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Exposition nationale d'agriculture coloniale

1905

Rapport sur la classe II.

3o SECTION

Animaux invertébrés (Insectes utiles et nuisibles, Crustacés, Mollusques producteurs de nacre, Collections entomologiques et malacologiques, etc.).

Parmi les différentes sections que comportait la classe II bis, celle de la Sériciculture et celle des Insectes nuisibles se distinguaient par la richesse de leurs collections et l'intérêt des documents qu'elles offraient au visiteur. L'Apiculture par contre n'était représentée que par un très petit nombre d'exposants et si l'on excepte celle du Rucher-École, leurs expositions étaient de faible importance. La section des Crustacés et Mollusques utilisés dans l'industrie n'occupait qu'un emplacement très

restreint.

Je passerai en revue, dans ce rapport, chacune des sections représentées à l'Exposition coloniale, en proportionnant autant que possible les développements dans lesquels j'entrerai, à l'importance ou à l'intérêt de chacune d'entre elles. M. Prudhomme, Directeur de l'Agriculture de Madagascar, m'a libéralement communiqué toutes les données qu'il a réunies sur la Sériciculture dans cette colonie. M. Fleutiaux m'a fourni d'intéressants renseignements sur les insectes nuisibles et sur l'apiculture. Je tiens à remercier l'un et l'autre pour l'obligeant et précieux concours qu'ils ont bien voulu m'accorder.

SERICICULTURE

Tandis que la France tient la tête au point de vue de l'industrie des soieries et laisse loin derrière elle, à cet égard, les autres nations européennes, les conditions économiques ont voulu que, malgré le perfectionnement des méthodes employées pour augmenter les rendements, elle se soit laissé distancer par l'étranger comme productrice de la matière première. Aujourd'hui la France ne récolte plus le tiers des cocons qu'elle

récoltait en 1850 et sa production de soie est devenue très inférieure à celle que nécessitent les filatures de notre pays. L'industrie des soieries françaises exige en effet tous les ans 4.500.000 kilos de matières premières (soie grège) alors que le rendement de notre territoire est actuellement tombé à un chiffre inférieur à 500.000 kilos. Tout le reste vient de l'étranger, soit sous forme de cocons, soit sous forme de soies grèges, de soies sauvages ou de déchets.

L'Italie et l'Extrême-Orient profitent principalement du débouché qui résulte pour la sériciculture de cette inégalité existant dans notre pays entre la production de la matière première et celle des soieries.

Il est naturellement indiqué de faire bénéficier de cet état de choses nos colonies dont le climat et les conditions économiques se prêtent à l'élevage des vers à soie. Parmi elles, l'Indo-Chine et Madagascar tiennent une place importante, et doivent, en raison de l'intérêt de leur exposition, retenir notre attention.

Madagascar.

Le grand développement donné à l'exposition de sériciculture de Madagascar est en rapport avec l'extension rapide, qui a été prise par cette industrie depuis quelques années, dans notre colonie, grâce au grand courant de vulgarisation créé en sa faveur par M. Prudhomme, directeur de l'Agriculture, et grâce aux services qui ont été organisés par ses soins pour étudier et mettre en valeur les richesses séricicoles de la grande île africaine.

Des conditions favorables de premier ordre désignaient Madagascar comme un pays d'avenir au point de vue de la sériciculture. Là, en effet, les difficultés si grandes que l'on rencontre dans d'autres colonies et qui résultent de la nécessité d'introduire une culture et une industrie nouvelles n'existaient pas. Le mûrier connu des indigènes sous le nom de landikely, a été depuis longtemps importé et l'élevage des vers à soie y est anciennement connu; le climat se prête de plus admirablement à l'industrie séricicole, le mûrier y présente une très grande rusticité et le Bombyx mori s'y élève avec la plus grande facilité. Enfin l'importante récolte de soie sauvage que fournit la chenille Landibé (Borocera Madagascariensis) et qui, sans grand travail, peut être recueillie dans les forêts, constitue un avantage qui mérite d'être pris en sérieuse considération.

C'est pour tirer tout le parti possible de cet ensemble de conditions. favorables et pour donner à la sériciculture tout le développement dont elle était susceptible, que le général Galliéni créa en 1901 le Service de sériciculture. Ce service, à l'organisation duquel M. Prudhomme consacra toute son activité, comporte les opérations effectuées par la Station

d'Essais de Nanisana, l'enseignement essentiellement pratique donné par deux écoles, l'une séricicole annexée à cette station, l'autre professionnelle existant à Tananarive, enfin des tournées séricicoles celles-ci ont pour but la création et l'organisation de mûraies nouvelles dépendant des villages, la vulgarisation des méthodes de la sériciculture, l'inspection des magnaneries et l'encouragement à la culture du mûrier ou à l'élevage par la distribution de primes aux indigènes.

La station d'essais de Nanisana comprend une magnanerie d'études qui comporte environ 500 mètres carrés de claies, des champs de culture et d'expériences. Elle s'occupe de toutes les questions intéressant la sériciculture et son personnel y poursuit toutes les recherches qui peuvent contribuer à son développement et à ses progrès dans la grande île africaine. La pratique du grainage cellulaire, pour faire face aux demandes de cessions de cellules préparées suivant la méthode Pasteur, tient également une place importante dans ses attributions.

La station, dès le début de son installation, s'est préoccupée de propager la culture du mûrier, et on lui doit l'introduction de plusieurs espèces nouvelles (mûrier multicaule, mûrier des Philippines, mûrier du Tonkin, mûrier blanc, envoyés par M. Maxime Cornu), ainsi que la distribution d'une grande quantité de graines, plantes et boutures de différentes espèces de végétaux servant à l'alimentation des chenilles séricigènes. Ce dernier service a pris aujourd'hui une grande importance et, en 1904, près de 12.000 plants de mûrier et plus de 2.000 boutures étaient distribués par les soins de la Station.

Les champs de culture comprennent actuellement plusieurs mûraies occupant une surface de plus de 3 hectares, qui continuent à s'étendre, et qui sont utilisées aussi bien pour l'approvisionnement des magnaneries, que pour des expériences culturales. Ils comprennent, en outre, des terrains destinés à la culture des plantes servant à l'alimentation du Landibé et notamment de l'Ambrevade (Cajanus indicus).

On peut dire que la prospérité de l'industrie séricicole dépend dans une large mesure des conditions dans lesquelles le grainage est effectué; or, avant l'organisation du service actuel de sériciculture, le sélectionnement des graines avait été si complètement négligé par les Malgaches qu'il était impossible de se procurer dans l'île des graines de bonne qualité, et il en résultait que les cocons produits par les indigènes étaient tellement défectueux que l'on pouvait les considérer comme un déchet de qualité bien inférieure à celle des plus mauvaises éducations européennes.

Il importait donc au plus haut point, pour assurer l'avenir séricicole du pays, de préparer en quantité suffisante une graine irréprochable, de la distribuer aux indigènes et de vulgariser les méthodes du grainage. Cette tâche incombait à la station séricicole. Elle entreprit la sélection métho

dique des diverses races existant à Madagascar et fit venir en même temps de France des graines de variétés univoltines qui, au moyen d'éducations successives et sous l'influence du climat, ne tardèrent pas à être transformées en races polyvoltines. Ces deux voies permirent d'obtenir des variétés bien adaptées au pays, produisant une graine à éclosion spontanée et régulière et donnant des cocons de très belle qualité.

Ce furent ces variétés sélectionnées qui furent entretenues par la Station d'essais, pour assurer la production de la graine, et celle-ci fut ellemême exclusivement préparée suivant les principes du grainage cellulaire afin d'éliminer les germes de la pébrine.

Toutes les cellules produites à Nanisana sont mises gratuitement à la disposition des personnes qui en font la demande; depuis le début des distributions (mai 1902 jusqu'au 1er avril 1904, le service de sériciculture a produit et livré plus de 25.000 cellules sélectionnées suivant la méthode Pasteur et l'on constate que les Malgaches, méfiants au début, apprécient de plus en plus les avantages résultant de l'emploi pour leurs éducations de la graine produite par la Station de Nanisana; aussi ceux qui s'adressent à elle deviennent-ils de plus en plus nombreux.

L'école séricicole annexée à la Station est avant tout une institution d'apprentissage professionnel, dont les élèves sont exercés à tous les travaux intéressant la culture du mûrier et l'élevage des vers à soie. Elle comprend une magnanerie d'études, un atelier de dévidage et un village séricicole; ce dernier est formé par les logements des élèves (20 ménages) et par les petites magnaneries destinées aux éducations particulières de chaque pensionnaire.

La collection présentée au Jardin colonial de Nogent-sur-Marne, comporte une série complète d'échantillons de toutes les éducations faites à Nanisana; elle est exactement semblable à celle qui figure à la Station de Madagascar, permet de suivre les progrès réalisés pour chaque race mise à l'étude et retrace en quelque sorte à nos yeux l'histoire de l'évolution de la sériciculture dans notre colonie.

Ou sait que les vers à soie de Chine ont été introduits à Madagascar par Jean Laborde vers le milieu du siècle dernier; mais les indigènes avaient laissé dégénérer ces vers à un tel point que les cocons formés d'une paroi soyeuse très mince et peu résistante ne donnaient plus qu'un faible rendement. Des spécimens de ces cocons qui ont été conservés par la Station de Nanisana et qui sont exposés au Jardin Colonial, forment un contraste frappant avec ceux qu'on obtient aujourd'hui à l'aide des variétés sélectionnées par le service séricicole.

Les variétés qui sont actuellement utilisées par la Station de Nanisana viennent pour la plupart de graines nouvellement introduites d'Europe; contrairement à ce que l'on pourrait croire, les races d'Europe, bien

qu'univoltines, sont en effet susceptibles de donner à Madagascar de bons résultats dans un temps relativement court. Au début, elles éclosent d'une manière très irrégulière; mais ces inégalités d'éclosions cessent au bout de six ou sept générations et peu à peu, sous l'influence du climat, les vers de race primitivement univoltine deviennent régulièrement polyvoltins: il suffit d'un an et demi pour que cette transformation s'opère d'une façon complète.

Les races dites indigènes qui offrent l'avantage d'une rusticité plus grande ont été aussi utilisées par la Station et leurs produits ont été grandement améliorés par la sélection.

Parmi les cocons exposés, on remarque ceux appartenant aux variétés suivantes :

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Le Blanc de Turquie est une variété envoyée par le Jardin Colonial, qui donne de très gros cocons de couleur blanche très légèrement verdâtre, fournissant au dévidage une soie d'un blanc éclatant; cette variété est en outre caractérisée par ses œufs non adhérents, de telle sorte que le grainage ne peut se faire qu'à l'intérieur de sacs et non sur des carrés de toile, comme il se fait le plus souvent.

La

race Bionne pure, introduite du Gard par M. Agniel et transformée en race polyvoltine, a donné d'excellents résultats; elle doit être placée en tête de toutes les variétés élevées à Nanisana sous le rapport du rendement à la dévideuse un kilo de 525 cocons frais donne 92 grammes de soie grège. Cette race offre toutefois l'inconvénient d'être un peu plus délicate que les autres; aussi est-elle plus recommandable pour les éleveurs européens que pour les indigènes.

Les races école professionnelle provenant de graines données par l'école de Tananarive sont remarquables par leur rusticité et leur résistance aux maladies; elles donnent, en outre, surtout la race jaune mat, un excellent rendement.

Les races de Sabotsy proviennent de graines indigènes sélectionnées. Les remarques auxquelles peuvent donner lieu les éducations de vers à soie aux environs de Tananarive ont été enregistrées sur d'intéressants tableaux récapitulatifs qui ont été exposés par la Station de Nanisana. Les

1. En réalité importées, mais avant l'occupation européenne.

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