Page images
PDF
EPUB

3o Lorsque le débiteur, sur lequel une saisie-arrêt a été pratiquée, reçoit lui-même ultérieurement des saisies-arrêts frappant entre ses mains les sommes dont il est débiteur, ces dernières saisies-arrét; n'enlèvent pas à celui qui a la qualité de saisissant dans la première procédure de saisie-arrêt le droit de prendre toutes mesures conservatoires, de poursuivre la validité de sa saisie-arrêt, et de faire ordonner que le tiers-saisi, sinon se libèrera directement entre ses mains, du moins consignera le montant de sa dette, à charge des oppositions.

4o La saisie-arrêt, régulièrement dénoncée avec assignation en validité, est, aux termes de l'art. 2244 du C. civ., interruptive de la prescription.

5o Elle a cet effet, non seulement en ce qui concerne la créance du saisissant, mais encore quant à la créance de son débiteur contre le tiers saisi.

....

et aussi bien en ce qui concerne les intérêts, soumis à la prescription de cinq ans, qu'en ce qui concerne le capital luimême de ladite créance, bien que la saisie n'ait pas porté spécialement sur ces intérêts.

(Delouis c. Joinetaud)

ARRÊT.

Attendu que si

LA COUR ; Sur la fin de non recevoir d'appel; les saisies-arrêts pratiquées par Joinetaud au préjudice de Delouis, l'avaient été pour une somme inférieure à 1500 fr., et s'il se fût borné à demander la validité de ces saisies-arrêts, le jugement eût été en dernier ressort; mais que, dans les conclusions prises devant le Tribunal, il a, en outre, conclu à des dommages-intérêts, dont il n'a pas déterminé le quantum, et qu'il a ainsi formé une demande indéterminée; qu'il n'a sans doute pas indiqué la cause de ces dommages-intérêts; mais qu'il est de principe que les dommages-intérêts requis par le demandeur, quelle qu'en soit la cause, antérieure ou postérieure à l'introduction de l'instance, doivent s'ajouter à ce qui fait le fonds du litige pour la détermination du degré de juridiction; Au fond; Attendu qu'en vertu d'un jugement du Tribunal civil de Bourganeuf en date du 19 janvier 1883, Joinetaud a formé diverses saisies-arrêts au préjudice de Delouis, pour sûreté de la somme de 569 fr. 59, montant, en principal, des condamnations portées audit jugement, ainsi que des intérêts à 5 0/0 l'an depuis le 10 juin 1882, date de la demande en justice, et des frais, savoir par exploit de Tricaud, huissier à Bénévent, en date du 29 avril 1895, entre les mains d'Isidore Furet; par exploit de Dupichot, huissier à Bourga

neuf, en date du 9 mai 1895, entre les mains du sieur Henry Bouteille, et par exploit dudit Dupichot, en date du 28 décembre 1895, entre les mains des sieurs Pierre et Marc Couthon; que ces saisiesarrêts ont été dénoncées à Delouis avec assignation en validité devant le Tribunal de son domicile, par trois exploits de Guernaud, huissier à Guéret, aux dates respectives des 6 mai, 15 mai et 30 décembre 1895; qu'en outre, elles ont été contre-dénoncées aux tiers saisis, savoir: à Furet, par exploit de Tricaud, du 13 mai 1895; à Bouteille, par exploit de Dupichot, du 21 du même mois, et à Pierre et Marc Couthon, par exploit dudit Dupichot, en date du 4 janvier 1896; que, par les exploits de contre-dénonciation, les tiers saisis étaient assignés devant le Tribunal civil de Guéret pour voir dire que dans le délai qui serait fixé par le jugement à intervenir, ils seraient tenus, s'ils n'avaient déféré à l'assignation, de faire la déclaration affirmative des sommes qu'ils pouvaient devoir à Delouis, à peine d'être déclarés débiteurs purs et simples des causes de la saisie faite entre leurs mains ;

Attendu que la régularité, en la forme, desdites saisies-arrêts n'est pas contestée; Mais attendu qu'il avait été mis entre les mains de Delouis diverses saisies-arrêt au préjudice de Joinetaud, savoir à la requête d'un sieur Jeannet, à la date du 19 juin 1882, pour une somme principale de 2,030 fr., intérêts et frais; d'un sieur Namy, aux dates des 23 février et 13 mars 1883, la première pour une somme principale de 2,839 fr., la seconde pour une somme principale de 1,162 fr.; d'un sieur Colomines, à la date du 3 avril 1888, pour une somme de 1,700 fr., et à la requête de la veuve Delouis, suivant exploit de Hubert, huissier à Bourganeuf, du 11 janvier 1881, pour une somme de 408 fr., intérêts et frais; qu'en outre et depuis les saisies- arrêts pratiquées par Joinetaud au préjudice de Delouis, il a été mis aux mains de ce dernier une nouvelle saisie-arrêt au préjudice de Joinetaud, à la requête de la dame veuve Prud'homme, par exploit dudit huissier Guernaud en date du 30 décembre 1895; que toutes ces saisies-arrêts ont été régulièrement dénoncées au débiteur saisi, avec assignation en validité, puis contre-dénoncées au tiers saisi ;

Attendu que Joinetaud a, depuis lors, au cours seulement des années 1896, 1897 et 1898, produit les mains-levées des saisiesarrêts mises à son préjudice par Jeannet, Namy et Colomines, mais non point la mainlevée des saisies arrêts veuve Delouis, et veuve Prudhomme, qui subsistent encore; que Delouis, tiers saisi, n'est évidemment pas juge de leur validité et de leurs effets; que la

saisie arrêt de la veuve Delouis a même été validée par jugement du 8 juillet 1892, qui ne paraît pas d'ailleurs avoir été signifié;

Attendu, sans doute, que Delouis, tiers saisi, ne peut, à peine d'être exposé à payer deux fois, payer aux mains de Joinetaud, débiteur saisi; mais que les saisies-arrêts mises aux mains de Delouis n'enlevaient pas à Joinetaud le droit de prendre toutes mesures pour la conservation de ses droits contre Delouis; que, spécialement, il lui était loisible de pratiquer à son préjudice des saisies-arrêts, mesures purement conservatoires; qu'il est également en droit de poursuivre la validité de ces saisies-arrêts et, par suite, sinon le paiement effectif, du moins l'attribution à son profit des sommes dues par les tiers saisis, comme aussi de contraindre ces derniers, entre les mains de qui les sommes saisies pouraient péricliter, sinon à les verser entre ses propres mains, du moins à les consigner à la charge des oppositions mises à son préjudice; que, pour éviter les poursuites en validité des saisies-arrêts pratiquées contre lui, Delouis devait donc faire à Joinetaud offres suffisantes à la charge de rapporter mainlevée des saisies-arrêts mises au préjudice de celui-ci et consigner dans le cas où ces mainlevées ne seraient pas rapportées;

Attendu que, si le jugement du 19 janvier 1883 a dit que Joinetaud ne pourrait poursuivre le paiement des condamnations prononcées à son profit qu'à la charge de rapporter mainlevée de la saisiearrêt de Jeannet, cette disposition, sainement interprétée et éclairée d'ailleurs par les motifs du jugement lui-même, n'avait d'autre objet que de prévenir le paiement réel aux mains de Joinetaud au préjudice d'une saisie-arrêt, mais non point de prohiber toutes mesures nécessaires pour assurer ce paiement contre mainlevée de la saisiearrêt on tout au moins la consignation;

Attendu, d'autre part, que les offres faites par Delouis à Joinetaud, suivant procès-verbal de Southon, huissier à Bénévent, en date du 29 janvier 1896, et réitérées sur la barre de la Cour, ne pouvaient entraîner mainlevée des saisies- arrêts mises au préjudice de Delouis; que ces offres d'ailleurs non suivies de consignation, étaient insuffisantes en ce qui concerne tant les intérêts dus que les dépens; que Delouis offrait seulement cinq années d'intérêts courus depuis lors, prétendant que tous intérêts antérieurs aux cinq années arrêtées au jour du commandement étaient atteints par la prescription;

Mais attendu que par exploit de Tancho, huissier à Bénévent, en date du 19 juin 1882, le sieur Jeannet, se prétendant créancier de Joinetaud, avait mis au mains de Delouis saisie-arrêt pour une somme supérieure d'ailleurs à la créance de Joinetaud contre Delouis: que

par exploit du même huissier en date du 27 dudit mois de juin 1882, ladite saisie-arrêt a été denoncée à Joinetaud avec assignation en validité; qu'elle a été enfin contre-dénoncée à Delouis, par exploit du 29 dudit mois de juin 1882; que l'instance en validité n'a point été abandonnée ni périmée, et que c'est seulement à la date du 25 février 1898, que, par arrêt de la Cour de Limoges, mainlevée a été faite de la saisie-arrêt; que la saisie-arrêt, régulièrement dénoncée au débiteur avec assignation en validité, se trouve comprise dans le terme général de saisie » employé par l'art. 2244 du C. civ. et constitue une cause interruptive de la prescription; que la saisie du 19 juin 1882 ne peut perdre sa valeur interruptive parce qu'elle n'émanait pas du créancier lui-même, la loi n'ayant fait à cet égard, aucune distinction; que Jeannet, ayant exercé les droits de Joinetaud, son débiteur, contre Delouis, les a conservés et que la saisie-arrêt du 19 juin 1882 doit tourner au profit du débiteur, comme s'il l'eût faite lui-même; que l'effet interruptif de la prescription a lieu d'ailleurs quant à la prescription de cinq ans à laquelle étaient soumis les intérêts de la créance aussi bien que pour le capital lui-même, encore que la saisie ne portât pas spécialement sur ces intérêts; que, la saisie-arrêt ayant été valablement entretenue jusqu'à la mainlevée provisoire par arrêt du 28 février 1898. et que l'instance introduite en validité du 27 juin 1882 n'ayant pas été prescrite, la prescription des intérêts n'a pu recommencer à courir que depuis ladite mainlevée de 1898, c'est-à-dire depuis moins de cinq ans ; d'où il suit qu'aucuns des intérêts dus et réclamés depuis le 10 juin 1882 n'ont été atteints par la prescription; Que les saisies-arrêts mises en 1888 au préjudice de Joinetaud aux mains de Delouis, qui ont été régulièrement dénoncées avec assignation en validité et contre dénoncées au tiers saisi, l'une à la requête de la veuve Delouis, validée 1892 et subsistaient toujours, les autres levées en 1896 et en 1897 seulement, que les saisies-arrêts mises en 1895 par Joinetaud au préjudice de Delouis, et enfin le commandement du 15 novembre 1895, ont encore conservé les droits du débiteur saisi (Joinetaud) à l'encontre du tiers saisi (Delouis et ont interrompu et empêché de s'accomplir la prescription des intérêts de sa créance; que d'autre part, il résulte des termes des offres qu'elles ne comprenaient pas les frais des saisiesarrêts, puisque, par le même acte, Delouis en demandait non pas seulement la main levée, mais la nullité, ainsi que la condamnation de Joinetaud aux dépens et à des dommages-intérêts; que, sans doute, il n'est pas dès à présent certain que les frais des saisies-arrêts doivent demeurer à la charge de Delouis; mais que la question relative aux frais ne pouvant être tranchée qu'après qu'il aura élé statué sur

les déclarations affirmatives ou négatives à fournir par les tiers saisis consécutivemeut à la décision sur la validité des saisies arrêts, il est évident que Delouis ne pouvait prévenir cette décision qu'à la condition d'offrir et de supporter les frais qui avaient été faits;

Attendu que les saisies-arrêts pratiquées par Joinetaud au préjudice de Delouis doivent donc être validées; et que, par les raisons ci-dessus déduites au sujet de l'insuffisance de ces offres, le moyen de prescription invoqué, tout au moins implicitement, par Delouis, en ce qui concerne les intérêts, ne saurait être accueilli; qu'il y a lieu d'ailleurs, conformément au jugement de première instance de déduire du montant des causes des saisies arrêts, la somme de 128 fr. 60, dont Joinetaud est débiteur envers Delouis, héritier de sa mère, et que Joinetaud a déclaré accepter en compensation ;

Attendu cependant que les saisies- arrêts jetées entre les mains de Delouis au préjudice de Joinetaud s'opposent à ce que, soit le débiteur saisi (Delouis), soit les tiers saisis (Furet, Bouteille et Couthon), à peine d'être exposés à payer deux fois, se libèrent aux mains de Joinetaud tant que lesdites saisies-arrêts n'auront pas été levées; que dès lors, à défaut par Joinetaud d'avoir rapporté main-levée desdites saisies, les tiers saisis devrout consigner à la charge de ces saisies-arrêts les sommes dont ils se déclareraient ou seraient jugés débiteurs envers Delouis;

Attendu, sur les dépens tant de première instance que d'appel, qu'ils doiveut être réservés jusqu'à la déclaratiou des tiers saisis, si elle est acceptée par les parties, ou jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur les contestations auxquelles elles pourront donner lieu, puisqu'alors seulement il sera possible de savoir si les saisies arrêts ont été à bon droit pratiquées, ou si, au contraire, elles n'avaient pas d'objet et étaient frustratoires; qu'il sera ainsi plus utilement apprécié à ce moment si, ainsi que le demande Joinetaud, les dépens devraient lui être allouées tout au moins à titre de dommages-inté- . rêts;

Attendu, en ce qui concerne spécialement la saisie-arrêt mise aux mains de Furet, que, sans attendre le jugement de validité, Furet a, par acte au greffe du Tribunal de Guéret, en date du 21 mai 1895, déclaré qu'il ne devait rien à Delouis; que, toutefois, cette déclaration négative n'a pas été régulièrement notifiée à Joinetaud et que soit que celui-ci doive l'accepter, soit qu'il doive la contester, il n'y a pas lieu de déclarer nulle ladite saisie ni de surseoir au jugement de validité;

Qu'outre que la déclaration de Furet est encore non avenue à

« PreviousContinue »