Page images
PDF
EPUB

part du roi de France à un principe de vertu, de conciliation et de paix 1.

Dans les débats qui s'élevèrent dans la chambre des communes, le 20 février 1816, sur la paix avec la France, sir Samuel Romilly, parlant par hasard de cet acte, déclara qu'il n'était en aucune manière satisfait de son équité. Il n'était pas vrai que les ouvrages d'art déposés dans le musée du Louvre eussent été enlevés comme dépouilles de guerre. Un grand nombre, et les plus remarquables, étaient devenus la propriété de la France par stipulations expresses de traités; et il n'y avait rien à répondre sur ce que ces traités avaient été faits nécessairement par des agressions injustes et des guerres sans principes. En effet toute foi entre les nations trouverait une fin, si l'on devait regarder les traités comme non obligatoires parce que les guerres qui les ont fait naître étaient injustes, d'autant plus qu'il ne pourrait y avoir d'autre juge compétent pour décider de la justice de la guerre, que la nation elle-même. Et puis par qui ce soi-disant acte de justice, «cette grande leçon morale,» comme on l'appelait, avait-elle été proposée? Par ces mêmes puissances qui avaient à différentes époques poussé la France dans ses guerres injustes. Parmi d'autres articles enlevés de Paris sous le prétexte de les rendre à leurs légitimes propriétaires, étaient les célèbres chevaux de Corinthe qui avaient été rapportés de Venise. Mais quel étrange acte de justice était-ce que de rendre aux Vénitiens leurs statues, et de ne pas leur restituer ces biens d'une valeur bien plus considérable, leurs territoires et leur république qui leur furent enlevés en même temps! Mais la raison en était claire: La ville et le territoire de Venise avaient été transférés à l'Autriche par le traité de Campo-Formio, mais les chevaux étaient restés les trophées de la France. Et l'Autriche, tout en adressant ainsi

1 MARTENS, Nouveau Recueil, t. II, p. 632.

d'une manière hypocrite cette leçon morale aux nations, non-seulement gardait tranquillement les riches et injustes dépouilles qu'elle avait eues, mais restituait ces splendides ouvrages de l'art non pas à Venise qui en avait été dépouillée, à Venise antique, indépendante, républicaine, mais à Venise autrichienne, à ce pays qu'au mépris de tous les principes qui soi-disant la faisaient agir, elle retenait encore comme partie de ses domaines 1.

§ 7. Distinction entre

la propriété

en mer

ou prise sur

terre.

Les progrès de la civilisation ont lentement mais constamment tendu à adoucir l'extrême sévérité des opérations de la guerre sur terre; mais cette sévérité existe encore privée prise dans toute sa rigueur dans la guerre maritime. Dans cette dernière la propriété privée de l'ennemi prise en mer, ou dans les ports, est sans distinction susceptible de capture et de confiscation. Cette dissemblance dans les opérations des lois de la guerre sur terre et sur mer a été justifiée par l'usage allégué de considérer comme butin la propriété privée enlevée dans les villes prises d'assaut. Le fait bien connu que des contributions sont levées sur les territoires occupés par une armée ennemie, au lieu d'une confiscation générale de la propriété appartenant aux habitants, sert encore de justification. Et puis l'objet de la guerre sur terre étant la conquête ou l'acquisition d'un territoire devant être échangé en équivalent d'un territoire perdu, la considération du vainqueur pour ceux qui vont être ou ont été ses sujets l'empêche naturellement d'exercer ses droits extrêmes dans ce cas particulier. Tandis que le but des guerres maritimes est la destruction du commerce et de la navigation de l'ennemi, qui sont les sources et les nerfs de sa puissance navale. Et ce but ne peut être atteint que par la capture et la confiscation de la propriété privée.

L'effet d'un état de guerre légalement déclaré est de mettre tous les sujets de chaque puissance belligérante en 1 Life of Romilly, edited by his Sons, vol. II, p. 401.

$ 8. Quelles sont les

autorisées à

engager des

hoatilités

avec

l'ennemi.

personnes état d'hostilité mutuelle. L'usage des nations a modifié cette maxime, en ne légalisant que les actes d'hostilité commis par ceux qui y sont autorisés par l'ordre exprès ou tacite de l'État. Telles sont les forces navales et militaires de la nation régulièrement commissionnées, et toutes les autres appelées à sa défense, ou se défendant spontanément ellesmêmes en cas d'urgente nécessité, sans aucune autorisation expresse à cet effet. Cicéron nous dit dans ses Offices que par le droit fécial romain personne ne pouvait loyalement s'engager dans une bataille avec l'ennemi public sans être régulièrement enrôlé et avoir prêté le serment militaire. C'était une règle sanctionnée à la fois par la politique et la religion. Les horreurs de la guerre seraient assurément de beaucoup aggravées, s'il était permis à chaque individu des États belligérants de piller et tuer sans distinction les sujets de l'ennemi, sans être en aucune manière responsable de cette conduite. De là il résulte que dans les guerres sur terre les bandes irrégulières de maraudeurs peuvent être traitées comme des bandits sans lois, qui n'ont pas droit à la protection des usages adoucis de la guerre mise en pratique par les nations civilisées 1.

$ 9.

Capteurs

de marques.

Il faut probablement considérer comme un reste des sans lettres pratiques barbares de ces siècles où guerre maritime et piraterie étaient synonymes, que les captures faites par des vaisseaux particuliers armês sans commission, non pas dans le cas de leur propre défense personnelle, mais même en attaquant l'ennemi, soient tenues pour loyales. Ceci n'a pas certainement pour but de revêtir de la propriété de l'ennemi ainsi saisie ceux qui en ont fait la capture, mais d'empêcher leur conduite de passer pour de la piraterie, soit aux yeux de leur propre gouvernement, soit à ceux de l'autre État belligérant. La propriété ainsi saisie est attribuée au gouvernement comme prise de guerre ou

1 VATTEL, Droit des gens, liv. III, chap. xv, § 223-228. KLÜBER, Droit des gens moderne de l'Europe, § 267.

comme droit d'amirauté, ainsi qu'on appelle ces captures en termes techniques. Le même principe s'applique xua captures faites par des vaisseaux armés commissionnés contre une puissance quand la guerre éclate avec une autre les captures faites au détriment de cette autre puissance sont attribuées non à ceux qui les ont faites mais au gouvernement 1.

L'usage de croiser avec des vaisseaux privés armés commissionnés par l'État, a été jusqu'ici sanctionné par les lois de toutes les nations maritimes comme un moyen légitime de détruire le commerce d'un ennemi. Cet usage a été justement accusé d'entraîner de graves abus, de tendre à encourager un esprit de déprédation déloyale, et d'être en contradiction évidente avec les manières plus adoucies de la guerre mises en pratique sur terre. De puissants efforts ont été faits par des gens pleins d'humanité et de lumières pour supprimer cet usage comme incompatible avec l'esprit libéral du siècle. Le traité négocié par Franklin entre les États-Unis et la Prusse, en 1785, par lequel il fut stipulé qu'en cas de guerre, aucune des puissances ne commissionnerait de corsaires pour piller le commerce de l'autre, fournit un exemple digne d'éloges et d'imitation. Mais cette stipulation ne fut pas ravivée au renouvellement du traité en 1799; et il est fort à craindre que tant que seront tolérées les captures maritimes de la propriéte privée, ce mode particulier de nuire au commerce de l'ennemi continue à être pratiqué, spécialement quand il fournit les moyens de contre-balancer la supériorité de la marine publique de l'ennemi 2.

1 BROWN'S, Civ. und adm. law, vol. II, p. 526, appendix. ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. IV, p. 72. The Abigail. DODSON'S Admiralty Reports, p. 297. The Georgiana. SPARK'S diplomatic Correspondence, vol. I, p. 443. WHEATON'S Reports, vol. II, appendix, note 1, p. 7.

-

North

VATTEL, liv. III, chap. xv, § 229. FRANKLIN'S Works, vol. II, p. 447, 530. Edinburgh Review, vol. VIII, p. 13—15. American Review, vol. II. (N. S.), p. 166--169. du droit des gens, p. 308.

WHEATON, Histoire

§ 10

Des corsaires.

§ 11. Titre à la

propriété

capturée pendant

la guerre.

En principe général, l'ennemi peut être considéré comme immédiatement dépouillé de son titre à la propriété qui lui a été loyalement prise en temps de guerre, et ce titre transféré à celui qui a fait la capture. Ce principe général est modifié dans son application à la propriété mobilière en même temps qu'à la propriété immobilière. Quant à la propriété mobilière, le titre est en général regardé comme perdu pour le premier propriétaire, dès que l'ennemi a acquis une ferme possession; ce qui, en règle générale, est considéré se faire après un temps de 24 heures, ou après que le butin a été conduit en lieu sûr, infra præsidia du vainqueur 1. A l'égard des navires et des biens capturés en mer, et recousse. ensuite repris, les règles à adopter diffèrent quelque peu de celles applicables aux autres propriétés mobilières. Ces règles dépendent de la nature des différentes classes de cas auxquels elles doivent s'appliquer. Ainsi la reprise peut être faite ou sur un pirate, ou sur un bâtiment preneur chargé d'une commission légale, mais non ennemi, ou enfin sur un ennemi.

$ 12. Reprise et

Reprise de pirates.

1o Dans le premier cas il n'y a pas à douter que la propriété doive être restituée au premier propriétaire; car, comme les pirates n'ont pas de droit légal de faire des captures, le propriétaire n'a pas été dépouillé de sa propriété. Il a seulement été privé de sa possession, dans laquelle il rentre par la reprise. Pour le service qu'il lui a rendu, le bâtiment qui a fait la reprise a droit à une rémunération de nature de recousse 2.

Ainsi, par l'ordonnance sur la marine de Louis XIV de

[ocr errors]

1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, cap. vi, § 3; cap. IX, § 14. KLÜBER, Droit des gens moderne de l'Europe, § 254. Droit des gens, liv. III, chap. XIII, § 196; chap. XIV, § 209. das europäische Völkerrecht, § 136.

[ocr errors]

VATTEL, HEFFTER,

LOCCENIUS,

2 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, cap. IX, § 17. de Jure marit., lib. II, cap. 11, no 4. BROWN'S civ. and adm. law, vol. II, cap. II, p. 461. «Ea quæ piratæ nobis eripuerunt non opus habent postliminio; quia jus gentium illis non concedit, ut jus dominii mutari possint.» (DIG. de capt. et postl. revers.)

« PreviousContinue »