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taine de la prononciation du jugement, prescrite par l'art. 449 du C. pr. civ.,ne doit pas recevoir son application;

Attendu, en effet, que le légistateur dispose, dans la première partie de l'article précité, que les jugements rendus en vertu de la présente loi sont susceptibles d'appel selon les règles du droit commun», règles auxquelles il n'est ensuite dérogé qu'en ce qui concerne la durée du délai d'appel et le point de départ de ce délai dans la double hypothèse, où le jugement est contradictoire ou rendu par défaut;

Attendu qu'en se référant aux règles du droit commun, il n'a pu viser les exceptions à ces mêmes règles, telles que celles résultant des dispositions spéciales du Code de procédure civile relatives aux appels des décisions rendues en matière d'ordre et de distribution par contribution;

Attendu qu'il n'y a pas lieu non plus d'établir une distinction entre les jugements interlocutoires et les jugements définitifs, distinction qui n'est point établie dans l'art. 451 du C. pr. civ., pas plus que dans l'art 17 où les jugements sont simplement classés en jugement contradictoires et en jugements de défaut;

Attendu qu'il est constant, en fait, que l'appel du jugement interlocutoire rendu par le Tribunal civil de Toulouse, le 10 novembre 1900, a été notifié à la requête de Saint-Martin au sieur Besset, le 17 du même mois, c'est-à-dire avant l'expiration de la huitaine et alors que ledit jugement n'avait pas été suivi d'un commencement d'exécution; que, dès lors, cet appel est irrecevable, en conformité des prescriptions de l'arte 449 du C. pr. civ.;

Par ces motifs, déclare l'appel interjecté par Saint-Martin envers le jugement rendu par le Tribunal civil de Toulouse, le 10 novembre 1900, non recevable et le condamne à l'amende et aux dépens. MM. Naudin prés. ; Taudon av. gén., Demiau et Laumont-Pey

ronnet av.

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REMARQUE. La question, tranchée dans un sens par les Cours de Paris et de Nancy, et en sens diamétralement opposé par la Cour de Toulouse, dans les espèces ci-dessus reproduites, est donc, on le voit, controversée. La Cour de Lyon, le 5 novembre, et la Cour de Grenoble, le 14 novembre 1900, s'étaient déjà prononcées dans le même séns que la Cour de Toulouse, en reconnaissant, par conséquent, que l'art. 17 de la loi du 9 avril 1898 n'exclut pas, en la matière spéciale qu'il régit, l'application de l'art. 449 du C. pr. civ. (J. Av., t. 126, p. 8). Il semble d'ailleurs que cette controverse ne doive pas être de longue durée, et qu'une heureuse intervention législative la fera, en effet, bientôt cesser. La

chambre des députés s'est, en effet, émue déjà des difficultés si graves, qui peuvent naître de l'incertitude sur la solution, que comporte une question aussi éminemment pratique, et dans sa séance du 5 février elle a adopté, avec déclaration d'urgence, une proposition de loi, aux termes de laquelle le § 1 de l'art. 17 de la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail serait modifié comme suit: « Les jugements rendus << en vertu de la présente loi seront susceptibles d'appel « selon les règles du droit commun. Toutefois l'appel, sous « réserve des dispositions de l'art. 449 du C. pr. civ. devra «< être interjeté dans les trente jours de la date du jugement, << s'il est contradictoire, et, s'il est par défaut, dans la quin«zaine du jour où l'opposition ne sera plus recevable ». L'art. 449 serait ainsi reconnu applicable à la matière, mais le délai de l'appel, dont le point de départ resterait fixé au jour de la prononciation du jugement, pour les jugements contradictoires, se trouvant prolongé etporté de quinze jours à un mois, les parties succombantes auraient ainsi un délai suffisant pour former leur recours. On peut espérer que le Sénat à qui le projet a été immédiatement transmis ne lui refusera pas une prompte approbation.

ART. 8722

ROUEN (1re CH.), 1er août 1900.

ORDRE, ORDRE JUDICIAIRE, ORDRE AMIABLE, règlement défiNITIF, CHOSE JUGÉE, DOT, INALIENABILITÉ, COLLOCATION, deMANDE EN RESTITUTION, REJET.

En matière d'ordre judiciaire, le procès-verbal, qui a arrêté et liquidé une créance, rend définitives toutes les collocations qui y sont faites, et la clôture de l'ordre, sans opposition de ceux qui y ont été parties, acquiert toute la force de la chose jugée, soit sur la légitimité de la créance colloquée, soit sur le rang assigné à cette créance.

D'ailleurs le règlement d'ordre aimable, tel qu'il a été organisé par l'art. 751 du C. pr. civ., et qui emprunte à l'autorité du juge, qui y a procédé, le caractère d'une décision judiciaire, jouit à cet égard de la même stabilité que l'ordre judiciaire.

Dès lors, le principe de l'inaliénabilité du fonds dotal, si absolu qu'il soit, ne pouvant échapper aux conséquences de la chose jugée, une femme dotale n'est pas recevable à agir contre un de ses créanciers, définitivement colloqué dans un ordre, ouvert et clos sur le prix d'un immeuble dotal, en restitution des sommes que ce créancier a touchées en vertu de ladite collocation, en se fondant sur ce que l'hypothèque, qui a motivé la collocation

dont s'agit, aurait été consentie en dehors des cas, dans lesquels l'art. 1558 du C. civ. autorise exceptionnellement et limitativement l'aliénation des immeubles dotaux.

(Époux de la Londe c. Allais).

Le 24 novembre 1899, jugement du tribunal civil de Rouen, ainsi conçu : LE TRIBUNAL;

<< Attendu qu'aux termes de leur contrat de mariage, les époux de La Londe avaient adopté le régime dotal avec societé d'acquêts et que la dame de La Londe s'était constituée en dot tous ses biens présents et à venir;

Attendu que, depuis son mariage, la dame de la Londe a recueilli dans la succession de sa mère divers immeubles ;

Attendu que, suivant jugement rendu sur requête par le Tribunal de Rouen, le 20 février 1884, la dame de La Londe a été autorisée à emprunter 140,000 fr. pour payer divers créanciers, à hypothéquer ses biens propres lui provenant de sa dot ou des successions de ses parents, et à subroger les prêteurs dans l'effet de son hypothèque légale sur les biens de son mari ;

Attendu qu'en 1886, les immeubles dotaux ont été expropriés et que les prix de vente ont été touchés, partie par des créanciers de la succession de Mme de Longuerue, mère de la demanderesse, partie par les bailleurs de fonds dans l'emprunt autorisé par le jugement du 20 février 1884;

Attendu que la dame de La Londe prétend aujourd'hui que l'autorisation par elle obtenue de justice lui ayant été accordée en dehors des cas prévus par la loi, les constitutions d'hypothèques consenties sur ses biens dotaux ainsi que la subrogation à son hypothèque légale sont nulles et de nul effet ; qu'en conséquence, elle serait fondée à demander que les prix de vente de ses immeubles lui soient restitués avec les intérêts depuis leur distribution; qu'à ces fins, elle a, par exploit en date du 11 janvier 1899,{assigné le sieur Allais devant ce tribunal en restitution d'une somme de 23,343 fr. 13 en principal, qu'il a touchée sur le prix des immeubles vendus en 1886 ;

Attendu qu'aux prétentions de la dame de La Londe, le sieur Allais, l'un des bailleurs de fonds dans l'emprunt autorisé par jugement du 20 février 1884, oppose tout d'abord une fin de non-recevoir basée sur ce que l'aliénation des immeubles et l'attribution des prix ont eu lieu en conformité de décisions judiciaires, auxquelles s'attache l'autorité de la chose jugée;

Sur cette exception :

Attendu, en fait, que la somme touchée

par Allais lui a été attribuée par collocation dans les ordres ouverts à Dieppe et à Rouen sur le prix des immeubles dotaux ayant appartenu à la dame de La Londe ; qu'il échet de décider si la demanderesse est aujourd'hui recevable à critiquer la collocation résultant du règlement définitif de procédures d'ordre closes en 1888;

Attendu, en effet, que la dame de La Londe, prétendant avoir été illégalement autorisée à hypothéquer ses immeubles à la garantie d'emprunts par elle contractés, en déduit la nullité des inscriptions prises sur ses biens, et, par voie de conséquence nécessaire, la nullité des ordonnances de clôtures des ordres ouverts sur les prix d'adjudication de ses immeubles ;

Attendu que si, en règle générale, la femme dotale est fondée à demander en tout état de cause la nullité d'une autorisation, ayant pour effet de porter atteinte à ses droits dotaux, si cette autorisation lui a été illégalement accordée, il en est autrement si la femme est dans un cas spécialement visé par la loi formant exception à la règle et constituant un obstacle légal à l'exercice de son action en nullité ; Attendu qu'au moment de la saisie de ses immeubles la dame de La Londe pouvait utilement intervenir, soit pour demander la nullité de la saisie en vertu de l'art. 728 du C. pr. civ., soit après l'adjudication et l'ouverture de l'ordre, (art. 755 et suiv. du même Code);

Mais attendu que ces articles n'ont pas seulement pour effet d'habiliter la femme dotale, même non séparée de biens à se défendre contre la saisie de ses immeubles et la distribution de leur prix, mais qu'en outre, ces mêmes textes contiennent une injonction aux intéressés de toute qualité de présenter leurs moyens dans un délai déterminé sous peine de déchéance de toute action ultérieure ;

Attendu que ces dispositions de la loi reposent sur un motif d'ordre public; que la procédure d'ordre a été constituée pour régler définitivement les droits des créanciers inscrits, et que si les délais impartis par les art. 728, 755 et suiv. du C. pr. civ. n'étaient pas imposés à peine de forclusion, les effets de l'ordre pourraient demeurer infiniment en suspens, ce qui est inadmissible;

Attendu que la doctrine et de nombreux arrêts admettent également que l'état des collocations non contredit ne peut plus être modifié, et est opposable même aux femmes mariées relativement à leurs biens dotaux.

Attendu qu'en l'espèce, l'action introduite par la dame de La Londe est tardive, qu'elle n'a pas été intentée dans les délais impartis par la loi à peine de déchéance; qu'elle doit être déclarée non recevable; Attendu, en conséquence, qu'il n'y a pas lieu d'examiner si l'auto

risation d'emprunter et hypothéquer obtenue par la dame de La Londe lui a été régulièrement et légalement accordée;

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«Par ces motifs : Déclare l'action de la dame de La Londe non recevable, la rejette; condamne la dame de La Londe aux dépens ». Appel par les époux de La Londe.

ARRÊT.

LA COUR ; Attendu que les époux de La Londe, excipant de l'inaliénabilité dotale, ont introduit contre Allais une demande en restitution: 1o d'une somme de 25,584 fr. montant de la collocation faite au profit de Allais dans l'ordre amiable ouvert à Rouen en 1888 pour la distribution du prix de la vente des immeubles dotaux de la dame de La Londe; 20 d'une autre somme de 2,759 fr. 13, à raison de laquelle Allais a encore été colloqué en sous ordre sur la collocation de la dame de La Londe, dans l'ordre judiciaire ouvert à Dieppe pour la distribution du prix de la vente des immeubles du sieur de La Londe, lesdites collocations établies en vertu, la première, d'une affectation hypothécaire, la seconde d'une subrogation dans les effets de l'hypothèque légale, consenties l'une et l'autre par la dame de La Londe avec l'autorisation de la justice et conformément à un jugement sur requête rendu par la chambre des rapports du Tribunal de Rouen le 20 février 1884 :

Attendu que les époux de La Londe, après avoir poursuivi l'exécution de ce jugement d'autorisation et obtenu contre le notaire chargé de l'emploi des fonds une condamnation au paiement de la somme de 48,000 fr., soutiennent aujourd'hui que l'autorisation était nulle comme ayant été accordée en dehors des cas prévus par l'art. 1558 du C. civ., et que cette nullité entraînant la rescision des affectations hypothécaires et des subrogations consenties au profit d'Allais, celui-ci est tenu de restituer les sommes par lui touchées, et sans que la dame de La Londe, en s'abstenant d'invoquer ces différentes nullités, ait pu compromettre le fonds dotal; qu'il s'agit de savoir si la loi, protectrice du droit des femmes dotales, peut aller jusqu'à autoriser de pareilles combinaisons et légitimer des demandes aussi contraires à la bonne foi et à l'équité;

Attendu que le principe de l'inaliénabilité du fonds dotal, si absolu qu'il soit, ne saurait échapper aux conséquences de la chose jugée; que tout d'abord et en matière d'ordre judiciaire, il apparaît que le procès-verbal qui a arrêté et liquidé une créance rend définitives toutes les collocations qui y sont faites, et que la clôture de l'ordre, sans opposition de ceux qui y ont été parties, acquiert toute la force

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