Page images
PDF
EPUB

taqués. Car, s'il n'a pas été prononcé sur l'un des chefs de la prévention, l'action publique peut être, quant à ce chef, frappée de déchéance, et s'il n'a pas été statué sur l'un des moyens formellement proposés par la défense, ce moyen pourrait être considéré comme définitivement écarté.

C'est par le même motif qu'il faut décider enfin que le pourvoi est admissible, 1o contre les arrêts qui feraient une fausse application des règles de la procédure; car cette application peut avoir pour effet de suspendre ou d'annuler l'action publique ou les droits du prévenu1; 2o contre les arrêts rendus en matière de liberté provisoire, car ils statuent définitivement sur le maintien ou le refus de cette liberté ".

Mais à ce principe la loi a fait une double exception: la première est relative aux arrêts de compétence. Ces arrêts ne sont que purement indicatifs : ils désignent la juridiction devant laquelle ils renvoient l'affaire; ils ne lient pas cette juridiction, qui peut, si elle réconnaît son incompétence, se dessaisir. Et, nėanmoins, ils peuvent, quoique leur décision n'ait point force de chose jugée, aux termes des art.408 et 416,être attaqués par la voie de la cassation. La raison de cette exception qui sera justifiée plus loin, est qu'un intérêt public s'attache à l'ordre des juridictions, et qu'il importe qu'un accusé ne puisse être traduit devant un juge qui n'a pas de pouvoirs pour le juger.

La deuxième exception est relative à la qualification des faits. Les arrêts qui prononcent sur cette qualification n'ont pas l'autorité de la chose jugée, et les juges du renvoi peuvent, d'après le résultat des débats, modifier sur ce point les déclarations de la chambre d'accusation 3; mais l'intérêt de l'action publique et l'intérêt de la défense exigent qu'en matière eriminelle le ministère public et l'accusé puissent attaquer une qualification qui entraînerait une accusation erronée: il im

Cass. 5 mars 1841, rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 54.

* Cass. 26 mai 1838, rapp. M. Vincens Saint-Laurent, Bull. n. 143.

[blocks in formation]

porte à l'action publique d'avoir une base légale et de saisir, avec leur caractère propre, tous les faits que la loi lui permet d'incriminer. I importe à l'accusé de pouvoir se défendre, non-seulement contre l'accusation, mais contre le titre même d'accusé.

IV. Les arrêts de la chambre d'accusation, qui ont pour objets des faits qualifiés délits ou contraventions, peuvent également être attaqués par voie de cassation.

Pour déterminer avec plus de précision dans quels cas le pourvoi est recevable contre ces arrêts, il faut distinguer deux hypothèses:

Ou la chambre d'accusation, statuant comme juge d'appel, prononce sur une opposition formée contre l'ordonnance du juge d'instruction ou de la chambre du conseil ;

Ou, saisie, soit en vertu de l'art. 135, soit en vertu des art. 133 et 235, elle déclare qu'il n'y a lieu à suivre sur des faits auxquels elle ne reconnaît que le caractère d'un délit ou d'une contravention, ou renvoie la prévention relative à ces faits devant le tribunal correctionnel ou devant le tribunal de police.

Les arrêts qui interviennent dans ces deux hypothèses ne sont susceptibles de pourvoi que dans des cas qu'il importe de définir avec soin.

Il est évident, d'abord, qu'ils peuvent tous être attaqués : 1° pour cause d'incompétence, puisque l'art. 413 porte que: « les voies d'annulation exprimées en l'art. 408 sont, en matière correctionnelle et de police, respectivement ouvertes à la partie poursuivie pour un délit ou une contravention; au ministère public et à la partie civile, s'il y en a une, contre tous arrêts ou jugements en dernier ressort; » 2° pour violation des formes essentielles à l'existence de l'arrêt et notamment des formes prescrites par l'art. 234 du C. d'inst. cr., et par l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810.

Cela posé, quels sont les autres cas où le pourvoi est admis? Lorsque l'arrêt est intervenu sur opposition, il faut distin

guer si l'opposition est déclarée mal fondée ou si elle est admise.

Si l'opposition formée par le ministère public ou par la partie civile est déclarée mal fondée, ou si la chambre d'accusation, saisie en vertu des art. 133 ou 235, déclare qu'il n'y a lieu à suivre, le pourvoi est recevable, non-seulement à raison d'une violation des règles de la compétence et des règles de la procédure, mais à raison de toutes les violations de la loi que l'arrêt peut sanctionner ou contenir. Il est visible, en effet, que l'arrêt qui, statuant sur une opposition, la rejette, ou qui, saisi d'une prévention, la déclare mal fondée, acquiert, s'il n'est l'objet d'aucun recours, l'autorité de la chose jugée, puisque sa décision devient définitive et règle le sort de la procédure; il y a donc lieu, toutes les fois que cette décision n'est pas uniquement fondée sur l'appréciation des faits et qu'elle emporte la solution d'un point de droit, à l'ouverture du recours.

Ce premier point n'est nullement contesté. Un juge d'instruction ayant déclaré par une ordonnance qu'il n'y avait lieu de décerner mandat d'arrêt contre un prévenu, le ministère public forma contre cette ordonnance une opposition qui fut rejetée par la chambre d'accusation. Le pourvoi formé par le procureur général contre cet arrêt a été déclaré recevable, et la Cour de cassation, statuant sur ce pourvoi, ne l'a rejeté qu'en fixant par son interprétation le sens de l'art. 94 du C. d'inst. cr. '. Les arrêts qui, dans les mêmes circonstances, ont admis ce pourvoi, sont nombreux; il serait inutile de les rappeler.

Si l'opposition du ministère public ou de la partie civile est accueillie, la difficulté ne s'élève qu'en ce qui concerne le prévenu: a-t-il le droit de se pourvoir contre l'arrêt? Il faut décider que son pourvoi est recevable toutes les fois que l'arrêt qu'il attaque pourrait acquérir force de chose jugée sur le

Cass. 7 avril 1837, rapp. M. Bresson. Bull. n. 107.

point qui fait l'objet du pourvoi. Supposons, par exemple, qu'il prétende que l'opposition du ministère public ou de la partie civile a été irrégulièrement formée, qu'elle l'a été en dehors du délai, ou par un acte qui n'a aucune force légale : il est évident que sur ce point l'arrêt de la chambre d'accusation peut revêtir force de chose jugée et que c'est là une disposition définitive contre laquelle il n'existe d'autre voie de recours que le recours en cassation.

La jurisprudence a confirmé cette doctrine. Un arrêt a déclaré recevable le pourvoi formé par un prévenu contre un arrêt de la chambre d'accusation, à raison de la nullité de l'opposition qui avait saisi cette chambre: « Attendu que s'il est de principe que les arrêts des chambres des mises en accusation, portant renvoi devant les tribunaux correctionnels, ne sauraient être considérés, en tant qu'ils statuent sur le fait de la prévention, comme ayant un caractère définitif et comme liant la juridiction par eux saisie, et si par suite, ces arrêts, aussi bien que les ordonnances de mise en prévention, ne sont susceptibles d'aucun recours, ce principe ne s'applique point au cas où le renvoi n'est prononcé qu'après l'examen et la décision du point de savoir si l'opposition déclarée par le ministère public ou la partie civile, en conformité de l'art. 135, à une ordonnance de non-lieu, est intervenue dans le délai déterminé, à peine de déchéance par cet article; qu'en ce chef, les arrêts de renvoi à la police correctionnelle, statuant souverainement et d'une manière définitive, ne peuvent être attaqués que par la voie du recours en cassation, seul moyen qui reste au prévenu pour faire admettre en sa faveur l'exception péremptoire résultant de ce que l'ordonnance de non-lieu aurait acquis l'autorité de la chose jugée. » On lit encore dans un autre arrêt « Que si l'arrêt de la chambre d'accusation avait validé une opposition irrégulière, il n'eût appartenu qu'à la Cour de cassation, sur un pourvoi spécial, d'en prononcer l'annula

Cass. 15 avril 1836, rapp. M. Rocher. Bull. n. 115.

tion, et que la juridiction correctionnelle était sans droit et sans pouvoir pour en réformer les dispositions 1. » Enfin, dans un troisième arrêt, le prévenu a été déclaré recevable à fonder son pourvoi sur l'irrégularité de l'opposition de la partie civile à l'ordonnance de non-lieu, et ce pourvoi n'a été rejeté que parce que, dans l'espèce, la partie civile a formé son opposition dans le délai de vingt-quatre heures, à partir de la notification de l'ordonnance de non-lieu; que cette opposition a été formée par un acte authentique ayant date certaine jusqu'à inscription de faux; qu'au lieu d'être notifiée au greffe, dépôt naturel des actes judiciaires, elle a pu l'être, sans qu'il en résulte de nullité, au parquet du procureur du roi, que d'ailleurs elle a été notifiée au prévenu et que celuici a produit sa défense à la chambre d'accusation 2. »

Lorsque les arrêts, soit que la chambre d'accusation ait été saisie par voie d'opposition ou en vertu des art. 133 et 235, renvoient les prévenus devant le tribunal correctionnel ou devant le tribunal de police, il y a lieu de distinguer, quant à la recevabilité du pourvoi, les droits du ministère public et les droits du prévenu.

Ces arrêts de renvoi peuvent être attaqués, comme on l'a vu, pour cause d'incompétence, soit par le procureur général, soit par la partie civile ou par le prévenu 3.

Ils peuvent encore être attaqués, soit par le ministère public, soit par le prévenu, toutes les fois qu'ils renferment une disposition définitive qui puisse acquérir l'autorité de la chose jugée et de laquelle puisse résulter un grief soit pour l'action publique, soit pour la défense.

Ainsi, le pourvoi est recevable contre l'arrêt d'une chambre d'accusation qui, après avoir reconnu au fait incriminé le caractère d'un délit, n'ordonne aucun renvoi. Ce point a été

3

'Cass. 20 août 1852, rapp. M. Legagneur. Bull. n. 292.

* Cass. 17 août 1839, rapp. M. Isambert. Bull. n. 267.

Voy. supra, p. 546 et Cass. 15 juin 1838, rapp. M. Barennes. Bull. n. 180; 4 déc. 1846, rapp. M, Barennes, I. cr., t. XIX, p. 236.

« PreviousContinue »