Page images
PDF
EPUB

Attendu qu'il est constaté par les qualités elles-mêmes du jugement que trois de ces officiers ministériels occupaient dans la cause, à savoir Mes Pérot, Larzillière et Daupleix; mais que ledit jugement a omis de mentionner ces motifs d'abstention ou d'absence des avocats, dont l'assistement aurait dû être requis avant celui de Me Mathieu pour compléter le Tribunal, en conformité de l'art. 49 du décret du 30 mars 1808;

Attendu que l'omission de cette formalité constitue une nullité d'ordre public entachant la décision dont est appel;

Attendu, en effet, qu'il est de règle absolue que toute décision de justice doit porter avec elle la preuve de sa régularité; que, notamment, elle ne doit pas laisser incertaine la qualité légale des personnes qui y ont concouru;

Attendu, d'autre part, que la Cour se trouve saisie de la cause tout entière, tant par l'effet dévolutif de l'appel, que par les conclusions respectivement prises par les parties sur le fond du débat ; qu'elle a aussi le droit de trancher la difficulté, qui existe entre ces dernières, sans recourir aux dispositions spéciales de l'art. 473 du C. pr. civ.; Attendu que la Société des Carrière de Lorraines et le sieur Baux soutiennent que la surenchère du sixième faite le 17 février dernier par les sieurs Civet, Pommier et Cie, relativement à la parcelle de terre dont ladite Société s'était rendue adjudicataire moyennant le prix principal de 1,200 fr., doit être déclarée nulle comme n'ayant pas été faite sur le véritable adjudicataire et comme ne lui ayant pas été notifiée contrairement aux dispositions formelles de l'art. 709 du C. de pr. civ.;

Attendu que les intimés opposent à cette demande en nullité une fin de non-recevoir tirée de l'art. 729 du même Code;

Attendu que, d'après cet article, les moyens de nullité contre la procédure postérieure au cahier des charges doivent être proposés à peine de déchéance au plus tard trois jours avant l'adjudication; qu'il n'est pas dénié que la Société des Carrières de Lorraine et le sieur Biaux ne se sont pas conformés à cette règle au cas particulier; qu'en effet, bien que la nouvelle adjudication eût été fixée au 7 mars, leurs conclusions, contenant les moyens de nullité qu'ils invoquaient contre la surenchère, n'ont été signifiées que la veille, 6 mars;

Attendu qu'il est de doctrine et de jurisprudence aujourd'hui que, lorsque l'action est destinée non à provoquer une annulation judiciaire de la surenchère, mais à faire constater une nullité acquise de plein droit ou une inexistence de ladite surenchère, il n'est pas nécessaire que l'action dont s'agit soit introduite dans un

délai déterminé, celui, par exemple, imparti par l'art. 729 dans son 21er;

Attendu, d'un autre côté, qu'il n'est pas contesté que le fait d'avoir surenchéri sur une personne autre que l'adjudicataire véritable ou apparent, de même que le défaut de dénonciation à cet adjudicataire ou encore l'absence d'une dénonciation faite dans le délai de l'art. 709 précité, rendent la surenchère inexistante, c'est-à-dire qu'ils l'entachent d'une nullité radicale qu'il n'est pas besoin de faire prononcer en Justice;

Qu'il s'ensuit que, si l'intéressé croit devoir agir devant les Tribunaux, il n'est pas tenu, dans ce cas, de se conformer aux prescriptions du 1er de l'art. 729;

Attendu, dans ces conditions, que le moyen de déchéance invoqué par Civet, Pommier et Cie ne saurait être accueilli; qu'il est inutile, dès lors, d'examiner si, comme les appelants le prétendent, l'art. 729 ne doit pas recevoir son application en matière de vente par licitation ou de ventes publiques de biens de mineurs ;

Au fond attendu qu'en faisant leur surenchère sur Baux et en la lui dénonçant dans les trois jours, les intimés se sont conformés au prescrit des art. 708 et 709 du C. pr. civ.;

Que, sans doute, le procès-verbal d'adjudication mentionnait bien que la parcelle surenchérie avait été adjugée à la Société des Carrières de Lorraine, mais que ce procès-verbal ajoutait que ladite adjudication avait été acceptée pour cette Société par le sieur Baux, l'un de ces administrateurs délégués, qui avait signé après lecture faite;

Attendu que ni la Société, ni le sieur Baux n'ont pu se méprendre sur la portée de l'acte de surenchère du 17 du même mois, ni sur celle de l'exploit de dénonciation qui en a été la suite; qu'en effet, les intimés avaient pris la précaution de rappeler, dans le premier de ces actes, les mentions principales du procès-verbal d'adjudication, notamment en ce qui concernait la situation, la contenance et les limites de la parcelle et de faire donner copie intégrale de ce premier acte en tête de leur exploit de dénonciation;

Attendu que, dans ces conditions, leur erreur prétendue sur le nom du véritable propriétaire n'a certainement laissé subsister dans l'esprit de la Société, pas plus que dans celui du sieur Baux ou des autres intéressés, aucun doute ni aucune équivoque sur la personnalité de l'adjudiciataire réel et de la partie à laquelle la surenchère était en réalité dénoncée ;

Attendu que le vœu de la loi dans les art. 708 et 709 du C. pr.

civ. est, avant tout, que les intéressés soient efficacement avertis par les surenchérisseurs ; qu'il est bien certain que cet avertissement ne leur a pas fait défaut au cas particulier;

Attendu, d'autre part, que la notification d'un acte concernant une Société est valablement faite au domicile privé et à la personne de son directeur ou de celui de ses administrateurs, qui a qualité pour la représenter en justice spécialement; qu'il n'est pas besoin de faire cette notification au siège social;

Attendu que le sieur Baux, administrateur, était précisément investi de cette qualité au moment de l'adjudication et de la surenchère des 12 et 17 février;

Que c'est, en effet, comme tel qu'il avait enchéri pour le compte de la Société des Carriers de Lorraine et qu'il avait accepté pour elle l'adjudication tranchée à son profit ; que c'est encore comme tel qu'il agit dans l'instance;

Qu'ainsi et à quelque point de vue qu'on se place, la demande en nullité de la surenchère du 17 février dernier et sa dénonciation doit être rejetée;

--

Par ces motifs; Annule le jugement du 14 mars 1900 pour inobservation de l'art. 49 du décret du 30 mars 1808; Et, statuant à nouveau, par suite de l'effet dévolutif de l'appel, sans s'arrêter ni avoir égard à la fin de non recevoir tirée de l'art. 729 du C. pr. civ., fin de non recevoir dans laquelle les intimés qui l'ont proposée sont déclarés mal fondés: dit bonnes et valables la surenchère faite par les sieurs Civet, Pommier et Cie et la dénonciation qui en a été la suite; en conséquence, les valide et ordonne qu'il sera passé outre à l'adjudication devant le Tribunal auquel est réservé le droit de fixer la date de l'audience à laquelle il sera procédé aux nouvelles enchères; déclare le sieur Baux, tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur délégué des Carrières de Lorraine, mal fondé en ses demandes et conclusions, l'en déboute et le condamne en tous les dépens, fait toutefois mainlevée de l'amende.

M. Charmeil, près.

[ocr errors]

REMARQUE.-I. Sur le premier point; Voy. les nombreux arrêts conf. rappelés par M. Dutruc, Suppl. alphab. aux lois de la proc. de Carré et Chauveau, vo Jugement, n° 10.

[I. Sur le deuxième point: il est certain qu'il n'y a pas lieu à évocation, lorsque le jugement, frappé d'appel a statué au fond. C'est en ce cas, non une simple faculté, mais une obligation pour le juge d'appel, de vider lui-même, et sans renvoi devant un autre juge du premier degré, le fond du litige, dont il se trouve de plein droit saisi Cass. 9 juillet 1856 (J. Av., t. 82, p. 560; Cass. 18 novembre 1872 (J. Av., t.

98, p. 413). Adde Dutruc, op. cit., vo Appel des jugem. des trib. civ., n° 520.

[ocr errors]

III. Sur le troisième point, non résolu par la Cour de Nancy Voy. dans le sens d'une solution affirmative: Douai, 2 novembre 1897 (J. Av., t. 124. p. 18). Mais il y a controverse, et les éléments de cette controverse sont rappelés dans les re-. marques sous l'arrêt précité de la Cour de Doual (loc. cit.). IV. Voy. conf. en principe sur le quatrième point: Angers 20 février 1900 (J. Av., t. 125, p. 261).

ART. 8709.

MONTPELLIER (3o CH.), 4 août 1900.

FOLLE-ENCHÈRE, licitation, MAJEURS ET MINEURS, COLICITANT ADJUDICATAIRE, CAHIER DES CHARGES, CLAUSE LICITE.

Si, en principe, la voie de la folle-enchère n'est pas ouverte aux colicitants pour contraindre au paiement de son prix le colicitant qui s'est rendu acquéreur des immeubles indivis, il en est autrement lorsque, dans le cahier des charges qui a précédé l'adjudication, il a été formellement stipulé que cette voie d'exécu tion serait ouverte, non seulement contre les étrangers, mais encore contre les copartageants eux-mêmes.

Et une telle stipulation est toujours licite et obligatoire, alors même qu'il se trouve un mineur parmi les colicitants.

(Marius Faget c. consorts Faget et Berthon).

LA COUR ; Attendu que si, en principe, la voie de la folle enchère n'est pas ouverte aux colicitants pour contraindré au paiement de son prix le colicitant qui s'est rendu acquéreur des immeubles indivis, il en est autrement lorsque, dans le cahier des charges qui a précédé l'adjudication, il a été formellement stipulé que cette voie d'exécution serait ouverte, non seulement contre les étrangers, mais encore contre les copartageants eux-mêmes ;

Qu'une telle clause, qui n'a rien de contraire à l'ordre public et qui a pour objet d'économiser des frais et d'accélérer la réalisation du gage, au cas de négligence ou d'insolvabilité du premier acquéreur, doit faire la loi des parties lorsqu'elle a été écrite au cahier des charges et acceptée sans protestation par tous les intéressés ;

Que telle est la situation dans l'espèce, puisqu'on lit au cahier des charges, qui a précédé la vente des biens acquis par Marius Faget, la stipulation suivante : - << Faute par le ou les adjudicataires, fussent-ils colicitants, d'exécuter une des clauses et conditions de

l'adjudication, les vendeurs pourront faire revendre l'immeuble à lui adjugé par la voie de la folle enchère » ;

Que ce texte est clair et non équivoque; d'où suit que le premier moyen invoqué par Faget à l'appui de son appel ne saurait être accueilli ; Sur le deuxième moyen: Attendu que Marius Faget soutient ensuite que la vente des biens dont il s'est rendu acquéreur ayant eu lieu en présence d'un mineur, la clause résolutoire inscrite au cahier des charges ne pouvait y être valablement insérée; qu'elle doit être considérée comme nulle et non avenue, puisque, au regard du mineur, elle constitue une véritable aliénation de droits, et qu'elle l'expose à l'éventualité d'une acquisition immobilière, en dehors des formes prescrites par la loi pour la protection des incapables;

Attendu que cette prétention n'est pas mieux fondée que la première ;

Qu'il faut reconnaître, tout d'abord, que l'appelant, qui n'est point subrogé-tuteur du mineur Berthon, est sans qualité pour se prévaloir des irrégularités qui auraient pu ètre commises dans la mise en œuvre et dans l'exercice des droits et actions de ce mineur;

Que le moyen est d'ailleurs tardif, puisqu'il n'est produit qu'après l'acceptation par toutes parties de la clause incriminée, et dans le but, trop manifeste, de retarder le paiement des conditions exigibles de l'adjudication;

Attendu, enfin, qu'il faut reconnaître au tuteur, qui a reçu mission de la loi de recouvrer les créances de son pupille, le droit de faire, dans ce but, tous les actes nécessaires pour assurer ce recouvrement par les voies les plus promptes et les plus économiques;

Que si la procédure de folle enchère peut conduire le mineur à devenir propriétaire de droits immobiliers sans l'accomplissement préalable d'aucune formalité d'autorisation, il ne faut voir, dans cette éventualité, que la conséquence d'une situation exceptionnelle qui légitime une dérogation aux règles ordinaires, et qu'il n'y a aucune raison de refuser au tuteur d'un mineur, engagé dans une licitation, la faculté dont il pourrait user, sans conteste, s'il poursuivait, pour son pupille, l'expropriation d'un débiteur étranger;

Attendu que c'est donc le cas d'écarter l'appel du sieur Faget; Par ces motifs et non par ceux des premiers juges; Confirme. MM. Denayrouse, prés.; Vincent, subst. du proc. gén.; lier et Guibal, av.

Grol

REMARQUE. L'arrêt ci-dessus de la Cour de Montpellier est conforme à la jurisprudence constante de la Cour de Cassation et des Cours d'appel. Voy. à cet égard Limoges 19 décembre 1898, et les remarques (J. Av., t. 124, p. 258).

« PreviousContinue »