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trent dans ce terme, mais les simples ouvriers et agents des entrepreneurs n'y sont pas compris 1.

11o Les domestiques au service des officiers et des employés à la suite de l'armée: ne sont point compris, toutefois, dans cette disposition les domestiques des officiers employés à l'intérieur ces derniers ne sont justiciables que des tribunaux ordinaires 2.

Telle est la nomenclature des personnes que l'art. 10 de la loi du 13 brumaire an v déclare assimiler aux militaires comme étant attachées à l'armée et à sa suite. Nous ferons à cet égard deux observations:

La première est que cette assimilation ne doit avoir lieu qu'au cas de formation d'un corps d'armée. Lorsqu'on se reporte au texte des art. 9 et 10 de la loi du 13 brumaire an v, on voit que ces articles n'ont eu en vue que le service d'une armée en marche ou en campagne : les nos 1, 2, 3 de l'art. 10 parlent de la distribution des vivres et des fourrages dans les camps, dans les cantonnements et dans les places en état de siége; les no 2 et 11 ne mentionnent que les ouvriers et les employés suivant l'armée; le n° 8 s'occupe des agents chargés de la levée des réquisitions pour l'approvisionnement des armées ou de la perception des contributions militaires; enfin l'art. 9 prévoit les délits des habitants du pays ennemi occupé par l'armée. En rapprochant ces dispositions de l'article 1, qui proclame que la loi a été faite pour l'état de guerre, on y trouve un ensemble de précautions nécessaires pour assurer le service d'une armée en marche il faut alors que tous les délits qui peuvent entraver ce service soient justiciables de la juridiction militaire; car ces délits se rattachent à l'administration du corps d'armée et peuvent exercer une grave influence sur ses opérations. Mais la sollicitude de la Joi ne s'est point portée au delà : elle n'a attiré devant les

1 Cass. 20 fruct. an xi. (Dall. Alp., t. III, p. 595.)

2 Cass. 5 mars 1818, rapp. M. Aumont. J. P., t. XIV, p. 653.

tribunaux militaires que les personnes qui sont attachées à l'armée et à sa suite. Or, les troupes qui sont disséminées dans les diverses garnisons de l'intérieur ne constituent point un corps d'armée; les personnes qui sont à la suite de ces troupes ne rentrent donc pas dans les termes de l'art. 9. Les motifs de la juridiction militaire n'existent plus; les nécessités du service et les conséquences des infractions ne sont plus les mêmes, et dans chaque lieu de garnison, les juges ordinaires peuvent saisir immédiatement les prévenus. La Cour de cassation a consacré cette distinction: 1° en déclarant que le domestique d'un officier en garnison dans l'intérieur n'est pas justiciable du conseil de guerre : « attendu que, lors du vol imputé à ce domestique, le régiment dans lequel sert le sieur de Chabane était en garnison dans l'intérieur; qu'il ne faisait partie d'aucun corps d'armée; que le prévenu ne peut donc, malgré sa qualité de domestique au service d'un officier, être rangé dans la classe des individus attachés à la suite de l'armée 1;» 2o en jugeant, relativement à un musicien gagiste d'un régiment, que même en admettant que ce musicien dût être rangé dans l'une des classes d'individus désignées par l'art. 10 de la loi du 13 brumaire an v, dans l'espèce, le délit imputé au prévenu, simple musicien gagiste et non soldat musicien, aurait été commis alors que le régiment auquel il était attaché se trouvait en garnison dans l'intérieur et ne faisait partie d'aucun corps d'armée; qu'ainsi le demandeur n'avait pu être considéré comme étant à la suite de l'armée 2.

La seconde observation est relative aux faits à raison desquels les individus à la suite de l'armée peuvent être traduits devant les juges militaires. L'art. 1o de la loi du 13 brumaire an y n'a établi les conseils de guerre permanents que pour connaître des délits militaires. L'art. 10 de la même loi qui

Cass. 5 mars 1818, cité suprà, p. 00.

Cass. 19 mai 1838, rapp. M. Bresson. Bull. n. 434.

dénomme les personnes qui, comme attachées à l'armée et à sa suite, sont justiciables des conseils de guerre, ne soumet donc ces personnes à cette juridiction qu'à raison des délits militaires qu'elles commettent. Or, quels sont les délits militaires des voituriers, des ouvriers, des préposés ou des officiers de santé qui sont attachés au service de l'armée ? Il est clair que ces délits ne peuvent être que ceux qui se rapportent à leur service, à l'emploi dont ils sont chargés et dans lequel ils peuvent avoir quelque influence sur le bien-être ou sur la situation de l'armée; ce sont là, en ce qui les concerne, les délits militaires qu'ils peuvent commettre, parce qu'ils sont relatifs à l'exercice d'une fonction qui est assimilée à un service militaire. A la vérité, l'avis du conseil d'Etat du 7 fructidor an XII considère comme délits militaires les délits commis par des militaires contre les lois générales lorsqu'ils sont sous les drapeaux ou à leur corps. Mais cet acte législatif ne s'applique qu'aux seuls militaires et non aux individus qui sont à la suite de l'armée; on ne peut donc l'étendre à ces derniers, surtout quand ils ne sont soumis ni à la même surveillance, ni à la même discipline. Enfin, quel serait l'intérêt de déférer à la juridiction militaire les délits des employés à la suite de l'armée qui ne se rattachent pas au service dont ils sont chargés? Ces employés ou ouvriers sont à la suite de l'armée, mais n'en font pas partie; leurs délits ne sont ni des infractions à la discipline, ni des atteintes à l'honneur de l'armée; les motifs qui sont invoqués pour retenir les délits communs des militaires ne s'appliquent donc plus ici : une seule chose importe à l'administration de l'armée, c'est que le service soit fait, c'est que l'emploi soit rempli; la personne du préposé lui est étrangère dès que ce préposé n'agit plus dans sa fonction et pour l'accomplissement de la mission dont il est chargé.

Ces observations ne s'appliquent, au surplus, qu'aux agents qui, par le service qu'ils ont accepté, se trouvent accidentellement attachés à l'armée; elles ne s'appliquent point

aux individus qui exercent habituellement un service militaire;

car ce service, en les soumettant à la discipline, les soumet à la fois à la juridiction. Tels sont :

1o Les enfants de troupe';

2o Les élèves trompettes *;

3. Les musiciens des régiments, quand ils ont été appelés par le recrutement ou quand ils sont militaires engagés 3, non quand ils sont simplement gagistes, c'est-à-dire quand ils ont loué leurs services pour un prix convenu et pour un temps déterminé 4;

4o Les portiers-concierges des places de guerre 5.

5° Les portiers-concierges des établissements militaires qui sont à la charge de l'État 6.

6° Les greffiers des conseils de guerre et des conseils de révision commissionnés aux termes de l'art 8 du décret du 3 mai 1848, par le ministre de la guerre. La Cour de cassation a jugé « que si l'application de l'art. 10, no 5, de la loi du 13 brumaire an v aux greffiers des conseils de guerre et de révision a pu paraitre douteuse, lorsque leur nomination était abandonnée par l'art. 2 de cette loi aux rapporteurs de ces conseils, et lorsque, par suite, leurs fonctions n'avaient légalement rien de permanent, l'état précaire dans lequel ils se trouvaient alors a cessé par l'effet du décret du 3 mai 1848 et de l'exécution qui lui a été donnée ; que, suivant ce décret, ils sont commissionnés par le ministre de la guerre, ne peuvent ètre révoqués que par lui, reçoivent un traitement fixe et ont ainsi été investis du caractère de fonctionnaires publics atta

Requis. qui a précédé l'arr. du 11 juin 1847. Bull. n. 127.

* Cass.

sept. 1836, rapp. M. Bresson. Bull. n. 292.

3 Cass. 4 avril 1833, rapp. M. Rocher. J. P., t. XXV, p. 344.

* Cass. 19 mai 1838, rapp. M. Bresson. Bull, n. 134.

Arr. 15 niv. an v; L. 23 fruct. an vii, art. 5; Cass. 15 prair. an vIII. (Bul., p. 134.)

Vic. 16 sept. 1811, art. 27 el 40.

chés à l'armée ; qu'à ce titre ils sont justiciables des tribunaux militaires'. >>

Il résulte de tout ce qui précède que la qualité de militaire n'appartient, 1° qu'aux individus qui font partie de l'armée'; 2o qu'aux individus que la loi a assimilés aux militaires et qui, sans faire partie de l'armée, sont attachés à son service et à sa suite, mais seulement quand ils sont attachés à un corps d'armée et en ce qui touche la fonction qui crée leur assimilation.

III. La qualité de militaire, ainsi définie, constitue la première condition de la compétence des tribunaux militaires; ils ne peuvent, sauf le cas exceptionnel de l'état de siége, juger aucune personne qui n'a pas cette qualité; car, aux termes des lois constitutionnelles, « nul ne peut être distrait de ses juges naturels, » et suivant la loi du 22 messidor an IV, « tout individu qui ne fait pas partie de l'armée ne peut jamais être traduit comme prévenu devant les juges délégués par la loi militaire. »

Mais une dernière condition est exigée par la loi il ne suffit pas que le prévenu soit militaire pour être justiciable du tribunal militaire, il faut que le délit rentre.dans la compétence de ces tribunaux.

Quels sont les délits qui, dans la législation actuelle, sont militaires ou du moins réputés tels? L'avis du conseil d'État du 7 fructidor an XII les a définis : ce sont « les délits commis par les militaires contre leurs lois particulières, ou contre les lois générales lorsque, se trouvant sous les drapeaux et à leur corps, ils sont astreints à une discipline et à une surveillance plus sévères. » D'où il suit que les militaires ne sont justiciables des tribunaux ordinaires qu'à raison des délits communs qu'ils commettent en congé ou hors de leur corps.

Cass. 12 déc. 1840, rapp. M. Vincens Saint-Laurent. Bull. n. 418.

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