Page images
PDF
EPUB

la flotte, constituent les tribunaux criminels de l'armée de mer.

La constitutionalité de leur organisation a été attaquée, parce que leurs membres sont choisis pour chaque affaire, qu'ils jugent sans révision, et qu'ils sont dissous après avoir prononcé 1. La Cour de cassation a répondu : « qu'un tribunal ne peut être considéré comme extraordinaire qu'autant que ses attributions auraient été démembrées d'une autre juridiction à laquelle elles auraient été dévolues ou retourneraient de droit, cessant l'existence de ce tribunal extraordinaire; que, quel que soit le mode de nomination des membres d'un tribunal, la durée de leurs fonctions et l'étendue des pouvoirs de ce tribunal, pourvu qu'institué légalement, il ne juge que des affaires de sa compétence, dans la mesure de cette compétence, et qu'il ne soit pas formé temporairement, au préjudice d'une autre juridiction antérieurement établie, permanente, qui serait. dans l'ordre ordinaire, seule compétente pour connaître du délit, ce tribunal ordinaire ne peut être considéré comme un tribunal extraordinaire, dont la suppression résulterait des art. 62 et 63 de la charte; que les conseils de guerre de marine, établis par le décret du 22 juillet 1806, sont des tribunaux ordinaires pour la connaissance et le jugement des affaires qui leur sont dévolues; qu'aucun autre tribunal existant ne serait compétent pour en connaître; que dès lors ils ne peuvent être considérés comme commissions et tribunaux extraordinaires; qu'ils sont, au contraire, des tribunaux ordinaires en cette partie. »

Les conseils connaissent de tous les crimes et délits qui entraînent une peine supérieure à la cale et à la bouline. L'art. 33 du décret du 22 juillet 1806 porte : « tous les délits commis par les personnes embarquées sur nos vaisseaux et autres de nos bâtiments, sur le jugement desquels il n'est pas pourvu par les dispositions ci-dessus, seront jugés par un conseil de

guerre. »

Déc. 22 juillet 1806, art. 39 et suiv.

2 Cass. 18 avril 1828, rapp. M. Brière. J. P., t. XXI, p. 1379.

Mais, de même que les conseils de justice, ils ne sont compétents qu'en ce qui concerne les crimes commis à bord et les personnes embarquées. L'art. 76 du même décret porte en effet la connaissance des crimes et délits commis contre les habitants par les officiers, matelots et soldats, appartiendra aux juges des lieux, et les conseils de guerre ne connaitront que de ceux qui seront commis contre notre service ou entre officiers, matelots et soldats; même en ce cas, si aucuns des coupables sont emprisonnés de l'autorité des juges, nous défendons aux préfets maritimes et commandants de nos forces navales de les retirer ou faire retirer de prison; ils ront cependant requérir les juges de les leur remettre, et en cas de refus ils se pourvoiront par devers nous. »

De ces textes, il faut induire :

pour

1° Qu'ils sont compétents pour connaître de tous les crimes. commis à bord, mais non de ceux commis à terre par les personnes embarquées. Plusieurs matelots se trouvant à bord d'un bâtiment de l'État étaient prévenus d'une tentative de vol à main armée avec escalade et effraction, dans l'enclos d'une ferme et au préjudice d'un habitant. La Cour de cassation a déclaré « que la connaissance de ce crime devait appartenir aux tribunaux ordinaires, et que la chambre d'ac cusation s'était écartée des règles de compétence, fixées par l'art. 76 du décret, en renvoyant les prévenus devant le conseil de justice maritime qui ne peut connaître, d'après ce même article, que des crimes et délits commis contre le service ou entre les officiers, matelots et soldats . » Dans une autre espèce, plusieurs marins embarqués sur une goëlette de l'État étaient prévenus de rébellion, violences et injures envers les préposés des douanes : la Cour de cassation a jugé « que les delits commis contre les préposés des douanes, doivent être considérés comme des délits commis contre des habitants et

Cass. 10 sept. 1843, rapp. M. Coffinhal. J. P.'t. XI, p. 707.

sont à ce titre dans les attributions de la juridiction ordinaire'. >>

2° Qu'ils sont compétents pour connaitre de tous les crimes commis soit à bord, soit à terre par des marins contre le service ou entre marins. La Cour de cassation a consacré cette distinction clairement énoncée d'ailleurs dans l'art. 76 du décret du 22 juillet 1806, en déclarant « que d'après cet article, les délits contre les habitants dont la connaissance est réservée aux juges des lieux, comprennent nécessairement tous ceux qui ne sont pas commis contre le service ou entre les officiers, matelots et soldats. » Mais que faut-il entendre par service? Le même arrêt explique que « par délits contre le service on ne peut entendre que les délits contre le service maritime; que cela résulte de l'ensemble des dispositions du décret du 22 juillet 1806 et de leur rapprochement avec les art. 10 et 13 du décret du 12 novembre suivant; qu'ainsi les délits de rébellion, de violence et d'injures envers les préposés des douanes et la force armée, bien qu'intéressant un service public, ne sont pas de la compétence des conseils de guerre maritimes. >>

3° Qu'ils sont compétents pour connaître des délits commis par toutes les personnes embarquées. Ainsi, la Cour de cassation a décidé d'une part« que toute personne embarquée sur un vaisseau, autre que les officiers de la marine, officiers mariniers, matelots, troupes de terre embarquées sur les bâtiments de guerre, sans aucune exception, est soumise à la loi du 21-22 août 1790 3. » Et d'une autre part « qu'il résulte de l'art. 33 du décret du 22 juillet 1806, que tous délits commis par les personnes embarquées sur les vaisseaux de l'État, au jugement desquelles il n'est pas pourvu par les

Cass. 6 oct. 1842, rapp. M. Vincens Saint-Laurent. Bull. n. 258.

* Même arrêt.

* Cass. 1er juillet 1880, rapp. M. Brière. J. P., t. XXIII, p. 640.

dispositions précédentes du même décret, seront jugés par un conseil de guerre maritime. »

4° Enfin, qu'ils sont compétents pour connaitre de ces crimes et délits à l'exclusion de toute autre juridiction et particulièrement des conseils de guerre permanents. Un arrêt déclare « que, d'après les dispositions du décret du 22 juillet 1806, les marins embarqués sont justiciables, suivant la gravité des cas, des conseils de justice ou des conseils de guerre maritimes; qu'aucune des lois et ordonnances relatives aux conseils de guerre permanents ne leur attribue de juridiction à cet égard 2. Un autre arrêt décide également « qu'en attribuant aux conseils de guerre la connaissance des délits commis dans les possessions des iles Marquises par tous français ou étrangers, l'ordonnance du 28 avril 1843 n'a pas pu comprendre ceux commis par des marins à bord de leurs bâtiments, puisque ces marins sont soumis à une juridiction spéciale qui les suit partout où les portent les bâtiments sur lesquels ils sont embarqués 3. »

IV. Les tribunaux maritimes, qui ont remplacé les Cours martiales maritimes, sont les juges correctionnels et criminels à la fois des faits relatifs au service de la marine commis à terre. Ils sont composés de huit juges : deux capitaines de vaisseau, deux commissaires et un ingénieur de la marine, deux juges du tribunal civil, sous la présidence d'un contre-amiral; formés pour chaque affaire, ils sont dissous dès qu'ils ont prononcé, mais leurs jugements peuvent être sujets à révision.

La constitutionnalité de cette juridiction a été attaquée, comme celle de toutes les juridictions maritimes. La Cour de cassation l'a déclarée maintenue: « Attendu que le décret du 14

'Cass. 22 fév. 1850, rapp. M. Quénault. Bull. n. 00.

2 Cass. 2 fév. 1850, rapp. M. Vincens Saint-Laurent. Bull. n. 44. Cass. 22 fév. 1850, rapp. M. Aug. Moreau. Bull. n. 71.

Déc. 12 nov, 1806, art. 2, 4, 51.

1

novembre 1806, sur les tribunaux maritimes, a été exécuté comme loi antérieurement à la Charte et que les dispositions de ce décret ne sont point contraires au texte de la Charte et ne sont incompatibles avec l'esprit d'aucune de ses dispositions, en ce qui regarde les marins ou attachés au service de la marine; qu'ils sont formellement reconnus par la loi du 10 avril 1825 *. »

Ils connaissent 1° aux termes de l'art. 10, décret du 12 novembre 1806, de tous les délits commis dans les ports et arsenaux, qui sont relatifs soit à leur police ou sûreté, soit au service maritime; 2° de tous les délits commis par les équipages des bâtiments de l'État, relatifs au service maritime, jusqu'au moment de la mise en rade, et au désarmement, depuis la rentrée dans le port jusqu'au licenciement de l'équipage (art. 12 du même décret); 3o de tous les faits de piraterie (loi du 10 avril 1825, art. 16).

Ces différentes attributions demandent quelques explications.

La première exige deux conditions: 1o que les délits aient été commis dans les ports et arsenaux ; 2° qu'ils soient relatifs soit à leur police ou sûreté, soit au service maritime.

La dénomination de ports et arsenaux comprend tous les établissements et bâtiments appartenant à la marine, affectés à son service, et dans la régie et administration desquels il est défendu, par un décret du 20 mars 1791, à tous corps administratifs de s'immiscer. C'est ce qui résulte d'une ordonnance du 12 janvier 1822, rendue sur la question de savoir si l'article 10 du décret doit s'appliquer aux crimes et délits commis dans les établissements des ports ou arsenaux maritimes, mais situés hors de leur enceinte, et qui décide que les délits qui ont été commis, soit dans une caserne placée en dehors d'un arsenal, soit dans le port même étant commis dans un établissement dépendant de l'arsenal, soumis à la même police et

'Cass. 14 nov. 1834, rapp. M. de Crouscilhes. J. P., t. XXVI, p. 1012.

« PreviousContinue »