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grands artistes, que les peuples échapperont à l'invasion, à la servitude, à la mort! mais plutôt parce qu'il sortira des entrailles de la nation, depuis la femme du patricien jusqu'à la plus humble paysanne, des générations d'enfants pour faire des générations de soldats.

La séance est levée à 4 heures.

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LE CHOIX D'UN ÉTAT

AU POINT DE VUE HYGIENIQUE ET SOCIAL,

PAR M. PLACIDE COULY,

ANCIEN MEMBRE DE LA COMMISSION DU TRAVAIL DES ENFANTS DANS LES MANUFACTURES.

BUREAU DE LA CONFÉRENCE.

Président :

M. de Heredia, membre du Conseil municipal de Paris.

Assesseurs :

MM. le Dr GIRAULT, médecin des bureaux de bienfaisance;
Alfred LAMOUROUX, membre du Conseil municipal de Paris;
MARIE-DAVY, directeur de l'Observatoire de Montsouris ;

le D' de PIETRA-SANTA, secrétaire-fondateur de la Société française d'hy-
giène.

La séance est ouverte à 2 heures.

M. Placide COULY:

Mesdames, Messieurs,

Merci, tout d'abord, pour l'honneur que vous voulez bien faire à la Société française d'hygiène, et surtout à son humble interprète de ce jour, d'assister aux conférences qu'elle a cru de son devoir d'organiser.

La Société française d'hygiène a eu à cœur de prendre sa part des luttes pacifiques; elle a voulu témoigner de ses sentiments, de son amour pour le bien, et, forte de son principe, forte du but humanitaire qu'elle poursuit et qu'elle serait si heureuse d'atteindre, forte, enfin, de

l'élan mutuel qui, les guidant vers l'avenir, pousse dans les bras les unes des autres toutes les nations du globe, elle a fait appel à toute votre bienveillance et elle se félicite de pouvoir s'entretenir quelques instants

avec vous.

Le but que poursuit la Société française d'hygiène, vous le connaissez, Mesdames et Messieurs; nous ne tendons à rien moins qu'à augmenter de plus en plus la durée moyenne de la vie et à assurer à l'homme le complet développement de ses facultés intellectuelles, physiques et morales, par l'application d'un mode d'hygiène rationnel, essentiellement pratique et compréhensible pour tous.

Des voix plus autorisées que la mienne, des voix éloquentes et toujours applaudies, vous ont fait et vous feront connaître quels ont été nos efforts, et elles vous diront quels sont nos résultats.

«Aide-toi, le ciel t'aidera," telle pourrait être la devise de notre Société.

pro

Il est temps que l'on s'habitue à savoir être libre; les maillots sont faits pour les enfants, et non point pour les hommes; les faibles seuls marchent tenus en laisse; et de même que l'enfant qui, échappé à la tection maternelle, est tout joyeux, en dépit même des quelques petits faux pas qu'il peut faire, de se sentir marcher seul et de voir que l'on sourit à ses premiers essais, de même les sociétés qui se fondent, loin d'user leur influence et leur temps à solliciter les attaches plus ou moins officielles du pouvoir, devraient êtres fières de lutter et s'estimer heureuses de voler de leurs propres ailes.

Est-ce là de l'orgueil? Non; c'est de la dignité.

ne soit

Ce n'est pas que l'intervention du gouvernement surtout — quand c'est un gouvernement qui, comme celui que nous avons le bonheur de posséder à cette heure, n'a pour but unique que le bien général digne de reconnaissance et d'estime; au contraire, on ne saurait assez se féliciter de rencontrer au pouvoir des hommes toujours prêts à seconder, à faciliter les bonnes intentions de tous les citoyens; mais on ne saurait trop aussi s'habituer à ne compter que sur soi et, fort de sa conscience, à ne pas craindre de prendre sa part de responsabilité lorsque l'on a la louable ambition d'avoir sa part de gloire.

A l'État, au pouvoir, la protection, l'encouragement et l'exemple.

Aux individus, l'initiative et les efforts.

En un mot, l'État doit être le flambeau qui éclaire, et non la chaîne qui retient.

Cette haute vérité économique et morale, cette vérité qui renferme en elle l'avenir, cette vérité, nul mieux que le D' de Pietra-Santa ne saurait, je le répète, la faire jaillir, la rendre éclatante à vos yeux, et lorsque vous l'aurez entendu, lorsque, après vous avoir si vivement inté

ressé, en parlant des hospices marins, à ces pauvres souffreteux, à ces déshérités du sort qui apportent avec eux en naissant le germe des maladies cruelles qui doivent, pour ainsi dire, à leur aurore, les conduire à la mort, et que cependant la science, inspirée par l'humanité, parvient à faire sourire quelquefois encore à la vie, lorsque, dis-je, il vous aura initiés aux secrets de sa force et de ses succès, vous reconnaîtrez aisément avec lui que, si le bien doit être sans cesse parfaitement accueilli de quelque côté qu'il vienne, le bien, pour les natures viriles, pour les natures dévouées à leurs semblables, le bien que l'on fait a toujours un bien plus grand prix que le bien qu'on reçoit.

Pour moi, Mesdames et Messieurs, j'aurai l'honneur, si vous voulez bien me le permettre, de vous dire quelques mots sur le choix d'un état. Nous parlerons du travail, c'est-à-dire de ce qu'il y a de plus digne, de plus vital, de plus fécond dans ce monde.

Trois éléments principaux, vous ne l'ignorez pas, sont appelés à concourir à la prospérité morale et matérielle d'un peuple : la religion, la fortune, le travail.

En parlant de religion, loin de moi la pensée de parler de telle ou telle église, de telle ou telle secte.

De même que la liberté de conscience restera comme la plus belle conquête de l'esprit humain, de même la mise en pratique de la tolérance, dans la plus digne, dans la plus large acception du mot, sera l'éternel honneur de notre époque.

Je parle de la religion du cœur, de la religion de l'âme, de cette religion qui, nous élevant vers les régions supérieures, habitue l'homme à se rappeler que, si fort qu'il puisse être, il existe au-dessus de lui une force bien autrement puissante que la sienne; je parle de la religion qui fait aimer l'humanité, qui fait chérir la famille, de la religion qui place la satisfaction intime du devoir accompli au-dessus de tous les biens, de la religion qui forme des hommes intelligents et libres et non de celles qui ne voudraient que des êtres abâtardis et serviles; je parle de la religion enfin, qui, nous tenant aussi éloignés du fanatisme musulman que des superstitions sanguinaires de l'Espagne de Philippe II, nous démontre que si les sociétés livrées au fanatisme sont d'avance condamnées à périr, il en serait aussi bientôt de même des sociétés qui, dans leur fort orgueil, ne glorifieraient que la matière, et nous prouve que les nations vraiment florissantes, les nations vraiment durables sont celles qui, sachant allier l'expansion du libre arbitre à la reconnaissance due à celui qui peut tout, ne séparent jamais l'homme de Dieu.

Mais si la religion bien comprise est la source intarissable de l'élévation morale et de la dignité humaine, si elle est la force qui console, estelle bien, réduite à elle-même, la force qui produit?

La résignation aux malheurs dont on peut être frappé est certes une bien noble chose, mais agir vaut mieux encore, et puisque Dieu lui-même a fait de la lutte ici-bas l'un des premiers devoirs, l'une des premières conditions de la vie, où donc trouver la force nécessaire, je ne dirai point pour parer aux souffrances individuelles dont chacun de nous est plus ou moins menacé, mais pour triompher de ces calamités publiques qui mettent parfois des nations entières à deux doigts de leur perte?

Est-ce dans la fortune?

A ce mot magique, la fortune! qui ne serait pour l'affirmative, qui oserait douter de la puissance de l'or? L'or ne peut-il pas tout ici-bas? C'est le levier avec lequel nos Archimèdes soulèveraient le monde. L'or, voilà le maître, le souverain; que dis-je? le souverain, voilà le dieu du jour, et quel dieu!... Certes, si l'on jugeait des vérités fondamentales d'un culte au nombre de ses adeptes, toutes les religions réunies ne seraient que des erreurs auprès de la religion de Plutus. Et si l'image d'une divinité se proportionnait jamais à ses adorateurs, quelle idole ne nous faudrait-il pas! Ce ne serait plus seulement le modeste veau d'or que l'on adorerait aujourd'hui; ce serait, pardonnez-moi la comparaison, ce serait un mastodonte!

Oui, la fortune est une force, une puissance même, quand toutefois elle n'est pas un écueil. Je m'explique :

La fortune, qui berce nos oisifs; la fortune, qui se borne à varier nos plaisirs, à servir nos vanités; la fortune qui fait naître l'orgueil enté sur Îa sottise, qui multiplie à l'infini l'âne du fabuliste; la fortune qui donne à certains hommes qui ne sont rien l'infatuation si ridicule du soi; la fortune qui porte leur insolence suprême à tout mépriser à côté d'eux; la fortune enfin, qui, troublant la raison comme elle abaisse l'âme, fait dire à quelques privilégiés, à quelques parvenus: « Place, faites-moi place, je suis riche! cette fortune est un écueil, un abîme!... Elle habitue à faire de l'or une divinité et propage cette erreur aussi funeste qu'antiéconomique, cette erreur qui consiste à se persuader que la richesse est le moteur unique de la vie sociale, lorsqu'elle n'en est que le simple auxiliaire, que le facile agent.

La fortune utile, Mesdames et Messieurs, vous le savez tous comme moi, la fortune utile est celle qui fait le bien, et non celle qui fait le mal; la fortune utile est celle dont les Lariboisière, les Richard Wallace et les Cochin font un si noble usage; la fortune utile est celle qui, sous l'impulsion des Mallet frères, des Laffite ou des Rothschild, vient en aide à toutes les grandes entreprises qui sont l'honneur d'un siècle et qui, loin d'énerver, de démoraliser les hommes dans une luxueuse mollesse, se fait une gloire de centupler l'activité humaine.

Mais, ne l'oublions pas, si considérable que puisse être la richesse,

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