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port; mais il est évident qu'elle n'a voulu attacher aucune déchéance à ses retards.

Il peut être utile de reproduire ici l'observation d'un magistrat expérimenté relativement à l'envoi des procédures: « Les procureurs généraux ont pu remarquer que, tant que l'époque des assises est éloignée, les juges d'instruction mettent de la lenteur à faire régler par les chambres du conseil les procédures qui sont susceptibles d'être transmises à la chambre d'accusation; mais 'que, quand le moment de cette ouverture approche, ils se hâtent de faire procéder à ce règlement, de telle manière que les procédures formalisées dans les départements où les assises vont s'ouvrir arrivent toutes à la fois; le parquet est surchargé, les affaires ne peuvent pas y être examinées avec l'attention et la maturité convenables, les actes d'accusation sont rédigés avec précipitation, et les présidents des Cours d'assises n'ont pas le temps nécessaire pour compléter les instructions, lors même qu'ils s'aperçoivent qu'elles présentent des points qu'il serait utile d'éclaircir avant l'ouverture des débats. Ce sont là de graves inconvénients. Mais le zèle du procureur général peut y pourvoir. Les notices qui lui sont transmises l'avertissent des affaires qui sont susceptibles d'être réglées par la chambre d'accusation; il lui est facile d'en presser l'instruction, de demander compte des retards qu'elles éprouvent, de faire cesser ceux qui ne tiennent qu'à la négligence 1. »

III. Le rapport du procureur général peut être écrit ou verbal : la loi n'en indique point la forme.

Mais les réquisitions que ce magistrat dépose à la suite de son rapport, doivent être écrites et signées : l'art. 224 le prescrit en termes exprès. C'est là, en effet, l'une des pièces de la procédure, la base nécessaire de l'arrêt de la chambre d'accusation; cette pièce doit prendre place au dossier et doit justifier, dès lors, par elle-même de sa régularité.

↑ M. Mangin, t. II, p. 138.

Ces réquisitions doivent être motivées; elles doivent caractériser les faits, citer les lois pénales qui leur sont applicables, et porter sur tous les points sur lesquels la chambre d'accusation doit statuer. Cette chambre doit y trouver les éléments de son arrêt.

L'art. 234 ajoute que l'arrêt doit, à peine de nullité, faire mention des réquisitions du ministère public. Cette mention ne dispense pas de la production des réquisitions; mais elle pourrait cependant y suppléer.

Les réquisitions doivent, pour que la chambre d'accusation puisse statuer, porter sur le fond de la prévention; il ne suffirait pas qu'elles eussent été prises sur un incident de la procédure. La Cour de cassation a jugé dans ce sens : « Qu'en droit, tout arrêt d'une chambre des mises en accusation, rendu sans que le minstère public ait été entendu, doit être annulé; que l'arrêt de la chambre d'accusation de Poitiers a statué tout à la fois sur l'incident relatif à la mise en liberté provisoire réclamée par le défendeur à la cassation, et sur le fond de la prévention évoquée par la chambre; que le ministère public, qui avait fait son réquisitoire et donné ses conclusions sur l'incident seulement, n'a pas été entendu sur le fond; que dès lors l'arrêt en cette partie a été rendu en violation de l'art. 234. » Cet arrêt vient implicitement confirmer l'opinion que nous avons émise sur la même question, lorsqu'elle est soulevée devant la chambre du conseil ".

' Cass. 31 août 1837, rapp. M. Fréteau. Bull. n. 255.

Voy. suprà, p. 144.

§ 433.

1. Droit du prévenu et de la partie civile de fournir un mémoire devant II. Peuvent-ils exiger la communication

la chambre d'accusation.

de la procédure? - III, La chambre d'accusation peut-elle ordonner cette communication.

1. L'art. 217 porte que, « la partie civile et le prévenu pourront fournir tels mémoires qu'ils estimeront convenable. Quelle est la portée, quelles sont les limites de cette faculté?

Il faut d'abord reconnaitre avec M. Mangin', que la loi n'a point voulu, en l'établissant, élever entre le prévenu, la partie civile et le procureur général un débat contradictoire. et nécessaire. On en trouve la preuve dans ces mots qui terminent l'art. 217 : « sans que le rapport puisse être retardé. Donc, le procureur général n'est pas tenu d'attendre les mémoires; donc ils ne sont pas un élément indispensable de l'instruction.

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La loi, en instituant une procédure préalable, écrite et sccrète, n'a pas voulu cependant, pendant cette première phase de l'instruction, supprimer entièrement les droits de la défense: elle a autorisé les parties à fournir des mémoires, elle a prescrit que ces mémoires fussent déposés sur le bureau de la chambre d'accusation; mais là s'est arrêtée sa pensée : il est évident qu'elle n'a pas voulu faire d'une faculté qu'elle ouvre au prévenu et à la partie civile une forme essentielle de l'instruction. Elle a permis la défense, mais elle ne l'a point protégée, elle ne lui a donné aucune garantic, elle lui a même refusé les moyens de se produire utilement. Aucun délai n'est donné aux parties pour préparer lears mémoires; elles n'ont que celui qui a été attribué au procureur général pour préparer son rapport; et comme ce

'T. II, p. 139.

délai peut être abrégé, il s'ensuit que si ce magistrat termine son travail avant qu'elles n'aient terminé leur défense, elles sont frappées de déchéance. La loi s'est en même temps abstenue de prescrire formellement que les moyens de l'accusation leur fussent communiqués, de sorte que, si son texte est rigoureusement appliqué, leur rôle est de réfuter des charges qu'elles ignorent, de repousser des attaques qu'elles ne peuvent ni prévoir ni connaître, de se débattre dans le vide en face d'une accusation dont elles savent le but, mais dont elles ne savent pas les moyens? Ce n'est point là, nous le répétons, l'organisation d'un droit de défense; c'est simplement l'ouverture d'une faculté que les parties exercent comme elles l'entendent, comme elles le peuvent, sans qu'elles trouvent dans la loi aucun appui, aucun concours. Le législateur aurait pu, sans dévier du système du Code, sans prolonger les retards de l'instruction, sans la compliquer de formes nouvelles, faire de cette faculté à peu près illusoire un droit réellement utile, même pour la manifestation de la vérité. Mais, soit qu'il ait craint d'introduire un élément contraire au secret de la procédure, soit d'affaiblir la puissance de l'action publique, il ne l'a pas fait; il s'est borné à concéder une faculté qu'il lui eût été d'ailleurs impossible de dénier.

C'est en se pénétrant de cet esprit de la loi que la Cour de cassation a été amenée à repousser tous les moyens fondés sur ce que les parties n'avaient pu complétement user du droit énoncé par l'art. 317, en déclarant simplement « que cet article n'est pas prescrit sous peine de nullité 1. » Et, en effet, non-seulement il n'y a pas de sanction à la faculté que reconnait cet article, mais cette faculté, dénuée de toute condition légale d'application, peut être ou n'être pas exercée sans que la procedure en éprouve aucune inquiétude, aucun retard.

II. Le droit de produire des mémoires emporte-t-il celui 1 Cass. 5 fév. 1839, rapp. M. Gaillard. J. P., t. XXVI, p. 650.

d'exiger la communication des pièces de la procédure? Cette question a été le sujet de longs débats parmi les auteurs et dans la jurisprudence. On a soutenu, d'une part, que, par cela seul que la loi accorde aux parties la faculté de se défendre, elle leur reconnaît, par une conséquence nécessaire, le droit de prendre communication des charges de l'instruction, car comment la défense serait-elle possible sans la connaissance des charges de l'accusation? La loi du 17 pluviose an ix imposait au directeur du jury l'obligation de faire donner au prévenu lecture des charges et des dépositions des témoins avant de le traduire devant le jury d'accusation; or, cette disposition, dictée par la justice et l'humanité, n'est-elle pas implicitement maintenue par l'art. 217? Cet article peut-il être autre chose que le corollaire d'une communication préalable, puisque, cette communication supprimée, son application est purement illusoire? Si les art. 302 et 305 autorisent le conseil de l'accusé et l'accusé lui-même à prendre connaissance des pièces, s'ensuit-il donc que la communication antérieure de ces pièces, pour combattre la mise en accusation, soit interdite? Si la procédure est instruite par le juge en l'absence du prévenu, s'ensuit-il encore que celui-ci ne puisse, après l'instruction terminée, en prendre connaissance? La loi n'a point posé en principe le secret de la procédure; elle a donc permis toutes les communications qui peuvent rendre la défense possible, et on doit ajouter que ces communications doivent être considérées comme rentrant dans son vou, quand elles ont pour objet l'application même d'une faculté qu'elle a formellement consacrée. Telle est la doctrine qui a été successivement exprimée par M. Carnot, M. Legraverend et M. Bourguignon 3. On a répondu que l'art. 302 avait posé la limite où la procédure cesse d'être secrète; que la loi, en autorisant

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