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arrêt, et la Cour de cassation, en déclarant ce pourvoi recevable, a prononcé l'annulation pour violation de l'art. 484 et de l'art. 237, «< attendu que les mots « à l'effet de décerner les mandats d'amener », que contient l'ordonnance du premier président ne doivent pas être entendus dans un sens restrictif, mais comprennent virtuellement le droit de décerner les mandats de dépôt, droit qui ne peut appartenir qu'au magistrat qui a décerné le mandat d'amener 1. »

Dans une troisième espèce, le juge d'instruction avait déclaré qu'il n'y avait licu, quant à présent, de décerner le mandat d'arrêt, et la chambre du conseil, saisie par le ministère public, après avoir reconnu qu'il n'était pas dans ses attributions de réformer cette ordonnance, avait déclaré, par forme de délibération, que le mandat d'arrêt devait être décerné. Cette délibération a été déférée à la chambre d'accusation par voie d'opposition, fondée sur ce qu'elle n'exprimait qu'un simple avis, et la chambre d'accusation a rejeté l'opposition. Il y a eu pourvoi contre cet arrêt, et la Cour de cassation a déclaré : « que la chambre d'accusation aurait pu seule connaître de l'opposition à l'ordonnance du juge d'instruction; que l'arrêt rendu par cette chambre sur cette opposition reste dans le droit commun, pour la faculté du pourvoi en cassation, et le délai dans lequel il devrait être déclaré ; que l'extension donnée à ce délai par l'art. 296, et la restriction fixée aux moyens de pourvoi par l'art. 299 sont exclusivement applicables aux arrêts des chambres d'accusation qui ont prononcé un renvoi à la Cour d'assises...; que, d'après les dispositions du Code, dont tous les articles relatifs à la délivrance du mandat d'arrêt sont conçus en termes purement facultatifs, il ne peut résulter de nullité du refus fait par un juge d'instruction de décerner ce mandat; que la chambre d'accusation n'a été saisie par l'opposition que de la connaissance de l'ordonnance de la chambre du conseil ; que, par cette or

1 Cass, 5 mars 1844, rapp. M; Mérilhou. Bull. n. 54.

donnance, il n'avait été rien statué; qu'il n'avait été émis qu'un simple avis; que la chambre d'accusation n'a donc rien eu à prononcer sur cet acte qui n'avait rien de judiciaire, et qu'en rejetant l'opposition, elle n'a pu violer aucune loi'. » Il résulte de cet arrêt que le pourvoi est admis contre les arrêts de la chambre d'accusation, qui ont statué sur des incidents de la procédure, lorsque les décisions rendues sur ces incidents ont pour effet d'arrêter ou de paralyser l'action publique.

Il y a, d'une autre part, violation des formes essentielles du droit de la défense, soit lorsque le prévenu a été arrêté par suite d'une mesure illégale, soit lorsqu'il a été poursuivi sans avoir été mis à même de se défendre, soit lorsqu'il a été mis en accusation sans avoir subi aucun interrogatoire, quoiqu'il soit détenu. Dans les deux premières hypothèses, en effet, la procédure n'a pas de base légale, puisque le prévenu n'a pas été régulièrement mis en cause, puisqu'il n'a pas été dûment appelé, puisqu'il n'a pas été cité. Dans la troisième, si la mise en cause est régulière, la défense est supprimée, puisque l'interrogatoire est la seule voie par laquelle la défense puisse so produire dans le cours de la première instruction, le seul moyen que la loi ait positivement donné au prévenu de faire connaître ses excuses ou ses causes de justification. La procé dure serait oppressive si elle permettait la violation de ces deux formes, puisqu'elle autoriserait par là même les arrestations arbitraires et les préventions secrètes. La jurisprudence n'a pas consacré cette double infraction.

Dans une espèce où l'accusé n'avait excipé que devant la Cour d'assises de l'illégalité de son arrestation, opérée sur un territoire étranger sans qu'une extradition régulière l'eût autorisée, cette Cour avait ordonné qu'il serait sursis aux débats jusqu'à ce que le gouvernement eùt statué sur le caractère de cette mesure internationale. La Cour de cassation,

* Cass. 4 août 1820, rapp. M, Aumont. J. P., t. XVI, p. 90.

:

saisie par le ministère public, a annulé l'arrêt de sursis, mais elle a statué d'abord sur les exceptions proposées par l'accusé: a sur les fins de non-recevoir opposées par le procureur du roi, demandeur en cassation, contre l'exception préjudicielle présentée par Laugé devant la Cour d'assises de l'Ariége, et tirées, l'une de ce qu'il avait acquiescé à la poursuite dirigée contre lui, nonobstant la forme de son arrestation; l'autre de ce qu'il ne s'est pas pourvu devant la Cour contre l'arrêt de sa mise en accusation prononcé par la Cour royale de Toulouse, devant laquelle le procureur général avait porté subsidiairement la question de validité de l'extradition Attendu que l'accusé, traduit devant la Cour d'assises, avait le droit d'invoquer la nullité de l'acte par suite duquel il avait été arrêté sur le territoire neutre d'Andorre, et livré à la justice française; qu'il n'a pu être privé de l'exercice de ce droit, soit par le silence qu'il avait gardé avant sa mise en jugement, et duquel on ne peut, sans violer le principe de la défense, faire résulter la fin de non-recevoir, soit par le défaut de pourvoi contre l'arrêt de la chambre d'accusation, cette chambre n'ayant de compétence que pour appré cier la gravité des charges et n'ayant pas d'ailleurs formellement écarté l'exception préjudicielle 1.» Il ne faut pas s'arrèter au motif tiré de la prétendue incompétence de la chambre d'accusation; ce motif inexact, énoncé pour écarter l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de cette chambre, et qui, du reste, était insuffisant pour l'écarter, est contraire à toute la jurisprudence de la Cour ". Ce qu'il faut considérer dans cet arrêt, c'est la consécration nette et explicite du principe que l'accusé, illégalement arrêté, a le droit de faire valoir l'illégalité de son arrestation; c'est que, s'il peut exciper de cette illégalité même devant la Cour d'assises, et lorsqu'il n'a pas attaqué l'arrêt de renvoi, à plus forte raison peut-il élever

Cass. 9 mai 1845, rapp. M. Isambert. Bull. n. 164.
Voy. supra, p. 293.

cette exception devant la chambre d'accusation, spécialement chargée de l'examen de la procédure écrite et qui ne fait que constater ses résultats.

Dans deux autres espèces, qui ont été rapportées précédemment 1, le nom des prévenus étant ignoré, la poursuite avait été dirigée, soit contre un inconnu qui sous un faux nom avait commis tel faux,soit contre un inconnu qui n'était désigné que par l'énonciation de la ville où il était présumé être né. Les arrêts de la chambre d'accusation qui, sans s'arrêter à ce vice de la procédure, avaient ordonné le renvoi devant la Cour d'assises des prévenus ainsi désignés, ont été cassés: « Attendu que cette disposition de l'arrêt est contraire aux lois et à toutes les règles qui concernent l'instruction criminelle, en ce que le prévenu n'a été ni dénommé, ni désigné dans la mise en accusation; qu'il serait impossible de mettre à exécution vis-à-vis de qui que ce soit une ordonnance de prise de corps qui serait calquée sur une telle mise en accu

sation ". »

Enfin, dans une dernière espèce, le prévenu mis en accusation à la suite d'une instruction supplémentaire, ordonnée par la chambre d'accusation, n'avait été soumis à aucun interrogatoire avant l'arrêt. Le pourvoi qu'il a formé contre cet arrêt a été déclaré recevable, et la Cour de cassation a prononcé l'annulation: « Attendu que nul ne peut être jugé ou mis en accusation sans avoir été entendu ou dûment appelé ; que, dans le cas d'évocation par une chambre d'accusation, le conseiller instructeur est tenu de suivre les mêmes règles que le juge d'instruction des tribunaux de première instance; qu'aucun mandat de justice n'ayant été décerné contre le demandeur, celui-ci n'a pas été personnellement mis en cause; que le mémoire et les pièces qu'il a produites n'ont pu suppléer au défaut de mandat et à l'absence de tout

Voy. suprà, p. 177.

2 Cass. 7 janvier et 10 déc. 1825, rapp. suprà, p. 177 et 178.

interrogatoire; d'où il suit qu'en le renvoyant en cet état devant la Cour d'assises, l'arrêt attaqué a violé les art. 91, 235, 236, 237 et 408 du C. d'inst. cr. et commis un excès de pouvoir 1. »

On peut inférer de cette jurisprudence que l'omission ou la violation d'une forme de la procédure qui tient essentiellement soit au droit de l'accusation soit au droit de la défense, peut fonder un moyen de nullité, et que ce moyen de nullité peut être proposé contre l'arrêt de la chambre d'accusation. Les formes de l'instruction écrite ne sont donc pas dénuées de toute sanction; elles trouvent un appui, sinon dans les nullités établies par la loi, du moins dans l'attribution que cette loi a réservée à la Cour de cassation, d'annuler les arrêts des chambres d'accusation qui n'ont pas su maintenir ces formes.

V. Nous arrivons maintenant aux moyens de nullité, qui se fondent, non plus sur la violation des formes de la procédure, mais sur les vices qui s'attachent à l'arrêt lui-même.

Ces moyens peuvent se rapporter, 1° à la composition illégale de la chambre d'accusation; 2 à la fausse interprétation des lois faite par l'arrêt; 3° au rejet ou à l'admission des exceptions proposées par la Cour; 4° au refus ou à l'omission de statuer sur les réquisitions du ministère public ou sur les demandes du prévenu; 5o enfin à l'inobservation des formes prescrites par la loi.

VI. L'art. 299 a déclaré qu'il y avait nullité lorsque l'arrêt n'a pas été rendu par le nombre de juges fixé par la loi.

Il y aurait encore nullité si l'arrêt, quoique rendu par le nombre de juges fixé par la loi, n'était pas émané des juges qui ont qualité pour siéger à la chambre d'accusation.

Les membres de cette chambre ne peuvent être appelés

'Cass. 12 fév. 1835, rapp. M. de Ricard. Bull. n. 54.

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