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lui à la garantie; que c'est donc avec raison que le prix de cette adjudication a été porté en l'état liquidatif, et qu'il n'y a pas lieu d'examiner quelle peut être la valeur légale de l'écrit du 15 août 1887;

Attendu qu'Arthur Desbois ne demande pas la modification de l'état liquidatif en tant que l'usufruit prétendu de Desbois, père, aurait dû lui faire tenir compte par la succession de sa femme, pendant une certaine période, des revenus ou fruits de la maison de Puiseaux; qu'il n'échet, par suite, d'examiner les réponses éventuelles des époux Touzet à une prétention, qui ne s'est pas produite; Qu'au surplus, Desbois, père, a ratifié par deux fois la dation en paiement en toute propriété de la maison de Puiseaux, sans faire aucune réserve de son usufruit prétendu, d'abord le 22 janvier 1889, lors du dépôt pour minute à Me Sergent, notaire à Puiseaux, de la dation en paiement du 15 août 1887, ensuite le 13 février 1889, dans le procès-verbal, dressé par ledit Me Sergent, de l'acceptation pure et simple par Desbois père de la liquidation Desbois-Moreau

Que les terres, qui ont été recueillies par la dame Desbois-Morea u dans la succession de sa mère, ont été vendues en exécution du jugement du 3 juin 1892, à la date du 15 janvier 1893;

Que Desbois a pris postérieurement, le 19 janvier 1893, au bureau des hypothèques, une inscription de séparation du patrimoine des époux Moreau-Péron d'avec celui de la dame MoreauDesbois; qu'il a agi en qualité de légataire de la dame MoreauPéron; que cette inscription de séparation de patrimoines est sans valeur, par suite de la renonciation tacite à son legs;

Dit

Par ces motifs ; Déclare Desbois non recevable dans son appel du jugement du tribunal civil de Pithiviers du 10 Mai 1895; qu'il est recevable dans son appel du jugement de ce tribunal du 21 février 1896; infirme ledit jugement; ordonne la restitution de l'amende consignée sur cet appel; Déclare recevable l'opposition formée par Desbois, et statuant au fond: Dit que Desbois est mal fondé dans ses demandes de sursis tirées de l'art. 3 du C. d'instr. crim. et de diverses instances pendantes entre lui et les époux Touzet; dit qu'il est également mal fondé à invoquer contre sa qualité d'héritier de sa mère, reconnue par le jugement du 3 juin 1892 et les arrêts rendus sur l'appel de ce jugement, les actes de cession de droits héréditaires des 22 décembre 1891, 17 septembre 1892 et 1er mars 1895; que ces actes sont fictifs et simulés ; que le jugement du 3 juin 1892 et les arrêts du 22 novembre 1893 et 12 juillet 1894 ne sont plus susceptibles d'aucun recours, et que la Cour ne peut apprécier les critiques élevées contre ces décisions; — dit qu'il n'y a

lieu, ni de liquider avant la succession de la dame Desbois Moreau les communauté et succession Moreau-Péron, ni de procéder à la liquidation, par suite de la séparation de biens des époux DesboisMoreau ; que Desbois, Arthur, et les époux Touzet ont renoncé tacitement au bénéfice du legs contenu à leur profit dans le testament de la dame Moreau-Péron du 15 Septembre 1873; que le prix de la maison de Puiseaux a été porté à bon droit dans l'état liquidatif du 13 février 1889; que la cour n'est pas saisie régulièrement des conclusions de Desbois du 25 avril 1897; et qu'elles sont, au surplus mal fondées ; - Déclare Desbois mal fondé dans toutes ces critiques; Homologue, pour être exécuté selon sa forme et teneur, l'état liquidatif de la succession de la dame Desbois-Moreau, dressé par Gauthier, notaire à Puiseaux, le 17 Avril 1895; Condamne Desbois en tous les dépens de première instance et d'appel. Pourvoi en cassation par Arthur Desbois.

ARRÊT.

Vu l'art. 2 du C.

LA COUR ; Sur la demande en sursis : d'Instr. Crim. ; Attendu que si cet article veut qu'il soit sursis à l'exercice de l'action civile, tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile, il implique qu'il n'y a lieu de prononcer le sursis, que quand il est établi, par la personne qui le demande, qu'il existe une action publique régulièrement intentée;

Attendu que Desbois ne fait pas la preuve qu'une suite ait été donnée aux plaintes par lui portées, et qu'une procédure criminelle ait été intentée, qui soit de nature à tenir en suspens l'action civile engagée entre lui et les époux Touzet ;

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Que, dès lors, sa demande à fin de sursis ne saurait être accueillie; Rejette la demande à fin de sursis ;

Au fond : Sur le moyen tiré de la violation de l'art. 3 du C. d'Instr. Crim., et de la règle que le criminel tient le civil en état : Attendu qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que Desbois ne justifie ni de plaintes déposées par lui ayant trait aux procédures civiles actuellement engagées, ou aux éléments de l'instance en homologation, ni d'une instruction ni d'un acte quelconque de l'autorité publique ; — Que, dans ces circonstances, la Cour d'Orléans n'a pas violé le texte invoqué en décidant qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de sursis formée par Desbois;

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'art. 473 du C. Pr. civ. et des règles de l'évocation : Attendu que l'arrêt attaqué

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constate que Desbois avait conclu au fond devant la Cour sur son opposition, ainsi que les intimés; qu'en cet état de la procédure, la Cour a pu considérer la cause comme disposée à recevoir une solution définitive; que l'arrêt entrepris a fait dès lors un usage régulier du droit d'évocation et n'a violé aucune loi ;

Sur le troisième moyen tiré de la violation de l'art. 473 du C. pr. civ., de l'art. 4 de la loi du 16 août 1791 et de l'art. 171 du C. pr. civ.: Attendu que des qualités et des constatations de l'arrêt attaqué il résulte, d'une part, qu'à l'appui d'une demande de sursis Desbois invoquait une instance en délivrance de legs introduite par lui devant le Tribunal de Pithiviers, et, d'autre part, que cette demande était contestée par les époux Touzet, qui prétendaient que Desbois avait, depuis longtemps, renoncé au bénéfice de ce legs; qu'avant de statuer sur le sursis, la Cour d'Orléans a dû rechercher si la renonciation alléguée était établie, et qu'en résolvant cette question, l'arrêt attaqué n'a fait que trancher un litige qui lui était soumis par les conclusions des parties et n'a, par suite, méconnu aucun des principes de droit invoqués par le pourvoi;

Attendu, d'autre part, que l'exception de litispendance n'est pas d'ordre public, et ne peut être présentée pour la première fois devant la Cour de Cassation;

Sur le quatrième moyen, pris de la fausse application et de la violation des art. 1351 du C. Civ., 155 et 157 du C. pr. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810: Attendu que l'arrêt attaqué constate que le jugement du 3 juin 1892 a été frappé d'appel par Desbois, père, et par Arthur Desbois ; que la Cour d'Orléans a rendu contre eux le 22 novembre 1893 un arrêt de défaut congé au profit des époux TouzetDesbois; que sur l'opposition, formée par Arthur Desbois après la mort de son père, la même Cour a, le 12 juillet 1894, donné itératif défaut faute de conclure contre Arthur Desbois ès-qualités et contre son avoué, et enfin que la Cour de Cassation a, par arrêt du 11 décembre 1894, rejeté le pourvoi formé par Desbois contre l'arrêt du 12 juillet précédent; que l'arrêt entrepris en a conclu avec raison que les arrêts du 22 novembre 1893 et 12 juillet 1894, n'étaient plus susceptibles d'aucun recours, et a, par suite, rejeté le sursis demandé par Desbois pour faire statuer sur une nouvelle opposition formée par lui contre les dits arrêts; qu'en le décidant ainsi, l'arrêt attaqué qui est dûment motivé, n'a faussement appliqué ni violé aucun des articles de loi visés au pourvoi ;

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des art. 784, 1134, 1341 et suiv. du C. civ.: Attendu que l'art. 784 du C. civ., portant

que la renonciation ne peut plus être faite qu'au greffe du Tribunal civil de première instance, dans l'arrondissement duquel la succession s'est ouverte, ne s'applique textuellement qu'à la renonciation à une succession; qu'il ne saurait être étendu à la renonciation à un legs; que cette renonciation peut résulter d'actes émanant du légataire et impliquant de sa part l'intention de ne pas se prévaloir de ce legs;

Attendu que des énonciations de l'arrêt entrepris, il résulte qu'Arthur Desbois a laissé sa mère prendre possession, à son vu et su, de tout l'actif de la succession de la dame Moreau-Péron, la testatrice; qu'il a préparé et rédigé de sa main un écrit constatant que sa mère, agissant comme seule héritière de la dame Moreau-Péron, a reçu de son mari une maison à titre de dation en paiement d'une créance de 10.000 fr., comprise dans l'actif mobilier de la succession de la dame Moreau-Péron; qu'enfin, les effets mobiliers dépendant de la dite succession, qui lui avaient été légués, ont été vendus, et qu'il s'est rendu acquéreur d'une partie de ces objets pour une somme de 2.764 fr.; que de l'ensemble de ces faits, les juges du fond ont conclu qu'Arthur Desbois avait tacitement renoncé au legs à titre universel à lui fait par la dame Moreau-Péron ; qu'en statuant ainsi ils ont usé de leur pouvoir souverain d'apprécier les actes invoqués pour établir la dite renonciation, et n'ont violé ni l'art. 784 du C. Civ., ni aucun des autres articles sus visés ;

Rejette.

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MM. Tanon, prés.; Dupont, rapp.; Melcot, av. gén.; Brugnon,av. REMARQUE. I. Sur le premier point : Voy. dans le même sens un précédent arrêt de la Ch. des requêtes du 5 férier 1868 (S.68.1.454), d'après lequel la règle que le criminel tient le civil en état n'est applicable qu'autant que la partie, qui en réclame l'application, justifie « qu'il existe une action publique intentée par le magistrat compétent; et il ne suffit pas à cet égard à celui-ci,ajoute le même arrêt, de justifier dans ce but qu'une plainte ou des démarches quelconques ont été faites pour provoquer cette action. Adde Cass. 29 janvier 1877 (S.78.1.318); Bourges 4 mars 1873 (S. 74.2.311).

II.

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Sur le deuxième point: La décision de la Cour suprême est conforme aux principes. Il est certain, en effet, que la faculté d'évocation est ouverte au juge d'appel, toutes les fois que le jugement, dont il y a appel devant lui, est un interlocutoire ou un jugement, qui a statué sur des nullités ou des incidents de procédure et que la cause est, dès à présent disposée à recevoir sur le fond leur solution définitive. Or, tel était bien le cas de l'espèce, alors que le jugement, frappé

d'appel devant la Cour d'Orléans et infirmé par elle, s'était borné à écarter par un moyen de procédure l'action de l'appelant, et que des conclusions au fond respectivement prises sur l'appel par les deux parties, avaient porté ladite action tout entière devant le second degré de juridiction.

IV.

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III. Sur le troisième point; Voy. conf. Cass. 14 février 1888 (S. 90.1.477). Il a été également jugé que l'exception de litispendance ne peut être proposée pour la première fois en appel Cass. 27 avril 1837 (J. Av :, t. 53, p. 707); Cass. 17 août 1865 (id., t. 91, p. 137); — et que même elle cesse d'être recevable en première instance après des conclusions au fond: Cass. 18 juillet 1859 (id., t. 86, p, 216). Sic. Boncenne, Théorie de la proc., t. 3, p. 247; Rodière, Compét. et Proc., t. 1, p. 332; Carré, Lois de la proc., Q. 732. Contrá: Montpellier 30 août 1851 (S. 52.2.123); Bioche, Dict. de proc., vo Exception, n° 125 Compar. aussi Chauveau sur Carré, op. et loc. cit.; Bonfils, Compét. proc. et organ. jud., no 997 qui enseignent que l'exception de litispendance peut être opposée après des défenses au fond, mais ne peut l'être pour la première fois en appel. Sur le quatrième point: La solution admise par les arrêts ci-dessus reproduits ne pouvait faire difficulté. V. Sur le cinquième point : La question de savoir si la renonciation à un legs est soumise, pour sa validité en la forme, aux dispositions de l'art. 784 C. civ., est controversée. Voy. pour l'affirmative: Bordeaux 4 Avril 1855 (S. 56.2.108); Besançon 25 mars 1891 (S. 91.2.99) Pour la négative, au contraire, dans le cas d'un legs particulier: Agen 19 décembre 1866 (S. 67.2.180); Pau 30 novembre 1869 (S. 70.2.116); Pau 22 avril 1884 (S. 86.2.188); dans le cas d'un legs à titre universel: Toulouse 20 janvier 1881 (S. 81.2.77); Toulouse 27 février 1893 (S. 94.2.89); et même d'un legs universel, Nancy 1er février 1884 (S. 86.2.136). C'est bien d'ailleurs dans le sens de l'inapplicabilité absolue de l'art. 784 du C. civ. à toute renonciation à un legs quelconque, quels qu'en soient la forme et 'étendue, que doit être interprété l'arrêt ci-dessus reproduit de la Chambre des requêtes, qui, sans s'attacher, en aucune façon, à la nature du legs, dont il s'agissait dans l'espèce qui lui était somise, déclare ledit article inapplicable, motif pris, dans les termes les plus généraux, de ce que «< il ne s'applique textuellement qu'à la renonciation aux successions, et ne saurait être étendu à la renonciation à un legs. Le Trib. civ. de Bourges, le 27 mai 1892 (S. 94.2.118) et la Cour de Poitiers, le 17 février 1890 (D. P. 92.2.115) avaient également décidé que la renonciation à un legs peut même être tacite, et résulter de toutes les circonstances propres à démontrer la volonté du légataire institué de ne pas profiter du legs.

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