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Malheureusement le tannin de palétuvier donne aux cuirs une couleur rouge très prononcée qui fait rejeter ces cuirs sur les marchés d'Europe. Comme il est très difficile de décolorer ces tannins, l'exploitation des palétuviers ne pourra être entreprise en grand que lorsque, à l'imitation de ce qui se passe en Amérique, les cuirs rouges seront acceptés sur nos marchés.

L'autre méthode pour l'exploitation du tannin contenu dans les végétaux consiste en la fabrication d'extraits. Cette fabrication résoudrait en partie la question du fret : comme on ne transporte plus que les matières utiles, on pourrait exploiter un plus grand nombre de végétaux à teneur en tannin plus faible, mais pouvant donner des cuirs de bonne qualité. Malheureusement la fabrication des extraits, sans être difficile, est encore assez délicate et demande à être conduite avec soin pour être économique. De plus, le manque de tonneaux en bois pour le transport des extraits serait dans beaucoup de cas sinon un empêchement, du moins une gêne très grande. Ce serait donc à tous les points de vue une industrie nouvelle à étudier, et à créer aux colonies.

Paul AMMANN,

Ingénieur Agronome,

Chef du service chimique au Jardin colonial.

Bulletin du Jardin colonial,

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NOTES

NOTE SUR UNE FLORAISON DE BAMBOUS

FLORAISON DE l'Arundinaria Simoni AU JARDIN COLONIAL

Il y a quelques mois, en août dernier, M. le Dr. F.-H. Forel, professeur à l'Université de Lausanne, a publié un intéressant article1 sur la floraison du Bambusa gracilis, Hort. S, dans plusieurs localités de la Suisse. C'est qu'en effet, lorsqu'une espèce de Bambou se met à fleurir, sans que quoi que ce soit ait annoncé ou fait prévoir cette floraison, on voit quelquefois, à des intervalles de plusieurs dizaines d'années, qui ne se répètent d'ailleurs pas exactement et, aussi parfois, pendant plusieurs années de suite, toutes les tiges d'une même touffe, toutes les touffes d'un même jardin, d'une même contrée et d'un même pays, touffes souvent séparées par des distances considérables, se mettre à fleurir en même temps. Ces plantes qui jusqu'à leur floraison avaient grandement contribué à la décoration de nos jardins et de nos parcs, prennent immédiatement un aspect mort qui persistera tant que leurs tiges resteront dressées. Celles-ci ne tarderont pas à se casser et à barrer le sol dans tous les sens, à des hauteurs variables, rendant toute circulation à peu près impossible sur le terrain qu'elles couvrent.

Ce que nous constatons sur des plantes peu nombreuses, presque isolées, est tout à fait frappant lorsque l'on se trouve en présence d'une forêt de bambous qui sont en fleurs ou qui viennent de fleurir.

Cela me remet en mémoire un spectacle fort curieux dont furent témoins les membres de la mission J. Dybowski dans l'Afrique centrale, vers le 7o de latitude nord et entre le 17° et le 18° de longitude est, en octobre 1891, et que le chef de mission a rapporté en ces termes 2:

1. Revue Horticole de l'Algérie, no 10, 9° année octobre 1905.

2. La route du Tchad. Paris, 1893.

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Rameau d'Arundinaria Simoni, après plusieurs mois de floraison.

« Mais, après quatre kilomètres rapidement franchis, les herbes deviennent plus hautes et recouvrent un grand nombre de perches gisant sur le sol ou enchevêtrées les unes dans les autres et main

tenues quelquefois à plusieurs décimètres au-dessus du sol; je les examine et, non sans une très grande surprise, je constate que ce sont des bambous ; puis bientôt je vois quelques touffes de cette plante encore sur pied, mais desséchées. Les tiges ont de 15 à 18 mètres de haut; elles se sont abattues sur le sol et forment comme un immense jeu de jonchets au milieu duquel on a toutes les peines à marcher. Il faut lever les pieds, enjamber; on s'accroche, on tombe et on n'avance qu'au prix d'une réelle fatigue. Puis nous tombons dans une région où tous les bambous sont vivants. Ce sont des plantes superbes. Les touffes ont 6 à 8 mètres de diamètre et les brins s'élancent en une gerbe haute et élégante et s'infléchissent en des courbes gracieuses.

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Les bambous dont il est question, au début de cet extrait, avaient fleuri un certain temps auparavant et l'on voyait déjà, au milieu des tiges mortes, un jeune peuplement de jeunes bambous âgé d'environ 2 ans, c'est-à-dire correspondant à la floraison des pieds-mères.

Les graines de certaines espèces de bambous sont comestibles; non seulement elles peuvent servir pour la nourriture de la volaille mais aussi pour celle de l'homme. On a pu observer, dans l'Inde, que dans les années de disette, si une floraison de bambou se produit, les graines sont largement utilisées, à l'égal du riz, pour l'alimentation des habitants dans les contrées pauvres où les récoltes habituelles ont fait défaut.

Dans un autre cas, les graines de bambous sont indirectement la cause de grands désastres, ainsi que le rapporte M. le Dr Forel. Les années où ces plantes fructifient, leurs graines peuvent être si abondantes que les rongeurs rats, souris, etc., se nourrissent facilement et abondamment. Cet excès de nourriture fait qu'ils se multiplient énormément; l'année suivante, ne trouvant plus cette nourriture exceptionnelle, ils se jettent sur les récoltes et détruisent les céréales des plantations. La famine qui survient de ce fait est, dans ce cas, la conséquence de la fructification abondante des bambous. Dans le courant de l'été dernier on a pu constater, au Jardin colonial, la floraison de plusieurs touffes d'Arundinaria Simoni A. et Ch. Rivière, originaire de la Chine.

Cette floraison a duré plusieurs mois, de mars à décembre au

1. Oxytenanthera abyssinica.

moins, et a fait prendre aux plantes un aspect tel que nous nous sommes vus dans la nécessité d'en faire arracher la plupart. Il est à noter qu'au Jardin colonial l'Arundinaria Simoni a porté tant de graines que des bandes de moineaux se trouvaient constamment dans le voisinage immédiat des plantes, et semblaient se nourrir presque exclusivement de leurs semences.

Nous devons rappeler que le bambou dont il s'agit a fleuri plusieurs fois ailleurs, en 1902 et 1903, et que les observations qui ont été faites à ce moment par M. Ed. Bureau, sont relatées dans le Bulletin du Muséum d'histoire naturelle, no 8, année 1903.

La floraison de cette espèce semble donc être assez fréquente et se produire à des intervalles très rapprochés dans un même pays.

C. CHALOT,

Professeur à l'École supérieure d'Agriculture coloniale.

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