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car il n'y a point de conflit de juridiction; il ne s'agit même pas de proroger la compétence d'un tribunal, puisque nous ne supposons point que la procédure dont la chambre d'accusation est saisie soit liée à quelque autre par les liens de la connexité ou de l'indivisibilité; il s'agit uniquement de savoir si cette chambre est investie du pouvoir que les art. 427 et 429 ont attribué à la Cour de cassation de renvoyer les affaires, dans lesquelles elle a prononcé l'annulation des jugements, devant des juges qui n'étaient pas légalement compétents pour en connaître. Or nous croyons que la loi n'a donné qu'à la seule Cour de cassation, dans l'intérêt de l'administration de la justice, ce droit exceptionnel, qui a sa puissance la plus haute dans l'art. 542, de baser les renvois qu'elle fait, non plus sur les règles de la compétence, mais sur des considérations d'utilité générale qu'elle apprécie. Seule cette Cour est placée assez loin des faits pour n'apercevoir que les intérêts généraux de la justice et pour ne céder à aucune des considérations locales qu'il est si facile de soulever dans la plupart des affaires pour en dépouiller les juges naturels. Il faudrait, pour que la chambre d'accusation pût revendiquer un tel pouvoir, qu'une disposition formelle l'en eût investie; or cette disposition n'existe pas, car la formule des art. 427 et 429 n'a point été introduite dans l'art. 230.

Cependant si la chambre d'accusation avait été saisie, par suite d'un renvoi de la Cour de cassation, d'une procédure instruite par un tribunal qui n'appartient point à son ressort, elle ne devrait point renvoyer le prévenu devant le tribunal où l'instruction s'est faite, mais devant un tribunal de son ressort. Telle est la règle posée, dans une espèce identique, par l'article 432. Mais, dans ce cas, cette déviation des règles de la compétence provient de la Cour de cassation, qui a saisi la chambre d'accusation, et non de cette chambre, qui ne fait qu'en déduire la conséquence. Elle n'est pas maîtresse de saisir le tribunal compétent ratione loci, puisque ce tribunal est situé en dehors de son ressort.

C'est, en effet, une règle générale que la chambre d'accusation ne peut saisir que les juges de son ressort; elle n'exerce son autorité que dans cette limite, et ce serait l'étendre au delå que de saisir des juges qui sont placés en dehors. Cette règle, qui s'appuie sur les textes des art. 431 et 432, a été consacrée par deux arrêts de la Cour de cassation, qui déclarent que, dans le cas de renvoi fait par la Cour de cassation à une autre Cour impériale, celle-ci ne peut point renvoyer l'affaire devant les juges établis dans le ressort de la Cour impériale dont l'arrêt a été annulé, mais qu'elle doit faire le renvoi devant les juges de son propre ressort'. »

VI. Enfin, si le fait est qualifié crime par la loi et que la Cour trouve des charges suffisantes pour motiver la mise en accusation, elle ordonne, aux termes de l'art. 231, le renvoi du prévenu aux assises.

La loi n'a pas dit devant quelle Cour d'assises le renvoi doit être ordonné. Il ne faut pas conclure de là que le prévenu puisse être arbitrairement renvoyé devant telle ou telle Cour d'assises du ressort. Il faut entendre l'art. 231 comme l'article 230 la chambre d'accusation ne peut qu'indiquer la Cour d'assises compétente ratione loci, celle du département où l'instruction a été faite; elle trace à la procédure sa marche; elle ne peut modifier les règles d'après lesquelles les juridictions sont saisies. Cette solution, qui n'est que l'application des pouvoirs restreints que nous avons reconnus à la chambre d'accusation, se trouve ici implicitement confirmée par l'art. 18 de la loi du 20 avril 1810, qui porte: « La connaissance des faits emportant peine afflictive ou infamante dont seront accusées les personnes mentionnées en l'art. 10 (les hauts fonctionnaires), est attribuée à la Cour d'assises du lieu où réside la Cour impériale. » Donc il a fallu cette attribution spéciale de la loi pour distraire ces faits de la Cour d'as

Cass. 28 nov. 1811, rapp. M. Bisschop. J. P., t. IX, p. 738. 13 sept. 1816, rapp. M. Lecoutour. J. P., t. XIII, p. 636.

sises du lieu du crime ou de la résidence de l'accusé, seule compétente, d'après les règles générales de la procédure, pour en eonnaître 1.

Cependant il faut ajouter, comme on le faisait tout à l'heure relativement aux tribunaux correctionnels, que si la chambre d'accusation a été saisie par un renvoi de la Cour de cassation, elle doit nécessairement faire le renvoi, non point à la Cour d'assises du lieu du crime, mais à une Cour d'assises de son ressort. Ce cas est spécialement prévu par l'art. 432, qui porte: « Lorsque le renvoi sera fait à une Cour impériale, celle-ci, après avoir réparé l'instruction en ce qui la concerne, désignera, dans son ressort, la Cour d'assises par laquelle le procès devra être jugé. » Une chambre d'accusation, nonobstant cette disposition formelle, avait, après un renvoi de la Cour de cassation, désigné la Cour d'assises du lieu du crime, située dans un autre ressort. Cette désignation a été annulée, sur un pourvoi formé en vertu de l'art. 441, et l'arrêt de cassation porte, « qu'il résulte de la combinaison des articles 314, 429, 431 et 432, que la chambre d'accusation, saisie par la Cour de cassation de la connaissance d'une affaire, ne peut renvoyer le jugement de cette affaire à une Cour d'assises autre que celles de son ressort". »

VII. Une dernière question se présente : comment la chambre d'accusation doit-elle régler la compétence lorsque, après avoir constaté les indices d'un crime ou d'un délit, elle reconnaft que l'instruction a été faite par un juge incompétent?

Nous avons déjà vu, et ce point ne peut donner lieu à aucun doute, que la procédure faite par un juge incompétent est nulle, et qu'aucun de ses actes ne peut survivre à cette nullité 3. Ainsi, les saisies qui sont intervenues, les mandats qui ont été décernés tombent aussitôt qu'il est reconnu que

'Conf. Mangin, t. II, p. 459.

⚫ Cass. 27 juin 1845, rapp. M. Fréteau de Pény. Bull. n. 208.

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l'autorité d'où ils émanent était sans pouvoir pour les ordonner.

Mais, après avoir déclaré cette annulation de la procédure, que doit faire la chambre d'accusation? quelle indication peut-elle faire du juge qu'elle reconnaît compétent?

Si l'incompétence provient de ce que le juge d'instruction qui a procédé à l'information n'était ni celui du lieu du délit ni celui de la résidence ou du lieu de l'arrestation du prévenu, et si le juge compétent se trouve dans le ressort de la Cour, elle peut, si elle n'en évoque pas elle-même l'instruction, lui faire le renvoi de l'affaire.

Mais si l'incompétence provient de ce que le prévenu, à raison de sa qualité, est justiciable d'une juridiction exceptionnelle, ou si le juge compétent pour instruire est placé en dehors de son ressort, la chambre d'accusation ne peut faire aucune indication. Elle ne peut, en effet, saisir par son arrêt un juge qui est situé en dehors des limites où s'arrête son autorité ou qui est indépendant de sa juridiction. Saisir un tribunal, c'est faire acte de juridiction; or, comment la Cour, qui se déclare elle-même incompétente dans cette hypothèse, pourrait-elle faire cet acte? Renvoyer une affaire à un tribunal, c'est régler la compétence de ce tribunal; or, dès que la chambre d'accusation ne peut faire directement le réglement, comment pourrait-elle y procéder indirectement? Il faut donc décider, comme le propose M. Mangin', que cette chambre doit, dans ce cas, se borner à déclarer son incompétence et à ordonner la mainlevée des saisies et la mise en liberté du prévenu. Il n'appartient qu'au ministère public d'examiner la marche que doit, après cette déclaration d'incompétence, suivre l'action publique.

1 T. II, p. 177.

S 431.

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J. Attributions de la chambre d'accusation pour statuer sur la mise en liberté des prévenus. II. Pour ordonner la mainlevée des saisies et la restitution des effets saisis. III. Pour ordonner, au cas de survenance de nouvelles charges, la reprise de l'instruction.

I. La chambre d'accusation doit ordonner la mise en liberté des prévenus, 1° lorsqu'elle déclare son incompétence; 2o lorsqu'elle décide qu'il n'y a lieu à suivre ; 3° lorsque, même en renvoyant les prévenus devant leurs juges, elle ne reconnaît aux faits que le caractère d'une contravention ou d'un délit non passible d'emprisonnement.

Lorsqu'elle déclare son incompétence, la conséquence nécessaire de cette déclaration est, comme on vient de le dire tout à l'heure, la mise en liberté du prévenu; car la chambre d'accusation n'est incompétente que lorsque le juge d'instruction a été sans pouvoir pour instruire, et dès lors les mandats, émanés d'un juge incompétent, doivent être annulés.

Lorsqu'elle déclare qu'il n'y a lieu à suivre, la conséquence nécessaire de cet arrêt est encore la mise en liberté du prévenu. Telle est la prescription de l'art. 229 ainsi conçu : « Si la Cour n'aperçoit aucune trace d'un délit prévu par la loi, ou si elle ne trouve pas des indices suffisants de culpabilité, elle ordonnera la mise en liberté du prévenu ce qui sera exécuté sur-le-champ, s'il n'est retenu pour autre cause. Dans le même cas, lorsque la Cour statuera sur une opposition à la mise en liberté du prévenu prononcée par les premiers juges, elle confirmera leur ordonnance; ce qui sera exécuté comme il est dit au précédent paragraphe. La rédaction de cet article donne lieu à deux observations relatives à la mise en liberté la première est que cette mesure, lors même que l'arrêt ne l'aurait pas ordonnée, comme le prescrit l'article,

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