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dure a été terminée, non par une ordonnance, mais par un arrêt de la chambre d'accusation, les premiers juges se trouvent dessaisis: aucun juge n'a donc de compétence pour instruire, et de là la nécessité de faire indiquer, par le président de la chambre d'accusation, le magistrat qui doit procéder à cette instruction. Cette doctrine a été consacrée par un arrêt qui porte: « Que l'art. 248 charge dans ce cas le président de la chambre d'accusation d'indiquer, sur le réquisitoire du procureur général, le juge d'instruction devant lequel il est procédé à une nouvelle instruction; que de cette désignation pure et simple, qui est nécessaire dans cette hypothèse par suite du dessaisissement des premiers juges, il résulte que la nouvelle instruction n'est nullement subordonnée à une appréciation préalable des charges nouvelles par la chambre d'accusation; que cette conséquence reçoit une nouvelle force de ce que la désignation émane du président, et non de la Cour elle-même; que cette instruction demeure done soumise aux mêmes règles que la première, et que, d'ailleurs, toute autorisation préalable de reprendre la poursuite n'aurait aucun objet, puisque les nouvelles charges ne peuvent être constatées que par une instruction, et que cette instruction doit nécessairement précéder l'appréciation même de ces charges'. »

Toutefois, si le président peut seul désigner le juge qui doit procéder à la nouvelle instruction, il est clair que cette désignation peut émaner à plus forte raison de la chambre d'accusation elle-même. Ainsi, il ne peut résulter aucune nullité, soit de ce que le président, au lieu de statuer luimême sur les réquisitions, en a référé à la chambre, soit même de ce que le procureur général, au lieu d'adresser ses réquisitions au président, les a adressées à la chambre d'accusation. C'est ce qui a été décidé par un arrêt qui déclare : qu'il résulte de la combinaison des art. 246, 247 et 248 que

'Cass. 5 janv. 1854, à notre rapport. Bull, n. 2.

l'instruction sur nouvelles charges doit être dirigée par la chambre d'accusation qui a connu des anciennes charges et les a déclarés insuffisantes; que le président de la chambre d'accusation, dans le cas où le procureur général lui cût adressé son réquisitoire, aurait eu le droit, d'une part, d'examiner si les charges présentées comme nouvelles avaient le caractère déterminé par la loi, pour autoriser de nouvelles poursuites de l'autre, d'appeler à cet examen, les autres juges de sa section pour délibérer et statuer, conjointement avec lui, sur la demande du procureur général; qu'ainsi le procureur général a pu saisir directement la chambre d'accusation, et que cette chambre, en reconnaissant aux documents produits devant elle, le caractère de charges nouvelles, en ordonnant que l'instruction serait reprise contre le prévenu, et en désignant un de ses membres pour procéder à cette instruction, n'a point commis d'excès de pouvoir ni violé les règles de la compétence1. »

Mais, que l'instruction nouvelle soit ordonnée par le président ou par la chambre elle-même, il est dans tous les cas nécessaire que cette procédure précède la mise en accusation que les nouvelles charges peuvent motiver. La loi a voulu que cette instruction fût un élément de la décision de la chambre; c'est par elle que les faits nouveaux sont constatés et mis sous leur véritable jour; c'est par elle que les documents transmis par la police judiciaire sont contrôlés. Quand il s'agit d'ailleurs d'enlever à une décision judiciaire l'auto. rité qui y était provisoirement attachée, il ne faut pas que la justice procède avec précipitation, et son examen doit porter l'empreinte d'une mûre délibération. Tels sont les motifs qui ont amené la Cour de cassation à prononcer l'annulation d'un arrêt de la chambre d'accusation de la Cour d'Aix : a attendu que si la chambre du conseil du tribunal, ou la chambre d'accusation, après évocation prononcée aux termes

'Cass. 18 mai 1889, rapp. M. Voysin de Gartempe. Bull. n. 161.

de l'art. 235, pouvait reprendre plus tard les poursuites sur nouvelles charges, en vertu des art. 246, 247 et 248, le dernier de ces articles voulait qu'en le décidant ainsi, l'ordonnance ou l'arrêt ordonnât qu'il fût immédiatement procédé à une instruction nouvelle; que néanmoins la chambre des mises en accusation de la Cour d'Aix a, par un seul et même arrêt, déclaré tout à la fois l'existence des nouvelles charges, l'évocation et la mise en accusation des inculpés; en quoi cet arrét a violé l'art. 248. »

Cette instruction faite, la procédure suit son cours en se conformant aux règles communes qui régissent l'instruction criminelle.

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I. La chambre d'accusation doit statuer par un même arrêt sur les délits connexes. - 11. Caractère de cette règle et ses effets.

I. Ce n'est point ici le lieu d'expliquer le principe de la connexité des délits et l'influence qu'il exerce sur la compétence des tribunaux. Nous développerons cette matière lorsque nous exposerons les règles générales de la compétence". Nous ne faisons qu'indiquer en ce moment l'application que la chambre d'accusation est appelée à lui donner.

L'art. 226 est ainsi conçu : « la Cour statuera par un scul et mème arrêt sur les délits connexes dont les pièces se trouveront en même temps produites devant elle. »

Le but de cette disposition a été de réunir dans une même procédure, pour qu'ils soient l'objet d'un même jugement, les différents délits qu'une relation de temps, de licu ou de pensée enchaîne les uns aux autres, et qui forment en quelque sorte les parties séparées d'une même action. L'intérêt de la

⚫ Cass. 22 mai 1852, rapp. M. Legagneur. Bull. n. 166.
2
1 Voy, infrả, ch. 12 de ce livre et voy. notre t, V, p. 275.

justice exige que, pour être sainement appréciés, ils ne soient pas isolés les uns des autres. La chambre d'accusation doit donc renvoyer devant une même juridiction tous les faits connus dont elle est en même temps saisie; elle doit ordonner cette jonction, soit sur la demande que les parties peuvent en faire dans leurs mémoires, soit d'office. C'est une règle de sa procédure; il suffit qu'elle constate l'existence de la connexité pour qu'elle soit tenue d'en déduire, comme une conséquence légale, la réunion des affaires.

Néanmoins il ne faut pas perdre de vue que l'art. 226 ne lui prescrit de statuer par un même arrêt sur les délits connexes, que lorsque les pièces se trouvent en même temps produites devant elle. Elle peut sans doute, lorsqu'il résulte d'une procédure dont elle est saisie, qu'un fait connexe à celui qui est l'objet de cette procedure est poursuivi séparément dans son ressort, ordonner l'apport des pièces de cette seconde instruction pour les réunir en une seule. Mais elle ne pourrait surseoir à statuer sur la première, par cela seul que la seconde existe par exemple, dans un autre ressort, car, dès qu'elle est régulièrement saisie, elle est tenue de prononcer. Tel est le point que la Cour de cassation a reconnu en déclarant, « que la Cour d'Amiens, chambre des mises en accusation, régulièrement saisie par l'ordonnance de la chambre du conseil, devait statuer sur la prévention, sauf au ministère public et aux prévenus à se pourvoir, ainsi que de droit, en réglement de juges, s'il y avait un délit connexe pendant devant une autre Cour; d'où il suit qu'en refusant de prononcer sur la prévention, la Cour d'Amiens a méconnu les règles de sa compétence. >>

Il est bien entendu, d'ailleurs, que la loi, en disposant que la Cour statuera par un seul et même arrêt sur les délits communs, a voulu lui attribuer le droit d'apprécier les faits élémentaires des délits connexes aussi bien que les faits élémen

Cass. 13 juin 1834, rapp. M. Thil, J. P., t. XXVI, p. 631.

taires du crime principal; elle exerce à l'égard des uns et des autres les mêmes attributions et peut, par conséquent, décharger l'inculpé de toute poursuite à l'égard de ces délits, lorsqu'elle ne constate pas contre lui des indices suffisants de culpabilité. Un procureur général s'était pourvu contre un arrêt de chambre d'accusation qui, en prononçant sur une ordonnance de mise en prévention de banqueroute simple et de banqueroute frauduleuse, avait déclaré qu'il n'y avait lieu à suivre tant sur le délit connexe que sur le crime; le pourvoi, fondé sur ce que la chambre d'accusation n'aurait eu de pouvoir en ce qui concerne le délit que pour en ordonner la jonction, a été rejeté, et la Cour de cassation a reconnu que cette chambre avait été investie de la même compétence relativement aux deux faits '.

II. Mais si la chambre d'accusation doit, dans un intérêt de justice, opérer la jonction des procédures instruites à raison des faits connexes, cette règle n'est point absolue; son application, pour ainsi dire, facultative, dépend de l'appréciation que la chambre peut faire des circonstances qui sollicitent ou repoussent cette jonction. Cela résulte de ce que l'art. 226, après avoir posé le principe, n'y a point ajouté de sanction. Cela résulte surtout de ce que la réunion des procédures est considérée, non comme un droit de la défense, mais comme un acte d'administration de la justice qui, à ce titre, est abandonné à la souveraine décision des juges du fait. La loi trace la marche générale qu'ils doivent suivre, mais elle n'a pas voulu les y astreindre trop strictement, de peur de créer dans quelques cas des obstacles à son action.

C'est dans ce sens qu'il a été jugé « que si, d'après l'art. 226, les chambres d'accusation doivent statuer par un seul et mème arrêt sur tous les délits connexes dont les pièces se trouvent en même temps produites devant elles, quelle que soit d'ailleurs la nature des peines dont ces délits peuvent être

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