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La mème règle doit être appliquée au cas où le pourvoi aurait été formé contre un arrêt qui aurait rejeté l'opposition faite par la partie civile elle-même; car le droit que l'art. 135 lui a accordé s'arrête à l'opposition contre l'ordonnance de la chambre du conseil, et il n'en peut résulter le droit de se pourvoir même contre l'arrêt qui a rejeté cette opposition. C'est ce que la Cour de cassation a reconnu en rejetant le pourvoi d'une partie civile: Attendu que l'arrêt attaqué déclare le demandeur, partie civile, non recevable dans son opposition à une ordonnance de la chambre du conseil portant « qu'il n'y a lieu à suivre sur sa plainte, faute par lui d'avoir formé cette opposition dans le délai de vingt-quatre heures ; » que le procureur général ne s'est pas pourvu contre cet arrêt; qu'il a conséquemment renoncé à exercer son action à raison des faits dénoncés par le demandeur; que la poursuite des crimes et des délits n'appartient qu'au ministère public; que s'il est loisible à la partie lésée de se joindre à lui pour obtenir la réparation du dommage qu'elle prétend avoir souffert, cette faculté ne l'autorise pas à s'immiscer dans l'exercice de l'action publique, ou bien mieux encore à l'exercer seule quand le ministère public y a renoncé; que si ce principe fondamental de la procédure criminelle reçoit une exception qui résulte de ce que l'art. 135 autorise la partie civile à former opposition à l'ordonnance de la chambre du conseil et à déférer ainsi à la Cour royale l'examen des charges, cette exception, qui se trouve hors des termes du droit commun, n'emporte pås, pour la partie civile, lorsque le ministère public croit devoir garder le silence, le droit de se pourvoir en cassation contre l'arrêt de la Cour royale qui intervient sur son opposition; qu'un pareil pourvoi serait, en effet, un véritable acte de poursuite, tandis que la partie civile n'est autorisée qu'à en former un seul, savoir, l'opposition à l'ordonnance de la chambre du conseil ; qu'il suit de là qu'il importe peu de quelle manière la Cour royale a prononcé sur une opposition de ce genre; qu'elle l'ait rejetée comme n'étant

point recevable en la forme; il suffit qu'elle ait statué pour que le droit de la partie civile soit entièrement épuisé et conséquemment éteint 1. »

Enfin, la même règle doit encore être appliquée au condamné qui a porté plainte en faux témoignage contre les témoins qui ont déposé contre lui, a formé opposition, en qualité de partie civile, contre l'ordonnance de non-lieu de la chambre du conseil et s'est pourvu en cassation contre l'arrêt confirmatif de cette ordonnance. On prétendait, en faveur de la recevabilité du pourvoi, que cette partie civile se trouvait dans une position particulière; que l'art. 445, qui ouvre la voie de la révision si les témoins à charge sont convaincus de faux témoignage, ordonne qu'il sera sursis à l'exécution de l'arrêt de condamnation, s'il est décerné contre ces témoins des mandats d'arrêt; que, dès lors, la poursuite en faux témoignage est, de la part du condamné, un moyen légitime de défense; qu'il ne doit donc rencontrer aucune entrave et que c'est là une exception à la règle qui prohibe le pourvoi d'une partie civile contre un arrêt de non-lieu. Cette théorie, qui pouvait avoir quelque chose de spécieux, a dù nécessairement être rejetée « attendu que l'arrêt attaqué déclare qu'il n'y a lieu à suivre, sur la plainte en faux témoignage portée par le demandeur contre quatre des témoins à charge entendus contre lui; que le procureur général ne s'est point pourvu contre cet arrêt; qu'il a acquis à son égard l'autorité de la chose jugée; que, dans le silence du ministère public, le recours formé par le demandeur ne serait recevable qu'antant qu'il aurait pour effet de conserver ou de faire revivre l'action publique; qu'il résulte de la combinaison des art. 1, 3 et 135, que les parties plaignantes ou civiles n'exercent point l'action publique...; qu'à la vérité, le demandeur se trouve dans une position spéciale, que l'objet de sa plainte en faux

'Cass. 31 janv. 1828, rapp. M. Mangin. J. P., t. XXI, p. 1118; 11 mars 1843, rapp. M. Dehaussy. Bull, n. 55.

témoignage est de s'ouvrir la voie extraordinaire d'une demande en révision contre l'arrêt qui l'a condamné; mais que les règles qui viennent d'être rappelées sont de droit général, qu'elles sont la conséquence d'un principe de droit public d'après lequel l'action pour la poursuite des crimes et des délits n'appartient qu'aux fonctionnaires que la loi en a chargés; qu'ainsi ces règles ne pourraient être modifiées dans l'espèce actuelle qu'autant que cette modification résulterait de la loi; que l'art. 445 n'accorde au condamné ancune action pour la poursuite des témoins qui ont déposé contre lui; que cet article suppose uniquement l'existence d'une poursuite faite par le ministère public et suivie de la mise en accusation ou de l'arrestation des témoins inculpés; que s'il serait trop rigoureux de conclure de là que la voie de la plainte est dans tous les cas fermée au condamné, qu'il lui est interdit de dénoncer les témoins qui ont déposé à sa charge, il faut du moins reconnaître que les poursuites qu'il exerce contre eux sont soumises aux règles générales qui régissent l'action de tous les plaignants; qu'on ne pourrait s'écarter de ces règles sans aggraver le sort des témoins dénoncés, alors" que, plus exposés à la calomnie, la position du condamné leur laisse moins de garanties pour la réparation du préjudice que sa dénonciation leur aura causé '. «

La partie civile est-elle, en second lieu, recevable à se pourvoir contre les arrêts de la chambre d'accusation qui déclarent, non qu'il n'y a pas lieu à suivre, mais qu'il n'y a pas lieu, quant à présent, de prononcer à raison d'une exception préjudicielle?

Lorsqu'il s'agit d'une fin de recevoir telle que la chose jugée ou la prescription, il est clair que l'arrêt qui admet en faveur du prévenu cette exception péremptoire, produit les mêmes effets que celui qui déclare purement et simplement qu'il n'y a lieu à suivre : il importe peu, en ce qui touche la

↑ Cass. 28 mars 1829, rapp. M. de Ricard. J. P., t. XXII, p. 858.

partie civile, que la déclaration de non-lieu soit fondée sur tels ou tels motifs; elle éteint dans tous les cas l'action publique, si le ministère public ne la relève pas. Le pourvoi de cette partie n'est donc pas recevable, quel que soit le motif qui fonde le non-lieu, puisqu'elle ne peut que demander le renvoi de l'action publique devant une juridiction répressive, et que cette action, si elle se pourvoit seule, n'existe plus.

Mais la question n'est pas la même lorsque la chambre d'accusation, au lieu de déclarer qu'il n'y a lieu à suivre, s'arrête seulement devant une question préjudicielle, lorsqu'elle décide, par exemple, ou qu'il y a lieu de surseoir à raison de l'autorisation nécessaire pour la mise en jugement de l'inculpé, ou que l'action n'est pas recevable quant à présent, à raison d'une question d'état qui s'opposerait à la poursuite immédiate d'un faux ou du défaut du commencement de preuve par écrit d'un contrat, quand la poursuite a pour objet un faux serment prêté sur l'existence de ce contrat. Dans ces différentes hypothèses, l'action publique n'est pas éteinte, elle n'est que suspendue ou non recevable quant à présent; car, si l'autorisation est rapportée, la cause disparaît et si la question d'état est vidée ou le contrat produit, elle reprend légalement son cours. De là il suit que si le seul obstacle au pourvoi de la partie civile est l'extinction de l'action publique, ce pourvoi, dans cette nouvelle hypothèse, ne devrait plus être écarté, puisque sa demande est entée sur une action qui vit encore, et qu'elle se borne à attaquer la cause qui la suspend.

Mais elle trouve alors un autre obstacle : le pourvoi qu'elle formerait dans ce cas serait un véritable acte de poursuite, un acte d'exercice de l'action publique. Car, dénoncer l'arrêt qui surseoit, soit parce que l'autorisation n'est pas récessaire, soit parce que le crime n'est pas lié à la question d'état, soit parce que le commencement de preuve de la convention existe, n'est-ce pas demander que l'action publique soit immédiatement jugée, n'est-ce pas en réalité l'exer

cer? Or, la partie civile, qui participe à la mise en mouvement de l'action publique, ne prend part à son exercice que dans les cas où la loi, dans un intérêt général, le lui a expressément permis. Aucun texte ne vient ici à l'appui de son pourvoi; il faut donc décider que, dans ce second cast comme dans le premier, il n'est pas recevable.

La partie civile est-elle, en troisième lieu, recevable à se pourvoir contre les arrêts de compétence? Il faut sur cette troisième proposition répondre affirmativement. Cette solution est l'application, non de l'art. 408, qui est muet à cet égard, mais 1o de l'art. 529 qui, dans les cas de conflit, autorise le pourvoi de cette partie; 2° de l'art. 531 qui l'admet à fournir ses moyens de défense sur le règlement de juges; 3o de l'art. 533 qui lui reconnaît le droit d'opposition à l'arrêt de réglement; 4o enfin de l'art. 539 qui déclare qu'au cas où elle aura excipé de l'incompétence, et que son exception aura été rejetée par la chambre d'accusation, elle peut se pourvoir contre l'arrêt de cette chambre.

Dans une espèce où la partie civile s'était pourvue contre l'arrêt d'une chambre d'accusation qui s'était déclarée incompétente, M. Merlin disait : « Lorsqu'un arrêt de chambre d'accusation déclare ou qu'il n'y a pas lieu à suivre sur la plainte d'une partie civile, ou qu'il n'y a pas lieu à accusation contre le prévenu, elle juge que, dans l'état où se trouve l'instruction, l'action publique ne peut pas être exercée ou poursuivie, elle éteint cette action quant à présent, ou du moins elle la paralyse pour tout le temps qu'il ne surviendra pas de nouvelles charges; et la partie civile n'ayant qualité ni pour exercer, ni pour poursuivre cette action, est évidemment non recevable à se plaindre d'un pareil arrêt. Mais, dans l'espèce, la chambre d'accusation n'a pas jugé que le crime de faux ne doit pas être poursuivi par l'action publique; elle a laissé l'action publique entière à l'égard de ce crime; seulement elle s'est déclarée incompétente pour en prendre connaissance. Or l'art. 529 décide nettement que la partie civile

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