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MESSAGE du Président de la République Française, à l'Ouverture du Sénat convoqué pour délibérer sur le rétablissement de l'Empire.-St. Cloud, le 4 Novembre, 1852.

MESSIEURS LES SENATEURS,

La nation vient de manifester hautement sa volonté de rétablir l'empire. Confiant dans votre patriotisme et vos lumières, je vous ai convoqués pour délibérer légalement sur cette grave question et vous remettre le soin de régler le nouvel ordre de choses. Si vous l'adoptez, vous penserez sans doute, comme moi, que la Constitution de 1852 doit être maintenue, et alors les modifications reconnues indispensables ne toucheront en rien aux bases fondamentales.

Le changement qui se prépare portera principalement sur la forme, et cependant reprendre le symbole Impérial est pour la France d'une immense signification. En effet, dans le rétablissement de l'empire, le peuple trouve une garantie à ses intérêts et une satisfaction à son juste orgueil: ce rétablissement garantit ses intérêts en assurant l'avenir, en fermant l'ère des révolutions, en consacrant encore les conquêtes de 89. Il satisfait son juste orgueil, parce que, relevant avec liberté et avec réflexion ce qu'il y a 37 ans l'Europe entière avait renversé par la force des armes au milieu des désastres de la patrie, le peuple venge noblement ses revers sans faire de victimes, sans menacer aucune indépendance, sans troubler la paix du monde.

Je ne me dissimule pas néanmoins tout ce qu'il y a de redoutable à accepter aujourd'hui et à mettre sur sa tête la Couronne de Napoléon; mais mes appréhensions diminuent par la pensée que, représentant à tant de titres la cause du peuple et la volonté nationale, ce sera la nation qui, en m'élevant au trône, se couronnera elle-même.

Fait au Palais de Saint Cloud, le 4 Novembre, 1852.

SENATUS-CONSULTE portant Modification à la Constitution de la République Française.—St. Cloud, le 7 Novembre, 1852.

LE Sénat a délibéré, conformément aux Articles XXXI et XXXII de la Constitution, et voté le Sénatus-Consulte dont la teneur suit:

ART. I. La dignité impériale est rétablie.

Louis-Napoléon Bonaparte est Empereur des Français, sous le nom de Napoléon III.

II. La dignité impériale est héréditaire dans la descendance directe et légitime de Louis-Napoléon Bonaparte, de mâle en mâle,

par ordre de primogéniture, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

III. Louis-Napoléon Bonaparte, s'il n'a pas d'enfants mâles, peut adopter les enfants et descendants légitimes, dans la ligne masculine, des frères de l'Empereur Napoléon I.

Les formes de l'adoption sont réglées par un Sénatus-Consulte.

Si, postérieurement à l'adoption, il survient à Louis-Napoléon des enfants mâles, ses fils adoptifs ne pourront être appelés à lui succéder qu'après ses descendants légitimes.

L'adoption est interdite aux successeurs de Louis-Napoléon et à leur descendance.

IV. Louis-Napoléon Bonaparte règle, par un décret organique adressé au Sénat et déposé dans ses archives, l'ordre de succession au trône dans la famille Bonaparte, pour le cas où il ne laisserait aucun héritier direct, légitime ou adoptif.

V. A défaut d'héritier légitime ou d'héritier adoptif de LouisNapoléon Bonaparte, et des successeurs en ligne collatérale qui prendront leur droit dans le décret organique susmentionné, un Sénatus-Consulte proposé au Sénat par les Ministres formés en Conseil de Gouvernement, avec l'adjonction des Présidents en exercice du Sénat, du Corps Législatif et du Conseil d'Etat, et soumis à l'acceptation du peuple, nomme l'Empereur et règle dans sa famille l'ordre héréditaire de mâle en mâle, à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

Jusqu'au moment où l'élection du nouvel Empereur est consommée, les affaires de l'Etat sont gouvernées par les Ministres en fonctions, qui se forment en Conseil de Gouvernement et délibèrent à la majorité des voix.

VI. Les membres de la famille de Louis-Napoléon Bonaparte appelés éventuellement à l'hérédité, et leur descendance des 2 sexes, font partie de la famille Impériale. Un Sénatus Consulte règle leur position. Ils ne peuvent se marier sans l'autorisation de l'Empereur. Leur mariage fait sans cette autorisation emporte privation de tout droit à l'hérédité, tant pour celui qui l'a contracté que pour ses descendants.

Néanmoins, s'il n'existe pas d'enfants de ce mariage, en cas de dissolution pour cause de décès, le Prince qui l'aurait contracté recouvre ses droits à l'hérédité.

Louis-Napoléon Bonaparte fixe les titres et la condition des autres membres de sa famille.

L'Empereur a pleine autorité sur tous les membres de sa famille; il règle leurs devoirs et leurs obligations par des statuts qui ont force de loi.

VII. La Constitution du 14 Janvier, 1852, est maintenue dans toutes celles de ses dispositions qui ne sont pas contraires au présent

Sénatus Consulte; il ne pourra y être apporté de modifications que dans les formes et par les moyens qu'elle a prévus.

VIII. La proposition suivante sera présentée à l'acceptation du peuple Français dans les formes déterminées par les Décrets des 2 et 4 Décembre, 1851:

"Le peuple Français veut le rétablissement de la dignité Impériale dans la personne de Louis-Napoléon Bonaparte, avec hérédité dans sa descendance directe, légitime ou adoptive, et lui donne le droit de régler l'ordre de succession au trône dans la famille Bonaparte, ainsi qu'il est prévu par le Sénatus Consulte du 7 Novembre, 1852."

Fait au Palais du Sénat, le 7 Novembre, 1852.

Ont signé :

M. MESNARD, Premier Vice-
Président;

M. DROUYN DE LHUYS, Vice-
Président;

M. TROPLONG, Vice-Président;
M. BABAGUEY D'HILLIERS, idem;
M. le Comte D'HAUTPOUL,

Grand Référendaire ;

M. le Baron DE LACROSSE, Sec-
rétaire du Sénat;

M. CAMBACERES, Secrétaire;
M. REGNAUD DE SAINT-JEAN-

D'ANGELY, idem;

M. le Comte DE LA RIBOISIERE,

Vice-Secrétaire;

Son Eminence le Cardinal DE
BONALD ;

Son Eminence le Cardinal
MATHIEU;

Son Eminence le Cardinal
GOUSSET;

Son Eminence le Cardinal DU
PONT;

Son

Eminence le Cardinal
DONNET;

M. le Maréchal REILLE;
M. le Maréchal VAILLANT;
M. l'Amiral DE MACKAU.

M. le Comte SIMEON, Vice-Sec-
rétaire ;
MM. le Général Baron ACHARD, le Comte D'ARGOUT, le Marquis
G. D'AUDIFFRET, le Général DE BAR, le Marquis DE BARBANCOIS,
le Comte de BEAUMONT, le Prince DE BEAUVAU, le Marquis DE
BELBEUF, BINEAU, H. BOULAY (de la Meurthe), le Comte DE
BRETEUIL, le Comte DE CASABIANCA, le Comte DE CASTELLANE,
le Vice-Amiral CASY, le Comte DE CAUMONT-LAFORCE, le Comte
FRANCOIS CLARY, Marquis DE CROIX, Baron de CROUSEILHES, le
Comte N. CURIAL, DUMAS, le Baron CHARLES DUPIN, ELIE DE
BEAUMONT, ACHILLE FOULD, le Baron DE FOURMENT, J. E.
GAUTIER, ERNEST DE GIRARDIN, DE GOULHOT DE SAINT-
GERMAIN, le Marquis DE LA GRANGE, Baron de HEECKEREN, le
Vice-Amiral HUGON, le Général HUSSON, le Baron CH. DE
LADOUCETTE, le Général Vicomte DE LA HITTE, le Marquis DE
LAVESTINE, LOUIS LEBEUF, H. LEFEBVRE-DURUFLE, le Comte
LE MAROIS, le Comte L. LEMERCIER, le Général LEROY DE SAINT-
ARNAUD, M. J. LE VERRIER, le Général MAGNAN, MANUEL (de la
Nièvre), MARCHAND (Nord), A. MIMEREL DE ROUBAIX, le Duc

DE MORTEMART, L. MURAT, le Général Comte ORDENER, le Général Comte ORNANO, le Général Duc DE PADOUE, le ViceAmiral F. PARSEVAL, le Baron PELET, le Baron PETIT, Général PIAT, le Général Duc de PLAISANCE, L. POINSOT, Marquis DE PORTES, LE P. Comte PORTALIS, Général DE PREVAL, Général Duc DE SAINT-SIMON, CH. SAPEY, le Général Comte SCHRAMM, Comte DE SEGUR-D'AGUESSEAU, Monseigneur l'Archevêque SIBOUR, AM. THAYER, A. E. THIBAUDEAU, Ct. duc DE VICENCE, N. VIEILLARD, BERTHIER Prince DE WAGRAM.

Le présent Senatus-Consulte sera promulgué et scellé du sceau de l'Etat.

Fait au Palais de Saint Cloud, le 7 Novembre, 1852.
Par le Prince Président:

LOUIS-NAPOLEON.

Le Ministre d'Etat, ACHILLE FOULD.

DECRET du Président de la République Française, convoquant le Peuple Français dans ses Comices, pour prononcer sur le rétablissement de la Dignité Impériale.-St. Cloud, le 7 Novembre, 1852.

LOUIS-NAPOLEON, Président de la République Française,
Vu le Sénatus Consulte de ce jour;

Sur le rapport du Ministre Secrétaire d'Etat au Département de l'Intérieur,

DECRETE:

ART. I. Le peuple Français est convoqué dans ses comices, les 21 et 22 Novembre présent mois, pour accepter ou rejeter le projet de plébiscite suivant:

"Le peuple Français veut le rétablissement de la dignité Impériale dans la personne de Louis-Napoléon Bonaparte, avec hérédité dans sa descendance directe, légitime ou adoptive, et lui donne le droit de régler l'ordre de succession au trône dans la famille Bonaparte, ainsi qu'il est dit dans le Sénatus-Consulte de ce jour."

II. Sont appelés à voter tous les Français âgés de 21 ans, jouissant de leurs droits civils et politiques.

III. Ils devront justifier, soit de leur inscription sur les listes électorales actuelles, soit de l'accomplissement, au 22 Novembre, de la condition d'âge fixée par les Décrets du 2 Février, 1852.

IV. Les électeurs momentanément absents de leur domicile, à raison de leurs fonctions ou de leurs affaires, seront admis à voter dans le lieu actuel de leur résidence, en justifiant qu'ils sont inscrits sur la liste électorale de leur commune.

V. Seront rayés des listes électorales les noms des individus

décédés ou atteints de jugements emportant incapacité, aux termes des Décrets du 2 Février, 1852.

VI. Les listes électorales revisées seront publiées et affichées dans chaque commune le 15 Novembre.

Les réclamations à fin d'inscription ou de radiation seront portées directement devant le juge de paix et jugées jusqu'au 20 inclusivement.

Seront admis à voter jusqu'au 22 Novembre les citoyens porteurs d'une décision du juge de paix qui ordonnerait leur inscription.

VII. Le scrutin sera ouvert dans chaque commune pendant les journées des 21 et 22 Novembre, depuis 8 heures du matin jusqu'à 6 heures du soir.

Le vote aura lieu au scrutin secret, par oui ou par non, au moyen d'un bulletin manuscrit ou imprimé.

VIII. Les électeurs des armées de terre et de mer voteront sous la présidence du chef le plus élevé en grade dans le lieu de leur résidence, au moment du vote. Les états-majors et les équipages des bâtiments en partance pourront voter avant leur départ.

IX. Le recensement des votes de chaque département sera fait par une commission de 3 membres du Conseil Général désignés par le préfet.

X. Le recensement général des votes aura lieu au sein du Corps Législatif.

XI. Le Minstre Secrétaire d'Etat au Département de l'Intérieur est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait au Palais de Saint Cloud, le 7 Novembre, 1852. Par le Prince Président :

LOUIS-NAPOLEON.

Le Ministre Secrétaire d'Etat au département de l'intérieur,
F. DE PERSIGNY.

MESSAGE du Président de la République Française, à l'Ouverture du Corps Législatif.—St. Cloud, le 25 Novembre, 1852.

MESSIEURS LES DEPUTES,

JE vous ai rappelés de vos départements pour vous associer au grand acte qui va s'accomplir. Quoique le Sénat et le peuple aient seuls le droit de modifier la Constitution, j'ai voulu que le corps politique issu comme moi du suffrage universel vînt attester au monde la spontanéité du mouvement national qui me porte à l'Empire. Je tiens à ce que ce soit vous qui, en constatant la liberté du vote et le nombre des suffrages, fassiez sortir de votre déclaration toute la légitimité de mon pouvoir. Aujourd'hui, en effet, déclarer que l'autorité repose sur un droit incontestable, c'est lui donner la force nécessaire pour fonder quelque chose de durable et assurer la prospérité du pays.

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