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pièce endommagée dans le trajet. Reprenons donc le cours de nos idées, et que le souvenir du physiologiste que je rappelais tout à l'heure nous encourage à chercher, comme il l'a fait avec tant de bonheur, la raison des phénomènes dont les êtres vivants sont le théâtre.

Vous voyez en ce moment, à l'occasion du jeu de pompe qui comprime l'air dans le grand bocal, que le manomètre indique l'augmentation de la pression; et en même temps vous voyez que le système dont le poisson fait partie s'enfonce sous l'eau et descend au fond.

Nous maintenons la même pression, rien ne bouge; nous diminuons la pression, et l'appareil contenant le poisson se relève et revient à la surface. Nous pouvons, à volonté, en priant notre aide de produire une compression convenable, placer le poisson au sein de l'eau, sans lui permettre de descendre jusqu'au fond ni de s'élever jusqu'à la surface.

En ce moment M. Golaz réalise ce résultat.

Telle est la première expérience nette que je fis et qui me donna l'idée que le poisson, quand il passe d'un niveau à un autre niveau, est tout à fait passif quant à sa vessie natatoire.

Le poisson que vous venez de voir dans cette expérience est vivant, c'est une perche. Il serait mort qu'il se comporterait de même. C'est-à-dire que, sous l'influence de la pression extérieure, son volume et par suite sa densité varieraient le premier, en raison directe, la seconde, en raison inverse de cette pression.

Cette expérience suffit-elle pour permettre de déclarer que les auteurs se sont trompés en admettant que le poisson qui veut monter, descendre ou stationner à un niveau quelconque, agit par ses puissances musculaires et impose à sa vessie natatoire le volume nécessaire pour son but? Non, car le poisson est en cage, il est gêné, il ne peut mouvoir ses nageoires, et peut-être que, nageant librement, il ferait avec ses muscles sur sa vessie natatoire des efforts qui en modifieraient le volume, efforts synergiques avec le jeu des nageoires et dont l'effet s'ajouterait utilement à leur action pour descendre ou monter.

Il convient donc de faire une nouvelle expérience. Il convient de disposer un appareil tel que le poisson qui montera et descendra librement inscrira lui-même et à chaque instant le volume qu'il possède.

En considérant les augmentations de volume inscrites par le poisson, on jugera facilement si elles sont en rapport avec ses besoins de locomotion et de station, ou si elles sont, comme dans l'expérience précédente, en rapport avec la pression extérieure indépendamment de son intérêt.

Le même grand bocal est surmonté cette fois d'un couvercle de forme sphérique et tel que l'air se réfugiant au sommet du cône, à mesure que l'eau pénètre, disparaît complètement quand on achève de la verser. Un tube de calibre étroit coudé à angle droit, est fixé au haut de l'appareil

et permet à l'eau intérieure d'avancer ou de rétrograder, suivant qu'il fait une dilatation ou une diminution de volume.

DEUXIÈME EXPÉRIENCE (fig. 2).

Avant de placer le couvercle, un poisson vivant (à vessie natatoire) a été placé dans le bocal.

Il monte, il descend librement. Que voit-on?

On voit, quand le poisson s'élève du fond vers la surface, l'eau s'avancer dans le tube horizontal vers l'extérieur, de A vers B.

On voit que si le poisson s'arrête, l'eau cesse d'avancer vers l'extérieur, et que s'il descend, l'eau rétrograde vers l'intérieur, de B vers A.

Rien n'est changé dans l'appareil, sinon la situation du poisson; or, la marche de l'eau dans le tube horizontal montre que le volume du poisson est toujours proportionnel à la hauteur où il se trouve. On peut considérer la densité de l'eau comme constante, comme la même dans toutes les hauteurs du bocal.

La théorie citée plus haut, qui admet que le poisson fait usage de sa vessie natatoire pour monter, admet implicitement ce que nous venons de dire, c'est-à-dire que le volume pris par le poisson est celui que son intérêt commande; or, l'intérêt du poisson qui s'élève du fond vers le sommet est d'avoir, au début de son ascension, le volume le plus grand possible et, à la fin de sa course, le volume primitif. Mais la deuxième expérience nous montre que c'est le contraire qui se présente.

Pour le poisson qui descend, nous raisonnerons de même.

L'intérêt du poisson qui descend vers la profondeur est de prendre au début de sa course le volume le plus petit possible et, à la fin, le volume primitif.

Mais la deuxième expérience nous montre encore que c'est le contraire qui se présente. En d'autres termes, le poisson, au bout de sa course, conserve, suivant qu'il est monté ou descendu, son volume augmenté ou diminué, et toujours contre son intérêt.

Ainsi donc, la première expérience nous a montré un poisson captif qui subissait, quant au volume de sa vessie natatoire, l'influence de la pression extérieure et ne réagissait pas contre elle. L'organe était passif, et cette expérience nous a fait penser qu'il pouvait être passif aussi quand le poisson montait ou descendait librement. La deuxième expérience a vérifié cette supposition.

La vessie natatoire est donc reconnue inutile et même nuisible à la locomotion du poisson; voyons maintenant, au point de vue de l'équilibre en pleine eau, quel est son rôle.

Vous avez vu tout à l'heure, et à mon grand regret, les lenteurs de l'expérimentation, les accidents imprévus. Vous jugerez que je ne puis faire ici l'expérience que je vais décrire. J'ai d'abord essayé de la faire en enfermant des poissons dans des cages de fil de fer, que j'amarrais au fond de la Seine, auprès du Pont-Neuf. Quand je voulus reprendre mes poissons, ils étaient morts. Les eaux savonneuses du bateau de blanchisseuses en sontelles la cause?

Je portai mes cages dans la mer, et les premiers poissons périrent aussi. Était-ce pour s'être frappés contre les parois des cages? Je réussis avec de grands paniers chargés de pierres, dans lesquels les poissons vécurent très bien.

Et je dirai avec plaisir que je fus bien heureusement secondé par le maître pilote de Concarneau, M. Étienne Guillou, qui s'employa avec la plus grande complaisance à me guider dans la recherche des profondeurs convenables de la rade, m'assistant avec beaucoup d'intelligence, et, plus heureux que moi, sans connaître le mal de mer. Quoi qu'il en soit, voici l'expérience; je la figure sur le tableau.

J'ai choisi des poissons de diverses espèces, vivant dans des bassins ayant moins d'un mètre de profondeur. Ils avaient, à la pression d'une atmosphère, la densité de l'eau. J'ai mesuré exactement leur volume et les ai placés à une profondeur de dix mètres dans la mer, suspendus à une bouée, dans un panier chargé de poids. Le lendemain, je les ai repris; ils avaient augmenté de volume. Replacés aussitôt à la même profondeur, ils augmentèrent encore de volume pendant trois ou quatre jours, puis s'arrêtèrent. Je les retirai alors et constatai que le volume de leur vessie natatoire avait doublé et qu'ils étaient beaucoup plus légers que l'eau.

Je les plaçai ensuite dans une eau très peu profonde; leur volume diminuait peu à peu, et, en trois ou quatre jours, ils reprirent leur volume normal et la densité de l'eau. Interprétons les faits.

Nous savons déjà par les expériences qui précèdent que le poisson qui s'enfonce dans l'eau devient plus petit. Nous devons admettre que les poissons que nous mettions à 10 mètres de profondeur étaient là, dans les paniers où ils séjournaient, plus petits qu'à la surface de l'eau. Ils étaient. par suite plus denses; et comme on les voit peu à peu former de nouveaux gaz jusqu'à une certaine limite, nous devons admettre qu'ils en formaient assez pour reprendre leur volume primitif et normal sous la pression de 10 mètres, ce qui exigeait une quantité de gaz double de celle qu'ils possédaient à la surface. Les vérifications diverses que nous avons faites nous confirment dans cette interprétation.

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Et ce même poisson que l'on fait ensuite séjourner à la surface de l'eau possède alors trop de gaz, est plus léger que l'eau; on peut s'en assurer sans aucun appareil de précision, car s'il se repose, une partie de son dos émerge comme une partie d'un bouchon de liège. Mais peu à peu l'excès de gaz disparaît, absorbé; le poisson redevient aussi dense que l'eau. Quelles sont les conséquences de ces faits?

C'est qu'il faut admettre que le poisson s'accommode à la pression qu'il subit, en diminuant ou en augmentant la quantité de gaz suivant le besoin qu'il en a et grâce à des influences nerveuses régulatrices..

Il peut donc changer de niveau, car la densité de l'eau qu'il perd, il la reprend peu à peu et se retrouve en équilibre.

La figure 4 représente l'appareil servant à mesurer les différences de volume du poisson quittant un certain niveau et séjournant à un autre niveau.

Le poisson est placé dans la cage et l'on verse du mercure dans le godet, de façon à faire affleurer le tube au zéro, si le poisson quitte une eau peu profonde; en effet, il possédera un plus grand volume quand il quittera le séjour fait dans la profondeur. A ce moment, le poisson étant remis dans la cage, avec le même godet, rigoureusement chargé du même poids de mercure, l'appareil flottera avec une colonne plus ou moins longue hors de l'eau. Cette colonne graduée montre immédiatement le volume gagné par le poisson. S'il s'agit de comparer le volume d'un poisson qui a vécu dans la profondeur et qui séjourne ensuite près de la surface de l'eau, il conviendra de faire le premier affleurement au bas de la colonne graduée près de la boule du densimètre, car on aura à observer une diminution de volume chez le poisson en expérience.

QUATRIÈME EXPÉRIENCE (fig. 4).

Les anneaux métalliques que je montre peuvent remplacer avantageusement le godet de mercure pour faire affleurer la colonne à une hauteur convenable, surtout quand on opère sur des grondins (trigla), des mulets (mugil) et généralement sur des poissons qui ont des mouvements très brusques et capables de faire perdre une partie du mercure placé dans le godet. Ces détails techniques une fois dits, je reprends mon discours. Comparons donc deux poissons, afin de bien voir le rôle de l'organe. Supposons un requin, poisson sans vessie natatoire, et une morue, poisson qui en est pourvu.

Tous deux montent de la profondeur de 100 mètres à la surface de l'eau ; le requin, toujours plus dense que l'eau, s'élève par les efforts de ses nageoires et atteint la surface sans avoir changé de densité; il est le même à la surface et dans la profondeur.

La morue quitte le niveau où elle a la densité de l'eau, devient, en montant, de plus en plus légère et arrive à la surface tellement gonflée,

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