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qu'il suit de là que, quand cinq magistrats appartenant à la chambre d'accusation sont réunis, elle est aussi complète qu'elle a besoin de l'être; qu'il ne peut y avoir alors lieu d'y appeler des magistrats d'une autre chambre, et que les magistrats qui s'y trouveraient sans nécessité sont sans caractère pour concourir aux arrêts qu'elle doit rendre; qu'il résulte des art. 127, 235, 238 et 240, C. inst. cr., que le conseiller désigné par la chambre d'accusation pour remplir les fonctions de juge d'instruction ne peut être pris que parmi les membres de cette chambre; qu'il en fait nécessairement partie pour les affaires dont il a dirigé l'instruction, et que, lorsqu'il y revient après en être sorti, par l'effet du roulement, pour assister au rapport et au jugement de ces affaires, c'est toujours comme membre de la chambre d'accusation; que, dans ce cas, sa présence ne doit exclure aucun des membres qui la composent habituellement, parce qu'elle peut être formée d'un nombre de juges supérieur à cinq, lorsque tous sont attachés au service de cette chambre; mais qu'elle exclut formellement tout membre étranger à la chambre d'accusation qui n'y aurait été appelé que pour compléter le nombre indispensable, du moment où ce nombre est atteint sans le concours de ce dernier '. »

III. Les membres de la Cour qui doivent former la chambre d'accusation sont désignés et renouvelés chaque année par le roulement. L'art. 15 du décret du 6 juillet 1810 porte: «Chaque année, le tiers des membres d'une chambre passera dans une autre chambre, dans l'ordre qui sera réglé par un décret particulier. » L'art. 4 de l'ordonnance du 11 octobre 1820 ajoute: « La répartition des conseillers sera combinée de manière que les chambres criminelles soient toujours composées, au moins pour la moitié, de conseillers qui ont déjà fait le service dans la chambre. » La chambre d'accusa

* Gass. 18 mai 1839, rapp. M. Voysin de Gartempe. Bull. n. 161.

tion, d'après ces dispositions, occupait exclusivement les membres qui la composaient; ils ne pouvaient en être distraits pour aucun autre service, si ce n'est le service accidentel des assises et des vacations.

Cette organisation a été modifiée par l'ordonnance du 5 août 1844, dont la chambre des requêtes a reconnu la légalité, et qui porte : « Art. 1er. Les magistrats composant la chambre des mises en accusation des Cours royales feront, en outre, le service des autres chambres, entre lesquelles ils seront répartis à l'époque et suivant le mode déterminés par l'ordonnance du 11 octobre 1820. Néanmoins, le président de la chambre des mises en accusation restera exclusivement attaché à cette chambre. « Art. 2. La présente ordonnance n'est pas applicable à la Cour royale de Paris. Pendant la tenue des assises, au chef-lieu de cette Cour, les magistrats désignés pour former la Cour d'assises seront remplacés par les membres de la chambre des mises en accusation, à tour de rôle, et en commençant par le dernier sur la liste de rang. Il en sera de même pour le service des autres chambres de la même Cour, lorsque le nombre de 7 ou de 14 juges devra être complété. »

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Quelles que soient les exigences du service judiciaire qui ont pu motiver cette ordonnance, la mesure qu'elle a prescrite nous paraît regrettable. La chambre d'accusation a perdu son unité et par conséquent une partie de sa force. Le législateur, qui avait voulu en faire le centre et le modérateur de toutes les instructions criminelles, dans chaque ressort, n'avait point imposé aux magistrats qui la composaient d'autre travail, d'autres occupations que le service même de la chambre; ils pouvaient ainsi cultiver l'étude du droit pénal et demeurer attentifs à la marche et aux progrès de la jurisprudence; ils pouvaient soumettre les procédures à un examen plus approfondi, scruter les actes des juges d'instruction,

* Cass. 19 août 1844. S. V. 44,1, 648.

étudier les ordonnances des chambres du conseil. Il était utile que, dans le sein de chaque Cour, quelques magistrats, spécialement adonnés à cette partie du droit, pussent en accréditer les doctrines et en maintenir les règles. L'ordonnance, en mélant les études et les fonctions, tend nécessairement à en affaiblir ou restreindre la portée et l'exercice. Elle n'a point sans doute touché à la juridiction; mais il est à craindre qu'en enlevant aux juges leurs loisirs et la préoccupation exclusive d'une seule fonction, elle n'enlève en même temps à l'examen des procédures criminelles une partie de sa profondeur, et au droit lui-même les méditations qui l'enrichissaient.

IV. L'art. 3 du décret du 6 juillet 1810 donne au procureur général la faculté de réunir à la chambre d'accusation la chambre des appels correctionnels, pour entendre son rapport et statuer sur ses réquisitions. Cet article porte : « Lorsque notre procureur général estimera qu'à raison de la gravité des circonstances dans lesquelles une affaire se présente, ou à raison du grand nombre des prévenus, il est convenable que le rapport qu'il doit faire en conséquence de l'art. 218 G. instr. crim., soit présenté à deux chambres d'accusation réunies dans les Cours où il y a plusieurs chambres d'accusation, ou à la chambre d'accusation, dans les Cours où il n'y en a qu'une, réunie à la chambre qui doit connaître des appels de police correctionnelle lesdites chambres seront tenues de se réunir, sur l'invitation qui leur en sera faite par notre procureur général, après en avoir conféré avec le premier président ; elles entendront le rapport et délibéreront sur la mise en accusation, le tout dans les délais fixés par l'art. 219. »

Il semble résulter de ce texte que le procureur général est seul appréciateur de l'opportunité de cette mesure, puisqu'il dispose que les deux chambres sont tenues de se réunir sur son invitation. A la vérité, cette invitation ne doit être faite par ce magistrat qu'après en avoir conféré avec le premier président; mais cette conférence ne peut avoir d'autre but

que de communiquer au chef de la Cour la mesure provoquée, afin qu'il puisse régler le service de manière qu'elle ne trouve aucun obstacle. Il est convenable même que l'invitation soit adressée au premier président et que la réunion soit ordonnée par ce magistrat '.

La Cour de cassation a été appelée à interpréter cette disposition. Un pourvoi avait été fondé sur la composition irrégulière de la chambre d'accusation et de la chambre correctionnelle réunies, en ce que la réunion de ces chambres avait été ordonnée par le premier président, d'après un réquisitoire du procureur général, tandis que celui-ci est seul autorisé à la prescrire. Ce moyen a été rejeté, « attendu que l'ordonnance du premier président, qui a ordonné la réunion dés deux chambres, suivant l'invitation que le procureur général lui avait présentée à cet effet, est le résultat du concert de ces deux magistrats, et qu'elle ne présente pas dès lors une violation de l'art. 3 du décret du 6 juillet 1810. » Il est évident que le moyen proposé n'avait aucune valeur ; mais est-il exact de dire, comme le fait l'arrêt, que la réunion doit être le résultat du concert des deux magistrats? Si ce concert est nécessaire, ne faudra-t-il pas en induire que le premier président, s'il croit la mesure inutile, peut la refuser? Tel n'est pas le sens de l'art. 3 du décret : il ne délègue qu'au procureur général l'estimation de la gravité des circonstances qui rendent la mesure nécessaire; elle est prise sous sa seule responsabilité. On peut remarquer, en effet, que ce magistrat ne procède point par des réquisitions qui pourraient être rejetées. Il fait une invitation à laquelle la Cour est tenue d'obtempérer, et quand les chambres sont réunies, elles n'ont point à délibérer sur l'utilité de leur réunion elles entendent le rapport et délibèrent sur la mise en accusation. C'est là une mesure d'administration qu'elles n'ont point à apprécier.

1 Legraverend, t. I, p. 429; Mangin, t. II, p. 146. Cass. 9 déc. 1857, rapp. M. Rives. S. V. 48, 4, 73.

C'est par ce motif que les accusés ne peuvent se faire un grief de cette réunion. Dans une poursuite pour délit de presse, le prévenu soutenait, à l'appui de son pourvoi, que le procureur général n'avait pu donner à cette poursuite une apparence de gravité, nécessaire pour convoquer les deux chambres, qu'en liant illégalement, dans son réquisitoire, deux affaires non connexes, mais se prêtant mutuellement une importance qu'isolées elles n'avaient point. Ce moyen a été rejeté, attendu que le décret du 6 juillet 1810 a autorisé, par son art. 3, le procureur général à demander la réunion de la chambre correctionnelle à la chambre d'accusation, quand les affaires portées devant cette dernière lui paraissent de nature à l'exiger; que peu importe que plusieurs affaires soient comprises dans le même réquisitoire à cette fin, lorsque chacune d'elles présente au procureur général un caractère suffisant de gravité; ce qui résulte du réquisitoire présenté dans l'espèce '. »

Les deux chambres réunies doivent-elles former une réunion de dix ou de douze membres? La Cour de cassation avait déclaré, par un premier arrêt : « que chacune des chambres d'accusation et de police correctionnelle ne peuvant, aux termes de l'art. 2 du décret du 6 juillet 1810, rendre arrêt qu'au nombre de cinq juges au moins, il en résulte que le nombre de dix juges au moins est nécessaire pour qu'elles puissent rendre arrêt, lorsqu'elles sont réunies en exécution de l'art. 3 du même décret '. » Mais, par un arrêt postérieur, elle a jugé, en se fondant sur l'ordonnance du 24 septembre 1828, « qu'aux termes de l'art. 1o de cette ordonnance, qui a dérogé sur ce point à l'art. 3 du décret du 6 juillet 1810, les chambres des appels de police correctionnelle doivent être composées de sept juges au moins, y compris le président; que si cette ordonnance,

1 Cass. 4 mars 1831, rapp. M. Ricord. J. P., t. XXIII, p. 1286. Cass. 8 oct. 1819, rapp. M. Aumont. J. P., t. XV, p. 535.

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