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tion exceptionnelle et de rigueur, portée contre le contumax, à des prévenus qui n'ont point encore été déclarés tels, restreindrait arbitrairement le droit de la défense et pourrait nuire à la manifestation de la vérité; que dès lors en ordonnant la lecture du mémoire produit par Louis Martin, la chambre d'accusation n'a pas violé l'art. 468, ni faussement appliqué l'art. 222 '. »

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1. Procédure dans les cas d'information nouvelle et d'évocation.II. Délégation d'un juge instructeur. — III. Pouvoirs de ce juge.➡ IV. Rapport.

I. La chambre d'accusation n'est tenue de statuer dans les trois jours qui suivent celui où elle a été saisie que dans le cas où les pièces lui ont été transmises suivant la disposition des art. 133 et 135, et si la procédure lui paraît complète. Mais ce délai n'est plus applicable toutes les fois qu'elle reconnalt que l'instruction doit être complétée, ou qu'elle est saisie en vertu de l'art. 235. Alors, au lieu de prononcer immédiatement, elle ordonne une instruction soit supplémentaire, soit nouvelle. Ce sont les formes de cette instruction qui vont faire l'objet de ce paragraphe.

II. Lorsque la chambre d'accusation se borne à ordonner une mesure préparatoire, telle que l'apport des pièces de conviction ou l'avertissement relatif à la production d'un mémoire de défense, elle fixe, s'il en est besoin, un délai pour cette production et n'a plus autre chose à faire qu'à attendre que son arrêt soit exécuté.

Mais lorsqu'elle ordonne, soit un supplément d'instruction, soit une instruction nouvelle, son premier acte doit être de

1 Cass. 3 fév. 1826, rapp. M. Ollivier, J. P., t. XX, p. 434.

désigner le magistrat qui doit y procéder. Car nous avons vu qu'elle ne peut procéder par elle-même à aucun acte d'instruction'; elle ne peut qu'en déléguer l'accomplissement à un juge compétent à cet effet.

Si la chambre saisie en vertu des art. 133 et 135 ordonne, conformément à l'art. 228, une information supplémentaire, elle peut déléguer, suivant qu'elle le juge convenable, soit un juge de première instance, soit un de ses membres; elle peut même charger le tribunal de première instance de commettre un juge pour vaquer à cette information *.

Mais, lorsqu'elle est saisie en vertu de l'art. 235, elle ne peut déléguer qu'un de ses membres. C'est ce qui résulte de l'art. 236 qui est ainsi conçu: « dans le cas du précédent article, un des membres de la section dont il est parlé en l'art. 218, fera les fonctions de juge instructeur. » Dans les cas d'évocation, en effet, il importe que la procédure, enlevée à la connaissance des premiers juges, soit concentrée dans les mains des juges supérieurs le même motif qui commande l'évocation de l'instruction veut qu'elle ne sorte pas du sein de la chambre d'accusation. La Cour de cassation a consacré ce point en déclarant « qu'il résulte des art. 127, 235, 236, 238 et 240 du C. d'instr. cr., que le conseiller désigné par la chambre d'accusation pour remplir les fonctions de juge d'instruction ne peut être pris que parmi les membres de cette chambre. »Il en serait ainsi, lors même que la chambre d'accusation aurait été saisie par un arrêt des chambres assemblées, car l'art. 236 ne fait aucune distinction.

III. Le conseiller délégué est investi des mêmes pouvoirs que le juge d'instruction et doit, en général, suivre les mêmes règles. C'est ce qui résulte du texte des art 237 et 240, qui sont ainsi conçus : « Art. 237. Le juge entendra les té

Voy. suprà, p. 263.

Voy. suprà, p. 266.

* Cass. 49 mai 1839, rapp. M. Voysin de Gartempe. Bull n. 161.

moins, ou commettra pour recevoir leurs dépositions un des juges du tribunal de première instance dans le ressort duquel ils demeurent, interrogera le prévenu, fera constater par écrit toutes les preuves ou indices qui pourront être recueillis, et décernera, suivant les circonstances, les mandats d'amener, de dépôt ou d'arrêt. Art. 240. Seront au surplus observées les autres dispositions du présent code qui ne sont point contraires aux cinq articles précédents. Ces deux articles, loin de déroger aux fonctions ordinaires du juge d'instruction, s'y réfèrent expressément. La Cour de cassation a donc dû juger, en principe, « que, dans le cas d'évocation par une chambre d'accusation, le conseiller instructeur est tenu de suivre les mêmes règles que le juge d'instruction des tribunaux de première instance'. » De là découlent plusieurs conséquences.

En premier lieu, les ordonnances du conseiller instructeur n'ont pas d'autre force que celle des ordonnances des juges d'instruction; elles peuvent donc être déférées à la chambre d'accusation, qui a le droit de les confirmer ou de les annuler, d'abord parce qu'elles émanent d'un juge qui ne procède à l'instruction que sous sa surveillance, ensuite parce qu'elles émanent d'un juge délégué qui tient tous ses pouvoirs de la délégation. Ce point de droit a été reconnu par deux arrêts. Le premier, antérieur à la promulgation du code, déclare que l'ordonnance d'un juge délégué par une Cour de justice criminelle qui décide qu'il n'y a lieu à plus amples poursuites, ne peut lier cette Cour, « attendu que le procureur général pouvait, en ne considérant cette ordonnance que comme simple acte d'instruction, porter directement la connaissance de l'affaire devant la Cour de justice criminelle ellemême, autorisée à réparer les vices qui ont pu se glisser dans l'instruction, que la Cour de la Stura a donc violé la loi de son institution en donnant à une simple ordonnance d'instruc

'Cass. 12 fév. 1835, rapp. M. de Ricard. Bull. n. 54.

tion de son juge délégué l'autorité de la chose jugée, qui ne peut appartenir en aucun cas aux actes d'un juge délégué, relativement à la Cour dont il tient la délégation. Le second, rendu sous l'empire du Code, porte, « que les ordonnances des membres de la chambre d'accusation, chargés dans le cas de l'art. 235 et en exécution de l'art. 236, des fonctions de juge instructeur, ne sont pas plus que celles des juges d'instruction des tribunaux de première instance, des décisions souveraines; que le procureur général doit, aux termes de l'art. 238, présenter son rapport à la chambre d'accusation dans les cinq jours de la remise qui lui est faite des pièces; et que cette chambre, à laquelle toute la procédure est soumise, a nécessairement le pouvoir de confirmer ou de réformer les ordonnances du magistrat instructeur qui en fait partie, que ces ordonnances, sur lesquelles il est dans les attributions de la chambre d'accusation de statuer, n'ayant pas le caractère de jugement en dernier ressort, ne sauraient être l'objet légal d'un pourvoi en cassation *. »

En second lieu, le conseiller instructeur peut faire tous les actes que le juge d'instruction peut accomplir. Ainsi, lorsque la chambre d'accusation a ordonné un supplément d'instruction pour la vérification par experts d'une pièce incriminée, il lui appartient de nommer les experts et de recevoir leur serment. Ainsi, toutes les fois qu'il s'agit de procéder à une vérification de lieux ou de faits, il peut déléguer, comme le pourrait faire le juge d'instruction, un officier de police judiciaire pour en dresser procès-verbal, et l'art. 237 porte d'ailleurs qu'il fera constater par écrit toutes les preuves ou indices qui pourront être recueillis. »

Mais il est tenu en même temps de se conformer aux règles qui régissent les actes du juge d'instruction. Ainsi, il ne peut

Cass. 5 mai 1808, rapp. M. Carnot, J. P., t. VI, p. 668.

* Cass. 2 nov. 1821, rapp. M. Aumont., J. P., t. XVI, p. 926. * Cass. 34 août 1833, rapp. M. Brière, J. P., t, XXV, p. 867.

instruire contre un prévenu d'un fait qualifié crime sans procéder à son interrogatoire; car nul ne peut être mis en accusation sans avoir été mis à même de se défendre, et le mémoire fourni par le prévenu ne peut suppléer à son interrogatoire1. Ainsi, il ne peut déléguer à un juge de première instance l'interrogatoire du prévenu, car le juge d'instruction n'a pas ce pouvoir, et l'art. 237, conforme à la règle du droit commun, dispose qu'il interrogera le prévenu. Ainsi, enfin, il ne peut déléguer le droit de décerner des mandats, car ce droit n'a pas été attribué au juge, et l'art. 237 n'a point étendu à cet égard ses attributions.

Il existe toutefois, sur ce dernier point, un arrêt qui décide qu'aux termes de l'art. 484, le premier président, revêtu pour les faits y spécifiés des fonctions ordinairement dévolues au juge d'instruction, peut déléguer ces fonctions à tel officier qu'il aura spécialement désigné; que, dans l'espèce, le premier président a délégué au juge d'instruction de Bressuire les pouvoirs qui lui sont confiés par la loi ; que ces expressions ne peuvent s'entendre que de la plénitude des pouvoirs de juge d'instruction conférés par l'art. 484, et que ces pouvoirs comprennent le droit de décerner les mandats de comparution, d'amener, de dépôt et d'arrêt, d'après les art. 91, 92, 94 et 95 du C. d'inst. cr. ; que ce principe général est reproduit par l'art. 237 et n'est pas infirmé par l'art. 283, qui établit seulement une exception pour un cas particuliers 4. » On pourrait induire du dernier alinéa de cet arrêt, qu'il reconnaît, dans le cas de l'art. 237, un droit de délégation des mandats. Tel n'est pas le sens de cette décision, dont il faut lire attentivement les termes. Ce qu'elle déclare seulement, c'est que l'art. 484 autorise le premier président, dans le cas de poursuite pour crime contre un magistrat, à déléguer

Cass. 12 fév. 1835, rapp. M. de Ricard. Bull. n. 54.

Voy. notre t. V, p. 683 et 684.

Voy. notre t. V,

p. 772.

* Cass. 5 mars 1841, rapp. M. Mérilhou, Bull. n. 54.

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