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Attendu, dès lors, que l'action en désaveu intentée par Jean-Baptiste Grimaldi contre l'huissier Brethons et les consorts de Chauton est recevable et en même temps fondée, puisqu'il n'est pas établi que l'aveu émane du désavouant; qu'il y a lieu de l'accueillir, et qu'aux termes de l'art. 360 du C. pr. civ., cette admission du désaveu doit avoir pour conséquence de remettre le désavouant et les consorts de Chauton au même et semblable état que si la partie de l'assignation désavouée et le jugement du 13 août, qui s'y appuie, n'existaient pas ; Sur la demande reconventionnelle en dommages intérêts formée par Brethons :

Attendu que, lorsque l'huissier Brethons a reçu l'original et la copie de l'assignation, ces pièces étaient accompagnées d'une lettre en date à Paris du 7 mai 1898, par laquelle, le signataire Grimaldi, 4, rue Saint-Martin (Versailles) l'invitait à délivrer l'assignation à Mme de Chauton dans le plus bref délai ; que cette signature et cette adresse, rapprochées du nom et de l'adresse du requérant de l'exploit, ont donné à l'huissier la conviction que cette lettre émanait bien de Jean-Baptiste Grimaldi, officier d'administration, demeurant, 4, rue Saint-Martin, à Versailles, où il lui avait déjà écrit le 3 avril précédent pour lui envoyer, au nom de son prédécesseur, la citation en conciliation et le procès-verbal de non conciliation, en réclamer le coût et se recommander à lui; que cette conviction devint d'autant plus solide que, le 10 mai, Brethons ayant écrit à M. Grimaldi, officier d'administration, 4, rue Saint-Martin (Versailles), pour, en lui accusant réception de sa lettre du 7 et des pièces y jointes, lui réclamer 12 fr. 40, montant de l'exploit signifié la veille, ne tardait pas à recevoir cette somme;

Attendu cependant, que cet envoi et la lettre émanaient seulement de Ferdinand Grimaldi qui, pour n'avoir pas à justifier de son mandat et endormir toute défiance de la part de l'huissier, avait eu, lui qui signe habituellement F. Grimaldi », la supercherie de prendre, en la circonstance, la signature « Grimaldi » tout court, de son mandant, en y ajoutant l'adresse exacte de ce dernier ;

Attendu que cette manœuvre dolosive, pratiquée par Ferdinand Grimaldi, même dans l'exécution de son mandat simple, a eu pour effet d'empêcher l'huissier de soumettre à Jean-Baptiste Grimaldi, afin de s'assurer de son approbation, les documents qu'il croyait tenir directement de lui et l'a induit fatalement, malgré sa bonne foi et sa correction parfaites, en une erreur inévitable, cause de l'action en désaveu, laquelle est toujours blessante pour le caractère d'un officier ministériel et lui occasionne un réel préjudice ;

Attendu que, par cette même raison pour laquelle, aux termes de l'art. 1384 du C. civ., le commettant est responsable des fautes de son préposé dans l'exercice de son ministère, le mandant, qui a eu le tort de mal placer sa confiance, est aussi responsable du dommage occasionné à des tiers de bonne foi par le dol ou la simple faute de son mandataire dans l'exécution de son mandat; Laurent (Dr. civ. français, t. 28, p. 55); Cass. 4 décembre 1899, (D. P. 1900, 1. 14), et qu'il y a eu lieu, par suite, de condamner Jean-Baptiste Grimaldi, à réparer le préjudice dont a souffert l'huissier Brethons;

Sur les dépens: Attendu qu'étant donné les considérations cidessus, il échet encore de laisser tous les dépens à la charge du demandeur;

-

< Par ces motifs ; Donne acte à Jean-Baptiste Grimaldi de ce que, par acte au greffe portant la date du 24 mars 1900, il a déclaré restreindre à la seule partie indiquée dans ce document, de l'exploit signifié le 9 mai 1898 à Mme de Chauton, le désaveu que, par autre acte au greffe, en date du 4 janviet, même année, il avait précédemment tranché contre l'huissier Brethons; admet et déclare valable le désaveu ainsi restreint; En conséquence, dit que cette partie dudit exploit en sera et demeurera retranchée et plus spécialement la phrase incidente: « lorsqu'il réclama de ce dernier l'affectation hypothécaire desdits immeubles pour assurer le paiement des 22,000 fr.»; déclare, par suite, annulé et comme non avenu le jugement du 13 août 1898, tout au moins dans ses dispositions, motifs ou considérants relatifs aux chefs qui ont donné lieu au désaveu ; remet les parties, c'est-à-dire Jean-Baptiste Grimaldi, Mme veuve de Chauton et les époux de Tavernier et de Cardaillac, au même et semblable état où elles seraient si la partie de l'assignation désavouée, le jugement précité ou ses dispositions qui s'y appuient, n'existaient pas ; Reconventionnellement, condamne Jean-Baptiste Grimaldi à payer à Brethons, à titre de dommages-intérêts, la somme de 300 fr; et laisse les entiers dépens de l'instance à la charge dudit JeanBaptiste Grimaldi.

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REMARQUE. I. La jurisprudence et la doctrine admettent actuellement unanimement et sans difficulté, que les huissiers sont, comme les avoués, soumis au désaveu, dans les cas prévus en l'art. 352 du C. pr. civ. Voy. en ce sens notamment Trib. civ. Seine 20 décembre 1873 (J. Av., t. 99, p. 416); Dijon 1er juillet 1874 (id., t. 100, p. 453); Chambéry, 9 août 1876 (id., t. 102, p. 106); Bourbeau, Théorie de la proc. civ., t. 5, p. 265; Rodière, Compétence et procédure, t. 2, p. 415; Boitard, Colmet-Daage et Glasson, Leçons de proc., t. 1, n° 359; Deffaux et Harel, Encyclop. des huiss., v° Désaveu

d'officier ministériel, no 7 et Suppl., eod. verb., nos 2, 8 et suiv. Garsonnet. Traité théorique et pratique de procédure, t. 2, § 372. p. 643.

II.

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Voy. conf. sur le deuxième point les auteurs et les arrêts conf. rappelés dans les motifs du jugement reproduit suprà. Adde en ce qui concerne spécialement l'admissibilité du désaveu malgré que la bonne foi de l'officier ministériel désavoué ne soit et même ne puisse être incriminée par le désavouant: Alger 31 octobre 1899 (J. Av., t. 125 p. 171).

III. Compar. sur le troisième point: Trib. civ. Seine 20 décembre 1873, déjà cité sur le premier point.

ART. 8714.

TRIB. CIV. DE BÉZIERS, 21 juillet 1900.

FRAIS ET DÉPENS, TAXE, ORDONNANCE DE TAXE, FOorme, ÉNONCIATIONS.

La taxe des états de frais des officiers ministériels, telle que les art. 4 et 5 du décret du 16 février 1807 prescrivent aux magistrats de l'établir, ne doit contenir l'indication d'aucun motif à l'appui, ni aucune mention autre, au bas de l'état de frais taxé, que du montant de la taxe; le juge taxateur doit se borner pour chaque article à l'expression « taxé, et pour le montant total à la seule mention « taxé à la somme de »; toute autre mention doit être considérée comme nulle et non avenue.

LE TRIBUNAL; exprimée :

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(Me Rieussec c. X...)

...

En ce qui touche la manière dont la taxe a été Attendu que l'état de frais dont s'agit au procès porte de la main de M. Gassaud, juge taxateur, la mention suivante : « taxé à la somme de 25 fr. 08, pour être inséré au jugement d'adjudication et sans que la présente taxe puisse former titre distinct du jugement > ;

Attendu qu'aux termes de l'art. 4 du décret du 16 février 1807, le juge chargé de liquider les frais doit « taxer » chaque article en marge de l'état, « additionner le total et le signer »;

Attendu qu'aux termes de l'art. 5 du même décret « le montant » de la taxe doit être porté au bas de l'état de frais et signé du juge qui a procédé à la taxe ;

Attendu que, en s'exprimant ainsi, le législateur a manifesté très clairement sa volonté d'exclure toute indication de motifs à l'appui de la taxe, comme toute mention autre que le montant de cette taxe, au bas de l'état de frais; que le juge taxateur doit donc se borner

pour chaque article à l'expression « taxé » et pour le montant total à la seule mention : « taxé à la somme de... » ;

Attendu, dès lors, que la mention ci-dessus relatée et ajoutée par le juge au montant de la taxe de l'état de Me Rieussec, ne pouvait y être inscrite au vœu de la loi ; qu'elle est contraire à l'esprit comme au texte du décret du 16 février 1807; qu'à bon droit, d'ailleurs, cette mention est considérée par ledit Me Rieussec comme portant atteinte à sa dignité d'officier ministériel et doit à tous égards ètre considérée comme nulle et non avenue;

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.....

Par ces motifs; Reçoit en la forme Me Rieussec opposant à la taxe à lui délivrée par M. Gassaud juge du siège dans la vente dont s'agit; Et faisant droit à l'opposition; dit et juge: 1o........... 2o que la mention émanée du juge taxateur et mise au bas de l'état de frais doit être restreinte au montant total de la taxe et à la signature; dit, en conséquence, que tout le surplus sera considéré comme nul et non avenu; Condamne enfin la partie de Me Azéma aux dépens. M. Varenne, prés.

ART. 8715

TRIB. CIV. DE PERPIGNAN, 21 Décembre 1900. AVOUÉ, HUISSIER, FRAIS, COMPTE, RÈGLEment, prescrIPTION

BIENNALE.

La prescription de deux ans des art. 2273 et 2274 du C. civ. ne s'applique que dans les rapports entre les clients et leurs hommes d'affaires; elle ne peut être invoquée dans un règlement de compte entre avoué et huissier, à raison de relations d'affaires ayant existé entre eux, à l'occasion de l'exercice de leur ministère, dans l'intérêt de leur clientèle respective.

LE TRIBUNAL;

(Jammet c. Trilles).

Attendu que l'opposition de Trilles au jugement de défaut du 27 novembre 1899 est régulière et, partant, recevable ; Au fond, attendu que l'exception de prescription proposée par Trilles est irrecevable ; qu'en effet, la prescription des art. 2263 et 2274 du C. civ. ne s'applique qu'aux rapports entre les clients et leurs hommes d'affaires, mais ne saurait être invoquée à raison de relations d'affaires ayant existé entre un avoué et un huissier à l'occasion de l'exercice de leur ministère, dans l'intérêt de leur clientèle respective;

Attendu, en effet, que de telles relations comportent d'ordinaire une sorte de compte courant et qu'elles exigent de part et d'autre une mutuelle confiance, inconciliable avec la possibilité de recourir à la prescription; qu'il convient donc de rejeter l'exception proposée en maintenant le jugement entrepris et en condamnant Trilles aux dépens;

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Par ces motifs; Déclare l'opposition susvisée de Trilles régulière et recevable; – dit et juge que cette opposition est injustifiée et que l'exception de prescription proposée est irrecevable; ce faisant, déboute Trilles de ces conclusions et de son opposition; ordonne que le jugement entrepris sortira son plein et entier effet; condamne Trilles à payer à M. Jammet la somme de 318 fr. 75 et intérêts de droit, et le condamme en outre aux dépens.

M. Unal, prés.

REMARQUE. Voy. dans ie même sens: Trib. civ. de Pontoise 9 mai 1889 (J. Av., t. 115 p. 406.), Sic: Dutruc, Traité abrégé des dépens frais et honoraires et de la taxe en matière civile, commerciale el criminelle, no 1125 Contra. Grenoble 7 mars 1887 (Bull. de la taxe, t. 7, p. 72).

-

De très nombreuses décisions ont d'ailleurs également décide que dans un réglement de compte entre avoué et huis. sier, la prescription annale de l'art. 2272 du C. viv. est également inopposable par l'avoué à l'huissier. Voy. notamment : Aix 20 décembre 1861 (J. Av., t. 88, p. 232) et la note; Trib. civ. de Tours 12 février 1868 (id. t. 93, p. 320).

DOCUMENTS LÉGISLATIFS

ART. 8716

LOI relative à l'amnistie (1).

Le Sénat et la Chambre des Députés ont adopté : Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article premier.

Amnistie pleine et entière est accordée, à raison des faits se rattachant à l'affaire Dreyfus, antérieurs à la promulgation de la présente loi et qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice définitive avant cette promulgation. Sont exceptées, toute

(1). J. offi. du 28 décembre 1900.

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