Page images
PDF
EPUB

Attendu que les mariés Tourret soutiennent que cette contestation n'est pas fondée, le délai prémentionné n'ayant pas couru contre eux, faute d'une notification régulière du jugement et qu'il leur est objecté d'autre part que le moyen par eux soulevé reposant sur une nullité de forme aurait dû être énoncé dans la requête d'opposition; que la nullité invoquée serait donc couverte en admettant qu'elle soit établie et l'exception d'irrecevabilité conserverait ainsi tout son empire;

Attendu que cette objection doit être tout d'abord écartée; que, dans leur requête, quelque soit la valeur des motifs qui y sont indiqués, les mariés Tourret n'avaient qu'à conclure, ce qu'ils ont fait, à la recevabilité de leur opposition; qu'ils n'étaient pas obligés d'invoquer le moyen de forme tiré de l'irrégularité de la notification, tant que la recevabilité de leur opposition n'était pas contestée formellement par leurs adversaires; que ce moyen de nullité n'est en droit qu'une réponse à l'exception d'irrecevabilité et une arme pour faire tomber celle-ci; que cette exception n'a été juridiquement proposé que par les conclusions prises à l'audience du 4 mai courant au nom des intimés; que les appelants doivent donc être admis à justifier la recevabilité de leur opposition à l'aide du moyen par lequel ils combattent l'exception de tardivité qui leur est objectée;

Attendu qu'il est de règle applicable, non seulement dans le cas prévu par l'art. 762 du C. pr. civ., mais dans les instances de droit commun, que lorsqu'une notification est faite à avoué, il en est dressé autant de copies qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct représentées par le même officier ministériel; qu'il en est ainsi lors même que lesdites parties sont des époux ;

Attendu que, dans l'espèce, il convient d'observer que l'action Judiciaire des mariés Vidal a été spécialement dirigée contre la dame Pauline Chivaudel, épouse Tourret en sa qualité de fermière de divers biens ruraux appartenant aux demandeurs ; que le jugement frappé d'appel prononce une condamnation solidaire contre les époux Tourret et que le mari a un intérêt distinct de celui de sa femme en ce sens qu'en supposant même fondés les griefs élevés contre cette dernière, il peut être admis à soutenir qu'il ne doit, en aucun cas, être réputé son codébiteur solidaire ;

Attendu que les considérations ci-dessus déduites justifient la recevabilité de l'opposition des mariés Tourret au jugement de défaut faute de conclure du 2 janvier 1901 ;

Par ces motifs :

Déclare recevable l'opposition des mariés Tourret au jugement de défaut précité ; dit qu'il sera plaidé au fond

à l'audience du 18 mai courant,

REMARQUE. Voy. conf. sur le caractère général de la règle, d'après laquelle il y a lieu, en matière de significations à avoué devant faire courir un délai de recours, de distinguer relativement au nombre de copies à remettre à un avoué, représentant plusieurs parties, suivant que ces parties ont le même intérêt ou ont des intérêts distincts, la remise d'une seule copie à avoué suffisant toujours au premier cas, et la remise d'autant de copies qu'il représente de parties étant, au contraire, au second cas nécessaire: Cass. 15 décembre 1884 (S. 85. 1. 351); Dutruc, Suppl. alphab. aux lois de la proc. de Carré et Chauveau, vo Exploit, n° 80; Rousseau et Laisney, Dict. de proc., eod. v°, nos 471 et 472.

ART. 8827.

TRIB. CIV. DE LA SEINE (7me CH.), 2 février 1901.

1° 2° JUGEMENT PAR DÉFAUT, DÉFAUT PROFIT-JOINT, SECOND JUGEMENT, PARTIE AYANT CONSTITUÉ AVOUÉ AVANT LA JONCTION, DÉFAUT FAUTE DE CONCLURE, OPPOSITION, NON RECEVABILITÉ, CONCLUSIONS AU FOND, FIN DE NON RECEVOIR COUVERTE.

3o EXCEPTION ET FIN DE NON RECEVOIR, COMMUNICATION DE PIÊCÈS, DÉCLINATOIRE D'IMCOMPÉTENCE.

4o COMPÉTENCE DES TRIBUNAUX D'ARRONDISSEMENT, PLURALITÉ DE DÉFENDEURS, DOMICILES DISTINCTS, DEMANDEUR, OPTION, FRAUDE.

1o Le jugement, qui statue après défaut profit-joint, est-il susceptible d'opposition de la part de celles des parties, qui, ayant comparu lors du jugement de jonction, ont fait défaut faute de conclure lors du second jugement ? (non résolu).

20 En tout cas, la fin de non recevoir contre l'opposition formée à ce jugement dans ces conditions, est couverte et ne peut plus être opposée par le demandeur, lorsqu'il a conclu au fond sur cette opposition.

3o Le demandeur, qui sans égard à des conclusions exceptionnelles tendant à communication de pièces, déposées par un défendeur, a requis et obtenu contre celui-ci défaut faute de conclure au fond, est non recevable à se prévaloir ultérieurement desdites conclusions, pour faire écarter comme tardive, faute d'avoir été proposée in limine litis, une exception d'incompétence soulevée par ce même défendeur opposant audit jugement par défaut.

4° La dispostion de l'art. 59 § 2 du C. pr. civ., qui, au cas où il y a plusieurs défendeurs, attribue compétence au tribunal du domicile de l'un d'eux, au choix du demandeur, ne peut être invoquée par le demandeur, qui n'a mis en cause certains défendeurs, ses prête-noms sans intérêl personnel au procès, que pour distraire le véritable défendeur de ses juges naturels.

(Ravel-Dubessy et Ferréol c. Bénard).

[ocr errors]

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu que Bénard a assigné Ferréol, RavelDubessy, Martinier et la dame veuve Guerrin en paiement de la somme de mille francs montant d'un billet à ordre; attendu que, sur cette assignation, Ferréol, Ravel-Dubessy ayant seuls constitué avoué, un jugement de défaut profit-joint a été pris le 10 février 1900 contre Martinier et la dame veuve Guerrin faute par eux d'avoir constitué avoué;

Attendu qu'après réassignation des défaillants il est intervenu, le le 8 avril 1900, un jugement de cette Chambre, lequel, après avoir donné défaut contre Ferréol, Ravel-Dubessy et Depaux-Dumesnil, leur avoué, faute de conclure au fond, a condamné Ferréol, RavelDubessy, Martinier et la dame veuve Guerrin conjointement et solidairement à payer à Bénard la somme de 1000 fr., montant des bilets à ordre dont s'agit avec les intérêts de droit; attendu que RavelDubessy et Ferréol sont opposants au jugement du 7 avril 1900; En la forme : Attendu que Bénard soutient que cette opposition ne serait pas recevable par ce qu'il résulte des termes de l'art. 153. du C. pr. civ. que le jugement rendu après un jugement de défaut profit-joint n'est pas susceptible d'opposition;

Mais attendu que cette fin de non-recevoir contre l'opposition de Ravel-Dubessy et de Ferréol ne peut être proposée par Bénard qui a conclu antérieurement au fond; qu'elle doit donc être rejetée comme tardive, sans qu'il soit nécessaire que, préalablement, Ravel-Dubessy et Ferréol aient demandé acte des conclusions au fond prises par Bénard; que, par le seul fait d'avoir signifié des conclusions au fond, ce dernier s'est trouvé déchu du droit de se prévaloir de la disposition de l'art. 153 du C. de pr. civ.; qu'en conséquence, Ravel-Dubessy et Ferréol doivent être reçus opposants au jugement du 7 avril 1900, leur opposition étant régulière;

Sur la compétence : Attendu que Ravel-Dubessy et Ferréol soutiennent qu'étant domiciliés tous deux à Saint-Etienne, le Tribunal civil de la Seine ne peut connaître de la demande intentée contre eux par Bénard;

Attendu que celui-ci oppose que ce déclinatoire d'incompétence ne serait pas recevable parce que, avant de le proposer, Ravel - Dubessy et Ferréol auraient déposé des conclusions tendant à la communication des pièces; que Bénard se fonde sur l'art. 169 du C. de pr. civ. aux termes duquel l'exception du renvoi doit être soulevée préalablement à toutes autres exceptions et défenses;

Mais attendu qu'il est constant que Ravel-Dubessy et Ferréol n'ont nullement conclu à une communication de pièces dans l'instance qui fait l'objet du débat actuel; que les conclusions exceptionnelles auxquelles Bénard fait allusion, ont été posées à l'audience sur l'avenir donné par l'avoué de Bénard; mais que lesdites conclusions n'ayant point été signifiées à la partie adverse n'ont pas été retenues par le Tribunal; qu'en effet, sur la réquisition de l'avoué de Bénard, défaut a été prononcé par le Tribunal, à la date 7 avril 1900, faute par l'avoué de Ravel-Dubessy et Ferréol d'avoir conclu au fond; qu'ainsi, par suite du jugement de défaut prononcé, les conclusions exceptionnelles dont s'agit se trouvent avoir été mises à néant, qu'elles ne peuvent donc être invoquées comme moyen faisant échec au déclinatoire d'incompétence soulevé;

Attendu que la mention de ces conclusions dans les qualités du jugement du 7 avril 1900 ne peut être opposée à Ravel-Dubessy et Féréol, ces qualités étant exclusivement l'oeuvre de l'avoué de Bénard et ne paraissant pas avoir été réglées; qu'il n'existe donc aucun obstacle rendant Ravel-Dubessy et Ferréol irrecevables à décliner la compétence du Tribunal civil de la Seine;

Attendu que le billet à ordre dont le paiement est réclamé par Bénard a été souscrit le 24 janvier 1897 par Ferréol à l'ordre de Martinier, à l'échéance de fin avril suivant pour solde de tout compte envers Ravel-Dubessy; qu'il a été endossé, le 20 mars 1897, à l'ordre de la veuve Guerrin par Martinier et protesté le 24 mai 1897, à la requête de ladite veuve Guerrin qui l'a passé, après protêt, à l'ordre de Bénard, le 3 mai 1899;

Attendu qu'il est établi par les documents de la cause, que depuis quelques années, divers débats judiciaires ont eu lieu entre RavelDubessy et Ferréol, d'une part, et Martinier, d'autre part; attendu qu'il est constant et qu'il a été déjà jugé que la dame veuve Guerrin n'est que le prête-nom de Martinier; attendu que le même reproche de ne pas être un tiers porteur sérieux peut être adressé à Bénard; qu'il résulte, en effet, des documents de la cause, que le billet dont s'agit n'a été passé à ce dernier par la veuve Guerrin que pour en poursuivre le recouvrement; attendu que les véritables

parties en cause sont donc Martinier et ses deux adversaire RavelDubessy et Ferréol;

Attendu que si Bénard, qui n'est qu'un autre prête-nom de Martinier, a mis en cause celui-ci et la dame veuve Guerrin, lesquels demeurent tous deux à Paris, c'est uniquement pour distraire RavelDubessy et Ferréol, domiciliés à Saint-Etienne, de leurs juges naturels et pour les obliger à plaider devant le Tribunal de la Seine; qu'il y a lieu, par suite, d'admettre l'exception d'incompétence soulevée par ces derniers ;

Par ces motifs ; — En la forme : Reçoit Ravel-Dubessy et Ferréol opposants au jugement rendu par défaut faute de conclure contre eux et leur avoué le 7 avril 1900; déclare Bénard non recevable dans ses conclusions tendant à faire décider que le dit jugement n'est pas susceptible d'opposition; dit que par le seul fait d'avoir signifié ses premières conclusions par lesquels il demandait au fond que RavelDubessy et Ferréol fussent déboutés de leur opposition et condamnés à lui payer la somme de 1,000 fr., Bénard s'est trouvé déchu du droit de se prévaloir, postérieurement, de la disposition de l'art. 153 du C. de pr. civ. ; dit qu'il n'est pas nécessaire qu'avant que Bénard ait conclu à la non recevabilité de leur opposition, Ravel-Dubessy et Ferréol aient demandé préalablement acte des conclusions au fond prises par Bénard; Sur la compétence; déclare Bénard mal fondé dans ses conclusions tendant à faire déclarer Ravel-Dubessy et Ferréol non recevables à décliner la compétence du Trib. civ. de la Seine, en raison de l'existence de prétendues conclusions afin de communication de pièces, l'en déboute; se déclare incompétent; Décharge Ravel-Dubessy et Ferréol des condamnations prononcées contre eux par le jugement sus-énoncé; renvoie la cause et les parties devant les juges qui doivent en connaître ; déclare toutes les parties mal fondées dans le surplus de leurs conclusions, les en déboute; condamne Bénard aux dépens.

[ocr errors]

MM. Turcas prés. ; Regnault subst. ; Villetard de Prunières et Henri Thiéblin av.

REMARQUE. I. Sur le premier point, non résolu par le jugement ci-dessus: Voy. dans le sens de la négative, c'est-àdire de la non recevabilité de l'opposition, de la part de tous les défendeurs, les nombreuses autorités citées, J. Av., t. 125, p. 149, art. 8587.

II. Sur le deuxième point: La Cour de Cassation s'est prononcée dans le même sens, le 1er juillet 1834 (S. 34. 1.520). III. La décision du jugement sur le troisième point est, tout au moins, logique. Le demandeur n'avait, en effet, pu

« PreviousContinue »