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nesse va à l'école. Il y a des poètes comme Homère, des orateurs comme Démosthène. Cela empêche-t-il qu'il y ait des hommes de science? Il suffit, pour répondre à cette question, de nommer Platon et Pythagore.

Donc, j'en conclus que tant vaut la masse, tant vaut l'élite d'une Société. Notre XIX siècle marche à pas de géant : nous avons Lavoisier qui crée la chimie, Daguerre qui invente la photographie; nous avons Arago, Leverrier, et cela ne nous empêche pas de saluer Victor Hugo. Oui, notre siècle est un beau siècle; oui, nous sommes dans une bonne position; mais soignons l'éducation, travaillons, instruisons-nous; disons-nous, puisque les grandes découvertes attendent leur jour et leur place, qu'il y a autant de mérite à préparer ces découvertes qu'à les faire, et préparonsen! (Vifs applaudissements.)

La séance est levée à 4 heures 20 minutes.

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PAR M. ANTOINE BREGUET,

INGÉNIEUR-CONSTRUCTEUR, ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE.

BUREAU DE LA CONFÉRENCE.

Président :

M. Félix LE BLANC, professeur à l'École Centrale des Arts et Manufactures.

Assesseurs :

MM. J. ARMENGAUD, ingénieur civil, ancien élève de l'École Polytechnique; LAISANT, député;

TRESCA, membre de l'Institut.

La séance est ouverte à 2 heures 10 minutes.

M. Félix LE BLANC, président. La séance est ouverte. Je donne la parole à M. Antoine Breguet.

M. A. BREGUET :

Mesdames, Messieurs,

Lorsqu'on soulève un corps au-dessus de terre, on lui donne par cela même le pouvoir d'effectuer un certain travail. Si je porte ce poids de 1 kilogramme à 1 mètre de hauteur, il est certain que, par sa chute, il sera capable d'accomplir des effets mécaniques tels que: déplacement

d'un levier, enfoncement d'un piquet, déformation d'un milieu résistant, etc. Cette capacité de travail que j'ai donnée au poids par sa seule élévation a reçu le nom d'énergie.

L'énergie se présente à nous dans la nature sous des formes singulièrement diverses. Tantôt c'est la pesanteur, comme dans l'exemple que je viens de citer, qui agit sur les corps pour leur fournir l'énergie du mouvement. Tantôt c'est la chaleur qui leur donne la faculté d'engendrer du travail, comme le combustible d'une machine à vapeur oblige en définitive un arbre de couche à tourner sur lui-même malgré les grandes résistances qu'on lui oppose. Tantôt c'est l'élasticité: un ressort plus ou moins bandé permet de réaliser des appareils moteurs dont les montres et les pendules sont les exemples les plus communs.

Le magnétisme et l'électricité sont encore deux formes particulières de l'énergie. Lorsqu'on a aimanté une barre d'acier, on lui donne le pouvoir d'attirer à elle une masse de fer qui peut atteindre, suivant les conditions, à un poids considérable. Un morceau d'ambre, électrisé par friction, possède, vous le savez tous, la remarquable propriété de concentrer sur sa surface les corps légers qui se trouvent dans son voisinage immédiat. C'est même par cette expérience qu'a débuté la science de l'électricité, dont le nom n'est autre chose qu'une forme francisée du nom grec de l'ambre.

Toutes les espèces d'énergie, dont j'ai cité seulement un petit nombre, peuvent d'ailleurs se résoudre les unes dans les autres. Un exemple simple vous le fera comprendre. Rappelez-vous le météore appelé vulgairement étoile filante. C'est un composé minéral complexe, circulant dans les espaces interplanétaires et animé d'une vitesse considérable. Lorsqu'il vient par hasard, si je puis employer ce mot dans une conférence scientifique, lorsqu'il vient par hasard, dis-je, à rencontrer notre atmosphère, celle-ci

oppose à son mouvement une résistance énorme. Sa vitesse se ralentit. Sous forme de chemin parcouru, l'énergie a donc subi une diminution; mais pourtant elle n'a pas disparu : rien ne se perd dans la nature. Elle s'est seulement transformée. En effet, si nos yeux peuvent nous faire assister à ce beau phénomène; si le météore est pour nous devenu étoile, c'est qu'il s'est rapidement échauffé jusqu'à l'incandescence, et nous retrouvons là en chaleur l'équivalent du mouvement perdu. Allons plus loin, supposons que ce projectile extraordinaire soit constitué par du fer et que, pendant sa chute, il passe auprès d'une de ces lignes télégraphiques qui bordent nos grandes routes. Sa vitesse encore une fois sera ralentie, si peu, il est vrai, que des mesures directes seraient impuissantes à le constater, mais il suffit que la théorie nous l'affirme. Qu'est devenue alors la portion d'énergie correspondante? Un courant a pris naissance dans le fil, sous l'influencedu trouble local qu'a subi le magnétisme terrestre, et le travail que peut produire ce courant est exactement égal à la différence de celui qu'effectue

rait le météore si la ligne télégraphique n'existait pas, et de celui qu'il effectue en présence de cette même ligne. Si cette égalité n'est pas rigoureuse, l'excès se retrouvera sous forme de chaleur dans le circuit électrique.

Mais il n'est pas indifférent de produire l'énergie sous une forme ou sous une autre, suivant les besoins auxquels on doit satisfaire. En hiver, lorsqu'il fait froid, l'énergie de mouvement serait inutile; c'est sous forme de chaleur qu'elle doit être recherchée. Si l'on veut se transporter d'un point à un autre, on utilise, pour la locomotion, l'énergie de mouvement. Sous sa forme électrique, l'énergie possède une qualité très précieuse, celle de cheminer dans certains milieux avec une extrême rapidité, et sans perte bien sensible. Ces milieux sont en général métalliques, et l'on dit, pour cette raison, que les métaux sont bons conducteurs de l'électricité. Par conséquent, l'électricité est le mode d'énergie le plus propre à établir une communication entre deux points éloignés. Le son et la lumière seraient à cet égard très inférieurs. En effet, le son se propage avec une extrême lenteur. Dans l'air, sa vitesse est de 340 mètres par seconde, et il n'arrive à destination que bien affaibli par une distance relativement courte. Il ne faut pas songer à utiliser sa transmission par des solides, quoiqu'elle soit beaucoup plus rapide. Le téléphone à ficelle montre que quelques centaines de mètres en ligne droite et en l'absence de tout support sont la distance maxima à laquelle on peut correspondre. La lumière possède une vitesse de propagation incomparablement plus grande que celle du son. Mais les deux stations en correspondance ne doivent nécessairement être séparées par aucun obstacle opaque. La courbure du globe n'autorise pas l'emploi de ce mode de transmission au delà d'une certaine distance. L'usage de réflecteurs affaiblirait dans une proportion considérable l'intensité de la lumière et compliquerait l'installation. Les télégraphes optiques ont pourtant leur raison d'être, lorsqu'en temps de guerre, par exemple, deux places fortes veulent échanger des signaux. La rapidité de transmision trouve alors sa limite dans un phénomène physiologique que vous connaissez tous. L'œil n'est capable de distinguer des éclairs de lumière successifs que s'ils sont émis à des intervalles de temps supérieurs à un dixième de seconde. En dessous de cet intervalle, ces éclairs donnent l'impression d'une lumière continue. C'est ainsi qu'on dit que la persis

tance de la lumière sur la rétine dure un dixième de seconde. Alors, vous le comprenez, pour que des émissions intermittentes puissent servir à représenter un langage convenu, on ne devra pas en produire même dix dans l'espace d'une seconde.

Tous ces inconvénients que vous venez de reconnaître au son ou à la lumière n'existent pas ou existent à un degré bien moindre dans l'électricité. Le téléphone de Bell a montré que non seulement le chant, mais

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