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chages sont donc les rudiments naturels de la maison en pierre ou de la maison en bois, et en général de toute construction; aussi, retrouve-t-on assez facilement la trace de ces essais primitifs dans les chefs-d'œuvre mêmes de l'architecture actuelle; de plus, le jour où ce premier abri a été formé a dû être un jour heureux, car l'homme a dû tressaillir de joie en pensant que la femme pourrait peut-être accoucher dans la douleur, mais que l'enfant naîtrait à couvert et pousserait ses premiers vagissements dans cette douce quiétude que lui donnaient le père et la mère, et que la nature lui avait refusée. (Approbation.)

Un vase en poterie, conservé à Londres, au British Museum, et ayant servi primitivement d'urne cinéraire, nous donne (fig. 1) un spécimen

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authentique et fort curieux des cabanes des aborigènes du Latium. Ce vase fut découvert, en 1817, avec plusieurs autres qui avaient la forme de temples, de casques, etc., à Marine, près de l'ancienne Albe-la-Longue : il était fixé dans une sorte de terre blanche, sous une couche épaisse de cette lave volcanique (en italien peperino) qui sortait du mont Albain, à l'époque où ses éruptions n'étaient pas encore éteintes; on doit donc, avec Visconti (), reconnaître à ces vases une haute antiquité.

Quelques indications de branches, disposées en saillies et dessinant une sorte de charpente, des jambages de porte, une saillie de socle, montrent déjà, dans cette cabane primitive, des éléments de construction et de décoration que la suite des temps conservera sous la forme de la hutte des charbonniers, ou perfectionnera de mille manières différentes.

Nous mettrons en regard de cette habitation champêtre la reproduction d'une autre urne cinéraire étrusque (fig. 2), remontant, elle aussi, à

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(1) Lettera al Sign. Giuseppe Carnevali, etc., Roma, 1817. D'après le Dict. des Antiq. rom. de RICH, trad. par CHERUEL, Paris, 1859, casa.

une grande antiquité (1). Cette dernière nous reproduit, sans qu'il y ait beaucoup à les modifier, les données d'un édicule, véritable temple pri

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mitif, construit en pierre, avec charpente en bois, et déjà décoré de chapiteaux sculptés; seulement son affectation funéraire se trahit par l'absence de porte.

Mais ce second type appartient plutôt à l'histoire de l'architecture qu'à celle de l'habitation proprement dite, et tous deux viennent de l'Italie et des environs de Rome, cette terre classique et privilégiée où devaient un jour se fondre tous les éléments de la civilisation antique.

Il est, en revanche, dans les pays du nord de l'Europe, un autre type qui exerça une grande influence sur les peuples septentrionaux, influence restée vivace chez quelques-uns d'entre eux et qui a fourni au savant professeur suédois Sven Nilsson, dans son étude sur les habitants primitifs de la Scandinavie (2), des aperçus et des rapprochements extrêmement cu

rieux.

Ce type est la caverne, servant à la fois d'habitation et je dirai de tombeau; car si les vivants n'habitaient pas avec les morts, les hommes de cette époque aménageaient de la même façon la caverne dans laquelle ils vivaient avec leur famille et leurs troupeaux, et celle dans laquelle ils enterraient leurs parents.

Étant donné un massif de roche tendre, nous y trouvons une allée couverte semblable au dolmen dit druidique, et d'environ 6 mètres de longueur. Prise peut-être dans une anfractuosité naturelle que l'on a dû agrandir, cette allée conduit presque toujours à une salle rectangulaire, dont la longueur est environ du triple de la largeur, et dans ces salles souterraines, nombreuses en Scandinavie, étaient disposés parfois des

(1) MICALI, Mon. per serv. alla stor. dei pop. ital., Florence, 1832, pl. LXXII. Dict. des Antiq. gr. et rom. de SAGLIO, Paris, 1873, fig. 333.

(2) L'âge de la pierre, trad. du suédois, Paris, 1868, ch. iv, pl. XIV.

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D'après le

squelettes qui, suivant les époques, étaient assis, accroupis ou couchés : leurs différentes positions sont même, pour la science, un indice qui permet d'attribuer les ensevelissements à une époque plus ou moins reculée.

Dans les cavernes situées sous les collines voisines et où l'on reconnaît le travail de l'homme à ce que l'entrée a été régularisée et la grande salle du fond quelque peu équarrie, on a trouvé des débris de cuisine, quelquefois un trou percé en biais au travers du monticule et destiné à laisser échapper la fumée; là était l'habitation (fig. 3), et l'illustre archéologue ajoute que,

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à notre époque, les Esquimaux se servent encore de pierres sèches, dont ils bouchent les interstices avec de la terre humide, pour construire des cavernes factices, aux murs desquelles ils donnent l'épaisseur suffisante à les garantir du froid; le sol en est fait de branchages et de peaux de renne, sur lesquels ils mettent de la terre, et ils ménagent au plafond un orifice pour laisser échapper la fumée du fourneau central. De petites cloisons à hauteur d'homme (ils ne sont pas grands) permettent d'isoler, à droite, une pièce pour les femmes, à gauche, une pièce pour les hommes; l'entrée, servant de salle commune, est précédée de cette allée qui sert de vestibule.

Ainsi il y a déjà trois et même quatre parties dans ces cavernes : le vestibule, la salle commune, l'appartement des hommes, l'appartement des femmes. Quant au mobilier, il consiste dans quelques bancs adossés aux murs, et sur lesquels on se couche après avoir étendu des peaux de renne.

Telle est l'habitation de l'Esquimau moderne, telle était l'habitation et aussi la sépulture des peuples primitifs de la Scandinavie, il y a plusieurs milliers d'années. Mais si ce sont là les constructions préhistoriques du nord de l'Europe, notre génie moderne, à nous peuples du centre et du midi de l'Europe, peuples de race aryenne et d'éducation gréco-romaine,

s'est développé dans un autre milieu, sous un autre climat et avec d'autres traditions.

Nous ne verrons done pas chez nos ancêtres aryens, en dehors des temples souterrains ou des sépultures de l'Inde et de l'antique Égypte, la caverne naturelle ou factice se perpétuer comme type d'habitation privée, et, aussi loin que peut remonter l'archéologie du bassin méditerranéen. elle nous montrera un immense progrès réalisé. Effectivement, tandis que les peuples du Nord parcouraient ces grandes étapes de l'âge préhistorique qui ont nom l'âge de pierre, l'âge de bronze, l'âge de fer, et qui se prolongèrent jusqu'au vin et au 1x siècle de notre ère, pour ne céder la place à l'ère réellement historique que lors de la conversion totale de ces nations au christianisme; chez les peuples du Midi, au contraire, dans ce grand bassin de la Méditerranée, vers l'Orient, florissaient d'immenses empires, tels que l'Assyrie et l'Égypte; la Phénicie étendait au loin, de l'Est à l'Ouest, ses comptoirs de commerce, et, dans les îles de l'Archipel ou sur les rivages méridionaux de la Grèce et de l'Italie, de la Gaule et de l'Espagne, les premiers germes de la civilisation hellénique avaient créé tout un monde industriel et même artistique, de beaucoup en avance sur ce monde ou plutôt sur ce flot de populations dont les invasions barbares avaient inondé le nord-ouest de l'Europe.

Dans ce bassin oriental de la mer intérieure, comme l'appelaient les anciens à si juste titre, une île de l'Archipel, sorte de Pompéi antéhistorique, nous a conservé la disposition d'une habitation dont M. Fouqué, aujourd'hui professeur du Collège de France et alors qu'il n'était encore, y a douze ans, qu'élève de l'École française d'Athènes, a publié le plan dans les Archives des missions scientifiques (1), en y joignant les détails de tous les objets qui s'y trouvaient.

il

Les archéologues sont aujourd'hui d'accord, par l'étude du sol volcanique de la baie de Santorin, pour attribuer à cette habitation de l'île de Thérasia une antiquité de près de deux mille ans sur notre ère chrétienne. c'est-à-dire pour admettre qu'elle aurait existé mille ans avant l'époque où généralement on place la chute de Troie et les poèmes d'Homère, l'Iliade et l'Odyssée. Et cependant cette maison antéhistorique est déjà suffisante pour les besoins de notre époque, et, dans les pays où l'on trouve la pierre et le bois à bon marché, dans certaines parties du centre de la France, par exemple, les petits fermiers pourraient la réaliser et la réalisent, car elle répond parfaitement aux exigences de leur exploitation : c'est ce que l'on pourrait appeler une petite métairie.

Les études de M. Fouqué lui ont fait reconnaître une vaste area d'une

(1) II° série, t. IV, 1867, p. 230 et suiv.

forme bizarre, mais qui n'est pas plus irrégulière que nous ne verrons tout à l'heure le plateau formant l'acropole de l'île d'Ithaque où s'élevait le palais d'Ulysse. Comme au moyen âge, les anciens ont bien souvent conservé la disposition des lieux, en s'efforçant d'en tirer un heureux parti. C'est à l'une des extrémités de cette enceinte que l'on a fouillé une habitation, distante d'environ 4 pieds des substructions d'un mur extérieur, et l'on y a découvert (fig. 4) des salles ayant ceci de particulier

que

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des ouvertures percées sur cette espèce de fossé peuvent être considérées comme des fenêtres; à l'opposé, une ouverture descendant plus bas indique bien une porte; d'autres portes de communication sont à l'intérieur, et enfin, dans la plus grande pièce, -de forme régulière et qu'il devait être assez difficile, à cause de ses dimensions (environ six mètres sur cinq mètres), de couvrir, une pierre s'élève du sol à une hauteur de près d'un mètre et est entourée de branches d'arbre carbonisées, dont la disposition montre que sur cette pierre s'élevait une sorte de colonne probablement en bois recevant les abouts de ces branches, et qu'ainsi ce support unique portait une sorte de charpente grossièrement assemblée. Je ne dirai pas que c'était là une salle royale; mais c'était un grand vestibule, une pièce commune dans cette demeure où d'autres plus petites servaient à l'habitation privée. Rappelons encore que, dans deux des petites salles voisines, des trous disposés dans les murs à 2 mètres environ du sol, et formant une sorte d'encastrement où l'on ne voit plus que des cendres ou de la sciure de bois, permettent bien de croire à l'existence d'un plancher.

Ainsi près de deux mille ans peut-être avant notre ère, les peuples de l'Archipel étaient arrivés à un degré de civilisation assez avancé pour avoir su utiliser le support isolé, colonne ou pilier en pierre ou en bois; pour avoir su créer au-dessus une sorte de charpente primitive, comble ou

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