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comme remplissant les fonctions de juges. Tout dépend donc du caractère qu'on se propose de leur donner. Or, en supprimant le jury d'accusation, Sa Majesté a voulu surtout que l'action des juges ne fût pas entravée, et c'est par des juges qu'elle a entendu faire décider s'il y a lieu à mettre en accusation. M. Treilhard répond que, dans le cas de l'article, les juges ne sont certainement pas tout à fait des jurés, mais qu'ils n'opèrent pas non plus tout à fait comme juges, puisqu'ils décident d'après les mêmes règles que les jurés'. » M. Faure a paru donner dans l'exposé des motifs le sens de cette disposition, lorsqu'il a dit que « le plus grand secret doit présider aux délibérations de la Cour impériale dans toutes les affaires criminelles qui lui sont soumises. Nous verrons plus loin l'influence de cette règle sur les formes de la procédure.

IV. La chambre doit prononcer « au plus tard dans les trois jours du rapport du procureur général » (art. 219). L'examen des pièces, l'appréciation de tous les faits et la détermination de leur qualification, dans les affaires compliquées où figurent de nombreux prévenus, exigent au moins ce délai qui ne doit courir que du jour où le procureur général a terminé son rapport et déposé ses réquisitions écrites.

L'art. 225 ajoute néanmoins que « les juges délibéreront entre eux sans désemparer. » Cette disposition, textuellement reproduite de l'art. 238 du C. du 3 brumaire an iv, qui l'appliquait aux jurés, doit être entendue en ce sens que la chambre, lorsque sa délibération est commencée, ne doit entendre aucun autre rapport et procéder à aucun autre acte, jusqu'à ce qu'elle soit terminée. Elle ne proscrit pas un intervalle dans la délibération; elle interdit seulement de prendre une autre affaire avant que l'arrêt soit rendu. La Cour de cassation a d'ailleurs jugé que l'art. 225 n'a prescrit qu'une

1 Locré, t. XXV, p. 431.

2 Ibid., p. 566.

mesure d'ordre à l'inobservation de laquelle il n'a point attaché la peine de nullité 1. »

V. Les arrêts sont prononcés à la majorité des voix. L'exception contenue dans l'art. 133 est spéciale à la chambre du conseil.

S'il y a partage d'opinions, il n'y a point lieu d'appeler d'autres juges pour le vider. L'avis le plus favorable au prévenu doit prévaloir. L'art. 12, titre xxv de l'ordonnance de 1670 portait : « Les jugements soit définitifs ou d'instruction passeront à l'avis le plus doux. » Cette règle s'appliquait particulièrement au réglement à l'extraordinaire. Notre Code, en la consacrant dans ses art. 347 et 583, ne l'a point étendue aux jugements d'instruction, ce qui a donné lieu à M. Merlin de soutenir qu'elle ne leur était point applicable '. Mais la Cour de cassation a maintenu l'ancienne jurisprudence, en déclarant « qu'il a toujours été de principe dans la législation française qu'en cas de partage d'opinions dans les jugements en matière criminelle, on doit suivre celle qui est plus favorable à l'accusé; que l'ord. de 1670, tit.XXV, art. 12, en confirmant cette règle établie par les lois anciennes, l'avait expressément appliquée aux jugements d'instruction et que les lois nouvelles, en l'adoptant pour les tribunaux qu'elles ont établis, ne l'ont pas limitée aux jugements définitifs; d'où il suit que la Cour de Metz, en suivant cette règle dans un arrêt qui statue sur une mise en accusation, n'a fait ni fausse application ni violation d'aucune loi 4. »

Cass. 24 fév. 1842, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 33.

2 Muyart de Vouglans, Inst. crim., p. 797; Jousse, Com. sur l'ord. de 1670, p. 444.

* Rep. vo Partage d'opinions § 2.

Cass. 5 mars 1813, rapp. M. Audriot-Massillon, J. P., t, XI, p. 182.

CHAPITRE VIII.

ATTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION.

§ 424. I. Attributions générales de la chambre d'accusation. II. L'exercice de ces attributions suppose 1° que le fait constitue un crime, un délit ou une contravention; prescrites sont purement préparatoires.

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III. 2o que les mesures

§ 425. I. Attributions de la chambre d'accusation avant de statuer au fond. - II. Elle ne peut procéder à aucun acte d'instruction, mais elle peut en ordonner. III. Elle peut ordonner un supplément d'information.

§ 426. I. Attributions de la chambre d'accusation quand l'instruction est complète. — II. Droit de statuer sur les questions de compétence, les exceptions préjudicielles et les fins de non recevoir. - Ill. Droit de connaître de tous les faits qui se rattachent à la prévention.

§ 427. I. Attributions de la chambre d'accusation en ce qui concerne l'appréciation des faits. 11. Cette appréciation est souveraine en ce qui touche l'existence des faits. III. Droit de réformer les qualifications. IV. Droit de réformer les irrégularités dont les ordonnances sont entachées.

§ 428. I. Attributions de la chambre d'accusation pour connaître de l'opposition aux ordonnances :-II. Aux ordonnances de la chambre du conseil. III. Aux ordonnances du juge d'instruction.

§ 429. I. Attributions de la chambre d'accusation dans les cas prévus par les art. 228, 235 et 250. - II. Conditions d'exercice du droit d'évocation. III. Lorsqu'elle est saisie par renvoi direct ou par opposition. IV. Lorsqu'elle est saisie par les réquisitions du ministère public. — V. Lorsqu'elle est saisie par une délégation des chambres assemblées.

§ 430. I. Attributions de la chambre d'accusation pour l'indication des tribunaux compétents.-II. Renvois devant le juge d'instruction. — III. Devant la chambre du conseil. IV. Devant le tribunal de police. V. Devant le tribunal correctionnel. VI. Devant la Cour d'assises.-VII. Doit-elle faire une indication en cas d'incompétence?

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§ 431. 1. Attributions de la chambre d'accusation pour statuer sur la 17

mise en liberté des prévenus. — II. Pour ordonner la restitution des objets saisis. III. Pour ordonner la reprise de l'instruction en cas de survenance de nouvelles charges.

S 424.

I. Attributions générales de la chambre d'accusation. II. L'exercice de ces attributions suppose 1° que le fait incriminé constitue un crime, un délit ou une contravention; III. 2o que les mesures prescrites sont purement préparatoires.

I. Le législateur a voulu constituer dans chaque Cour impériale un centre d'instruction de toutes les affaires criminelles du ressort. « Si les Cours impériales, porte l'exposé des motifs de la loi du 20 avril 1810, rendent plénièrement la justice civile, elles deviennent aussi le centre d'instruction de toutes les affaires criminelles. »>

Les chambres d'accusation ont été organisées pour remplir cette mission. Elles ont été en conséquence investies de trois attributions générales :

Elles ont seules le pouvoir de prononcer la mise en accusation des prévenus et leur renvoi devant la Cour d'assises; d'où il suit qu'elles connaissent en dernier ressort de toutes les procédures instruites à raison de faits qualifiés crimes par la loi. (Art. 133 et 231 C. inst. cr.)

Elles constituent un second degré de juridiction placé audessus des chambres du conseil et des juges d'instruction; d'où il suit qu'elles connaissent de toutes les ordonnances de ces premiers juges qui, dans le cas même où le fait n'a que le caractère d'un délit ou d'une contravention, sont frappées d'opposition par les parties. (Art. 134 et 539.)

Enfin elles exercent une haute surveillance sur l'instruction de toutes les procédures; d'où il suit qu'elles ont le droit, 1° d'étendre les poursuites dont elles sont saisies à tous les faits qui peuvent s'y rattacher; 2o d'ordonner une information lorsque, dans l'exercice de leurs fonctions, elles découvrent les traces d'un crime ou d'un délit; 3° d'évoquer d'office,

lorsqu'elles sont déjà saisies ou sur les réquisitions du ministère public, l'instruction des affaires qui sont poursuivies devant les juges inférieurs. (Art. 228, 235 et 250.)

Nous allons examiner dans ce chapitre l'étendue et les limites de ces différentes attributions qui, quoique distinctes entre elles, se meuvent sur un même terrain, celui de l'instruction, et n'ont qu'un même objet, l'appréciation et le règlement des procédures.

Mais, avant d'aborder cet examen, il est deux règles générales qui dominent toute cette matière et qu'il est nécessaire de poser en avant.

II. La première de ces règles est que les chambres d'accusation n'ont de compétence qu'autant que les faits dont elles sont saisies ont le caractère d'un crime, d'un délit ou d'une contravention.

Les art.221,229,230,231 et 235 ne leur donnent, en effet, juridiction que sur les faits qui présentent l'un de ces trois caractères et qui rentrent dès lors dans les catégories de la loi pénale. Cette compétence spéciale est la suite et le complément de celle du juge d'instruction et de la chambre du conseil ; or, les art. 63 et 127 n'étendent les pouvoirs de ces premiers juges que sur les faits qui constituent des infractions punissables. C'est d'après ce principe que la Cour de cassation a jugé qu'une chambre d'accusation ne peut, après avoir déclaré qu'il n'y a lieu à suivre contre un notaire prévenu de faux, ordonner qu'il sera poursuivi par voie disciplinaire : « attendu que, d'après les art. 229, 230 et 231, la compétence des chambres d'accusation, saisies d'une prévention, en conformité des art. 133 et 135, est d'une nature spéciale; qu'elle se borne, d'une part, à examiner s'il existe contre les prévenus, des charges de culpabilité de faits ayant le caractère de crimes, délits ou contraventions, de l'autre, à renvoyer, en cas de charges suffisantes, les prévenus devant les Cours d'assises ou les tribunaux correctionnels ou de police, et dans le cas contraire, à ordonner leur mise en liberté; qu'aucun de

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