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l'unité de lieu, ni même l'unité de volonté attestée par un concert préalable; c'est une relation de cause à effet, c'est l'enchaînement d'une série de faits distincts nés les uns des autres, et qui dès lors peuvent être considérés comme le développement d'une mème action.

C'est d'après cette disposition qu'il y a lieu de reconnaltre qu'il y a connexité :

Entre les altérations commises par un percepteur sur ses rôles et les concussions commises à l'aide de ces écritures falsifiées ';

Entre les crimes d'incendie et de vol, lorsque le premier a été le moyen employé pour commettre le second ⚫;

Entre le crime qui fait l'objet de l'accusation principale, et le délit d'évasion qui a pour objet de procurer à l'accusé l'impunité 3;

Entre le délit de violation des règlements concernant les épizooties et l'altération commise sur un certificat du maire, pour dissimuler la contravention *;

Entre le délit de banqueroute simple et le crime de banqueroute frauduleuse, imputé au même prévenu, puisqu'il y a lieu de présumer que les infractions qui constituent le délit n'ont été commises que pour consommer la fraude qui constitue le crime;

Entre le délit d'outrages envers un fonctionnaire public et le délit d'entrave à l'exercice des droits civiques d'un citoyen, lorsque le premier a été le moyen employé pour commettre le second'.

II y a lieu de remarquer que, dans cette troisième hypothèse, la connexité n'exige plus le concours de plusieurs per

↑ Cass. 2 frim, an xã, rapp. M. Minier. J. P., t. III, p. 508.
* Cass. 7 germ. an xi, rapp. M. Aumont. J. P., t. IV, p. 465,
3 Cass. 13 oct. 1815, rapp. M. Ollivier. J. P., t. XIII, p. 82.
* Cass. 28 fév. 1828, rapp. M. Mangin. J. P., t. XXI, p. 1221.
Cass. 18 nov. 1813, rapp. M. Benvenuti. J. P., t. XI, p. 776.
• Cass, 3 mai 1832, rapp. M. Brière, J. P., t. XXIV, p. 1010,

sonnes : les délits peuvent être successivement commis par un ou plusieurs agents. Ainsi, le détournement commis par un préposé des ponts et chaussées, au préjudice des fournisseurs de l'administration, et le faux commis dans les pièces employées pour obtenir la remise des fonds, commis l'un et l'autre par le même accusé, sont deux faits connexes'. Ainsi, l'attentat à la pudeur et les voies de fait commis par le même individu sur la même personne, sont également deux faits communs'.

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III. En dehors de ces trois hypothèses, c'est-à-dire en dehors des termes de l'art. 227, il n'y a plus de connexité strictement légale. Cet article, en effet, par sa définition, semble exclure tous les faits qui n'y sont pas compris; et si, comme nous le verrons tout à l'heure, ses dispositions ne sont pas goureusement restrictives, on doit du moins en inférer qu'il ne faut pas confondre une relation accidentelle des faits avec leur connexité, et que, pour appliquer la règle de compétence qui dérive de celle-ci, il est nécessaire d'établir entre les faits un rapport aussi étroit que celui que la loi a prévu.

Ainsi, des préposés des douanes arrêtent deux individus faisant partie d'un attroupement armé de contrebandiers. Un de ces individus prend la fuite et est tué par le préposé qui le poursuit. Le crime de meurtre imputé à ce préposé n'est nullement connexe avec le crime de contrebande avec attroupcment et port d'armes, car ils n'ont été commis ni par les mêmes personnes réunies, ni par suite d'un concert préalable, ni pour faciliter l'exécution l'un de l'autre 3.

Ainsi, le fait de tentative de corruption pratiquée vis-à-vis d'un juge de paix, et les excès et mauvais traitements imputés à ce juge de paix par le prévenu ne sont point des faits

1 Cass. 29 avril 1825, rapp. M. Brière. J. P., t. XIX, p. 442. * Cass. 6 fév. 1829, rapp. M. Brière. J. P., t» XXII, p. 654. * Cass. 7 oct. 1808, rapp. M. Lefessier. J. P., t. VII, p. 460.

connexes, quoique l'un ait été l'occasion de l'autre, parce qu'ils n'ont entre eux qu'un rapport accidentel'.

Ainsi, les délits de violation de domicile, d'arrestation arbitraire et de résistance avec violences contre la force armée, dans le but de faire mettre en liberté la personne arbitrairement arrêtée, sont corrélatifs, en ce sens que le troisième n'aurait pas été commis si les deux premiers n'avaient pas eu lieu; mais ils ne présentent entre eux aucune connexité, puisque ces délits avaient des auteurs différents, agissant sous l'empire d'une volonté diverse et dans un but distinct *.

Il suit de là qu'il ne suffit pas pour que les délits soient connexes, suivant la définition légale, qu'ils aient été commis dans les mêmes lieux, dans le même temps, et qu'ils se soient même produits dans les mêmes circonstances, il faut qu'ils soient liés entre eux par un rapport qui provient, soit de ce qu'ils sont l'œuvre de plusieurs personnes réunies, soit de ce qu'ils ont été préparés par un concert antérieur, soit de ce que les uns ne sont que la conséquence ou l'exécution des autres; il faut qu'il existe entre les faits une relation, non point fortuite, mais dérivant du mode ou de l'enchaînement de leur manifestation. Cette relation n'est quelquefois qu'indirecte et éloignée; mais elle dérive d'un fait qui fait présumer que les différents actes doivent être considérés comme les parties divisées d'un même tout.

IV. Mais si la loi n'a posé que trois cas de conexité, s'ensuit-il que l'application de cette règle doive ètre limitée dans le cercle tracé par l'art. 227? En d'autres termes, cette disposition doit-elle être considérée comme restrictive ou bien est-elle, au contraire, seulement démonstrative?

La connexité est un rapport plus ou moins étroit qui existe entre plusieurs délits; la loi ne la crée point, elle ne fait que

Cass. 14 avril 1827, rapp. M. de Cardonnel. J. P., t. XXI, p. 350.
Cass. 18 juillet 1828, rapp. 3. Brière. J. P., t. XXII, p. 84.

la constater pour en faire, dans certains cas, la base d'une modification aux règles de la compétence. Or, de ce qu'elle ne l'a constatée que dans trois cas, s'ensuit-il qu'elle ne puisse exister en dehors de ces hypothèses? Lorsqu'il s'agit de l'appréciation d'un fait, tel que le rapport qui unit deux délits, faut-il rigoureusement se renfermer dans les exemples donnés par la loi ? Ne peut-il pas arriver qu'en dehors de ces exemples deux faits se trouvent par les circonstances qui les enchaînent plus intimement unis que dans les termes mêmes de la loi? Et ne serait-ce pas méconnaître l'esprit du Code, et le principe qui a dicté l'art. 227, que de disjoindre des faits qui, sans rentrer toutefois expressément dans le texte de cet article, sont liés par une identité de caractère ou une simultanéité d'action qui les confond l'un dans l'autre ?

:

La Cour de cassation a jugé, conformément à cette doctrine « que les dispositions des art. 307, 226 et 227 ne sont point limitatives, et qu'il est permis aux tribunaux d'ordonner la jonction des causes dont ils sont simultanément saisis, même hors des cas prévus par cet article, lorsqu'ils la croient nécessaire pour la manifestation de la vérité et pour la bonne administration de la justice'. » Elle a jugé encore : « que l'art. 307 n'exclut pas la faculté d'ordonner la jonction de plusieurs actes d'accusation dirigés contre le même individu, à raison de plusieurs délits différents, lorsque cette jonction peut paraître utile à la bonne et prompte administration de la justice; qu'aucune loi ne limite le droit de jonction au cas où les crimes et délits sont connexes, aux termes de l'art. 227, et que l'art. 365, prescrivant l'application d'une peine unique à des faits qui n'ont entre eux aucun rapport de connexité, donne au droit de jonction plus de latitude que l'art. 227 *. » Mais peut-être les motifs sur lesquels reposent ces arrêts, que nous approuvons au fond, sont-ils trop peu explicites. Il

1 Cass. 25 nov. 1837, rapp. M. Vincens Saint-Laurent. Bull. n. 410; et Conf. 26 déc. 1836, même rapp. Bull. n. 397.

Cass. 28 avril 1838, rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 416.

ne suffit pas, pour joindre deux procédures séparément instruites, que les tribunaux jugent cette jonction nécessaire à la bonne administration de la justice : ce serait laisser aux tribunaux en matière de jonction un pouvoir qui n'aurait point de limite et qui, dans certains cas, pourrait gravement préjudicier à la défense des prévenus. Il faut que les délits puissent être réputés connexes; car c'est la connexité qui autorise la jonction; or, pour qu'ils puissent être réputés connexes, il faut qu'ils se trouvent, sinon dans un des cas prévus par l'art. 227, du moins dans un cas analogue; car, si cet article n'est que démonstratif, il indique du moins les caractères généraux de la connexité. Il nous parait donc nécessaire que les tribunaux, en ordonnant la jonction, déclarent, nonseulement que cette mesure leur paraît utile, mais encore que les faits qu'ils joignent sont connexes, et qu'ils constatent par quel rapport ils sont connexes.

La Cour de cassation a successivement déclaré, en appliquant la règle que l'art. 227 est purement démonstratif, 1° que le crime d'avoir procuré un avortement et le crime de violences ayant occasionné la mort, sans intention de la donner, sont connexes, lorsqu'ils résultaient d'un même fait matériel; 2° qu'il y a lieu de renvoyer devant les mêmes juges le gérant d'un journal qui a publié un article incriminé, et le gérant d'un autre journal qui a reproduit cet article, « attendu que loin que la prévention fût distincte pour chacun d'eux et dût déterminer une décision séparée pour chaque prévenu, elle était identique pour l'un et pour l'autre »; 3° que le tribunal, saisi du délit d'usure, peut se saisir du délit d'escroquerie que les débats revèlent comme se rattachant aux faits d'usure3; 4° que le délit de vagabondage et le délit d'insoumission à la loi du recrutement sont reputés connexes, attendu que le délit de va

'Cass. 6 nov. 1840, rapp. M. Vincens Saint-Laurent. Bull. n. 347. 2 Cass. 4 déc. 1846, rapp. M. Barennes. Bull. n. 303.

Cass. 7 août 1847, rapp. M. Vincens Saiut-Laurent. Bull. n. 178.

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