence, établit un recours contre sa décision.

Ainsi, les ordonnances de la chambre du conseil, soit de plein droit, soit par l'effet de l'opposition des parties, sont déférées à l'examen d'une juridiction supérieure.

II. C'est la chambre d'accusation qui constitue ce second degré de juridiction. Centre de l'instruction des affaires criminelles, toutes les questions qui se rattachent à cette instruction, soit qu'elles émanent du juge d'instruction, ou de la chambre du conseil, viennent aboutir à cette juridiction souveraine, pour y recevoir une solution définitive: elle est le juge d'appel de la chambre du conseil.

Ce principe est inscrit dans les art. 133, 218, 229, 231 et suivants du Code, et ne donne lieu, dans son application générale, à aucune difficulté. Mais ce n'est point ici le lieu de l'examiner et d'en déduire ses conséquences juridiques. Nous renvoyons cet examen au chapitre 8 de ce livre, relatif à la compétence de la chambre d'accusation.

Voy. notre t. V, p. 189.

Il est nécessaire cependant de poser dès à présent une distinction ce n'est que lorsque la chambre du conseil a été saisie en vertu de l'art. 127, par le rapport du juge d'instruction, que ses décisions peuvent être déférées à la chambre d'accusation; car ce n'est que lorsqu'elle a statué comme chambre des mises en prévention, c'est-à-dire comme juridiction de premier degré dans l'instruction des affaires criminelles, qu'elle trouve dans la chambre d'accusation une juridiction supérieure. Un tribunal avalt, par une délibération prise en chambre du conseil, désigné un juge suppléant pour instruire dans les procès auxquels le juge d'instruction ne pourrait suffire. Sur l'opposition du ministère public, cette décision avait été annulée par la chambre d'accusation; mais, sur le pourvoi du procureur général, cet arrêt a été cassé : « Attendu les chambres d'accusation sont établies pour juger des affaires dont les pièces leur ont été transmises, en exécution de l'art. 133 ou de l'art. 135....; qu'elles peuvent aussi dans toutes les affaires portées devant elles, ordonner d'office des poursuites, se faire apporter les pièces, informer ou faire informer et statuer ainsi qu'il appartient; mais que le ch. 1, tit. 2, liv. II du Code, par lequel ces chambres ont été créées, ne leur a pas donné, et qu'elles n'ont pas reçu depuis d'autres attributions; que de là il s'ensuit qu'elles sont sans pouvoir pour connaître des décisions des chambres du conseil, qui, ne faisant autre chose que nommer un de leurs membres pour partager avec le juge d'instruction en titre les fonctions de juge instructeur, sont moins des actes de procédure que des actes d'administration; que, quelque illégale que soit la création par un tribunal de première instance d'un second juge d'instruction dans un arrondissement où le roi n'en a établi qu'un seul, et quoiqu'elle présente une usurpation manifeste de pouvoir, ce n'est pas aux chambres d'accusation qu'il appartient de réformer ou d'annuler l'acte qui la renferme 1. »

* Cass. 17 oct. 1823, rapp. M. Aumont, J. P., t, XVIII, p. 170.

Mais, toutes les fois que la chambre du conseil a procédé en vertu de l'art. 127, quel que soit le vice de son ordonnance, ce n'est ni devant la chambre civile, ni devant la chambre correctionnelle de la Cour impériale que l'opposition doit être portée, mais seulement devant la chambre d'accusation. Une chambre du conseil avait, en statuant sur une procédure criminelle, pris des mesures disciplinaires contre un juge de paix et un notaire. La chambre d'accusation, saisie par opposition, se déclara incompétente pour réformer cette disposition. Cet arrêt a été déféré, dans l'intérêt de la loi, à la Cour de cassation. « La question, a dit le procureur général, est de savoir si ce n'est pas à la chambre d'accusation seule qu'il appartient d'annuler l'ordonnance. Or il est dans l'essence de nos principes que cette chambre avait l'autorité exclusive, et qu'une fois légalement saisie par l'opposition, elle devait prononcer sur toutes les questions qu'elle faisait naître. Dans l'ordre judiciaire, il y a des degrés de juridiction, une hiérarchie, diverses directions respectivement tracées par la loi, dont il est impossible de dévier. Les chambres d'accusation sont juges des ordonnances des chambres du conseil, lorsque celles-ci procèdent en vertu de l'art. 127, et c'est ainsi qu'on avait procédé. La chambre du conseil, dans l'espèce, était saisie en vertu de l'art. 127; elle en a totalement dépassé les limites; mais cet excès de pouvoir n'empêche pas qu'elle n'ait procédé comme chambre du conseil, et d'après le rapport qui lui avait été fait par le juge d'instruction. Son erreur, son incompétence, son excès de pouvoir n'ôtent point à l'ordonnance son caractère extrinsèque, et soit qu'il s'agisse d'incompétence, soit qu'il s'agisse d'une simple réformation, c'est toujours au tribunal supérieur qui se trouve sur la même ligne, qu'il appartient de prononcer. » La Cour de cassation s'est bornée à adopter les motifs de ce réquisitoire '.

1 Cass. 5 déc. 1823, rapp. M. Aumont, S. V. 24, I, 182; D. A. 3. 430. J. P., t. XVIII, p. 250.

$ 417.

1. De l'opposition aux ordonnances.-II. Quelles ordonnances peuvent être attaquées par cette voie.

I. Le recours contre les ordonnances de la chambre du conseil a été qualifié inexactement opposition par les art. 135, 229 et 231 du Code; c'est un véritable appel; car, dans la langue juridique, l'opposition est la voie de recours qui frappe les jugements par défaut, et devant la chambre du conseil, il n'y a point de défaut. Mais il y a nécessité d'adopter une expression admise par la loi et que l'usage a consacrée.

L'opposition, dans le cas où elle est soumise de plein droit à la chambre d'accusation, est la seule voie de recours que la loi ait établie contre les ordonnances de la chambre du conseil; elles ne sont pas, en effet, susceptibles d'être attaquées par la voie de la cassation, puisqu'elles ne sont pas en dernier ressort. La Cour de cassation a consacré ce point en déclarant ⚫ que le recours en cassation envers ces ordonnances ne peut jamais ètre exercé, puisque ce recours n'est autorisé qu'envers les jugements en dernier ressort, et que les ordonnances de la chambre du conseil peuvent être réformées par les voies ordinaires de l'opposition ou de l'appel '. »

II. Quelles sont les ordonnances susceptibles d'ètre attaquées devant la chambre d'accusation? Cette question présentait, dans les premiers temps qui suivirent la promulgation du Code, à raison de l'insuffisance de ses textes, des difficultés graves que l'interprétation a successivement aplanies. Il est nécessaire, pour saisir ces difficultés et les solutions.

'Cass. 6 mars 1818, rapp. M. Ollivier, J. P., t. XIV, p. 688; 23 oct. 1840, rapp. M. Vinçens Saint-Laurent, Bull. n. 312, S. V. 40, 2, 627. ↑

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