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au bey de Tunis, à la Turquie, à l'Égypte. Eh bien! le jour où vous verrez une souscription s'ouvrir en vue de l'exploitation des richesses du sol algérien, assurez-vous d'abord que l'entreprise est sérieuse; là comme partout il peut se trouver des financiers véreux qui gâtent les meilleures affaires; mais le jour où vous aurez la certitude qu'il s'agit d'une entreprise faite dans des conditions loyales, offrant les garanties de moralité nécessaires, n'hésitez pas à y engager vos capitaux; vous aurez fait une œuvre honnête en ce sens que vous aurez contribué à la prospérité de notre grande colonie, en même temps qu'une œuvre de bon père de famille et de capitaliste intelligent.

Passons rapidement en revue les ressources de l'Algérie. D'abord les céréales. On a dit autrefois qu'elle était le grenier de Rome; elle n'a pas changé; elle est prête à devenir le grenier de la France. Elle exporte déjà plus de 3 millions d'hectolitres de céréales, avec 150,000 colons; que sera-ce quand elle aura une population européenne proportionnée à son étendue?

Dans cette même brochure de M. Hardy, à laquelle j'ai emprunté la citation que j'ai faite tout à l'heure, je trouve qu'il existe actuellement en Algérie, greffés ou non greffés, plus de 800 millions de pieds d'oliviers, dans la région qui est propre à la culture de cet arbre. M. Hardy estime qu'en peu d'années, tous les oliviers non greffés peuvent l'être, même en n'opérant que progressivement, au fur et à mesure du développement de la colonisation, et que dans un quart de siècle l'Algérie produira pour 800 millions de francs d'huile de première qualité. Je vous laisse sous l'impression de ce chiffre, que la compétence de M. Hardy ne permet pas de considérer comme exagéré.

La vigne, elle, vient merveilleusement dans tout le Tell et sur les HautsPlateaux. Si, ce qu'à Dieu ne plaise, la France, dans quelques années, se trouvait tellement ravagée par le phylloxera qu'elle perdit sinon la totalité, au moins une bonne partie de sa production, l'Algérie serait en état de suffire à sa consommation. On a dit des vins de l'Algérie qu'ils n'étaient pas transportables. C'est une erreur. Les premières récoltes se sont forcément ressenties de la longue inculture du sol; mais chaque année amène des améliorations, et déjà on peut prévoir le jour où les crus d'Algérie auront des noms égaux en réputation à ceux des meilleurs de France.

Il serait à souhaiter que les vignerons du Midi, ruinés par le phylloxera, aillent transporter leur industrie en Algérie, où ils referaient faci

lement leur fortune.

L'alfa occupe sur les Hauts-Plateaux une étendue de 6 millions d'hectares. Son exploitation a donné lieu à la création de deux chemins de fer. Elle est des plus simples et des moins coûteuses, puisque ce précieux textile se reproduit de lui-même et sans culture. Il existe surtout dans la pro

vince d'Oran. La province de Constantine en compte aussi une certaine étendue, qui devient moindre dans celle d'Alger. On ne l'exploite encore sérieusement qu'à Oran. Des navires viennent y charger l'alfa et le transportent à Rouen et surtout en Angleterre, où l'on en fait un grand usage. Le journal le Times n'est imprimé qu'avec du papier d'alfa, fabriqué dans ses usines. Vous pourrez voir la plante et ses divers produits dans le pavillon de l'Algérie au Trocadéro.

Une usine pour la fabrication du papier d'alfa se fonde en ce moment dans la province de Constantine; elle annonce qu'elle en livrera 3 millions de quintaux par an à l'industrie. Le résultat de l'opération n'est douteux, sous la seule réserve précédemment faite que l'exploitation en sera sage, intelligente et honnête.

pas

L'alfa n'est pas le seul produit des Hauts-Plateaux. Les céréales y viennent aussi bien, et sur certains points mieux que dans le Tell. L'élève du bétail peut y prendre un développement considérable. On estime à 15 millions le nombre des moutons qui y trouveraient des pâturages abondants, sans nuire en rien à l'exploitation de l'alfa ou à la culture des céréales.

J'ai parlé des productions agricoles de l'Algérie. Je dirai quelques mots de ses mines. Quelques-unes sont considérées comme les plus riches du monde. Celle de Mokta el Haddid, près de Bone, est célèbre tant par sa richesse que par l'habileté de son exploitation. Elle est le type que l'on prend pour modèle dans toutes les écoles des mines. La grande médaille d'honneur de l'Exposition vient de lui être décernée. Comme production, c'est une montagne de pierre dans laquelle on enfonce la pioche, et quand on traite ce produit brut, on en obtient à la fonte 65 et jusqu'à 80 p. o/o de fer magnétique de qualité supérieure, de celle qui produit les aciers les plus recherchés d'Angleterre.

La production de la mine de Mokta el Haddid est évaluée à près de 400,000 tonnes par an; elle occupe 1,500 ouvriers.

Il existe encore en Algérie un grand nombre de mines qui seront mises en exploitation quand des voies de communication plus faciles auront été établies. Cet élément paraît appelé à contribuer puissamment à la richesse du pays.

Je ne cite que pour mémoire, parmi les productions algériennes, le corail, qui fait la fortune de la Calle.

J'aurais voulu vous entretenir encore de nos chemins de fer, de ceux en exploitation, de ceux qui se construisent, de ceux que le développement de la colonisation rendra bientôt nécessaires. Mais je m'aperçois que le temps me fait défaut. Déjà mon discours a excédé de près d'une heure la durée ordinaire de ces conférences, sans que j'aie réussi néanmoins à lasser votre extrême bienveillance et vos encouragements. Je vous en remercie. Que vos témoignages de sympathie se reportent sur le magnifique pays que

j'ai essayé de vous faire connaître; qu'ils vous inspirent l'envie de le visiter; surtout, que les préjugés que vous avez puisés à des sources impures fassent place à une appréciation plus juste. Si j'ai réussi à obtenir ces résultats, je n'aurai pas absolument perdu votre temps et le mien. (Vifs applaudissements.)

La séance est levée à 4 heures.

PALAIS DU TROCADÉRO. 25 AOÛT 1878.

CONFÉRENCE

SUR

L'ENSEIGNEMENT ÉLÉMENTAIRE

DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE,

PAR M. FRÉDÉRIC PASSY,

MEMBRE DE L'INSTITUT.

M. Frédéric PASSY:

Mesdames, Messieurs,

L'homme propose, et parfois c'est le diable qui dispose. Dans ma pensée, et je crois pouvoir dire dans la pensée de la Commission des Conférences aussi bien que dans celle des autorités diverses qui s'occupent des instituteurs en ce moment à Paris, c'était à ces instituteurs qu'était tout particulièrement destinée cette séance. Il paraît qu'à leur point de vue et le jour et l'heure sont aussi mal choisis que possible, et l'on me fait craindre qu'il n'y en ait ici qu'un nombre relativement bien restreint. Il y en a cependant, je le sais.

Je me console très imparfaitement -de ce contre-temps, en songeant que ni la Commission ni moi ne pouvions disposer d'un autre jour; je me console surtout, quand je vois cette affluence, en me disant que nous sommes tous aujourd'hui, plus ou moins, des instituteurs, et qu'il y a dans cette salle, et en grand nombre, des personnes qui, à des titres divers, s'occupent de l'instruction de leurs semblables. Il y en a notamment, je viens d'en avoir la preuve à l'instant même, qui ont l'intention de faire ou de faire faire des cours populaires d'économie politique.

Je me console moins aisément de n'avoir pas, par suite d'un excès d'occupations et de préoccupations qui ne m'ont pas laissé un instant, préparé cet entretien comme j'avais le désir de le faire. Non que j'eusse voulu apporter ici un morceau de littérature; il est dans mes habitudes et dans ma nature de toujours laisser à l'inspiration du moment le développement plus ou moins heureux de ma pensée, et je n'ai jamais eu d'autre préten

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