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$ 2. Pouvoir de faire les

traités de

paix limité

dans son étendue.

le roi a, d'après les termes exprès de la charte constitutionnelle, le pouvoir de déclarer la guerre, de faire les traités de paix, d'alliance et de commerce, mais comme en Angleterre, le pouvoir réel de faire la paix et la guerre réside dans les chambres, qui ont la faculté d'accorder ou de refuser les moyens de poursuivre les hostilités.

Le pouvoir de faire les traités de paix, comme celui de faire les autres traités avec les États étrangers, est ou peut être limité dans son étendue par la constitution nationale. Mais nous avons déjà vu qu'un pouvoir général de faire les traités de paix implique nécessairement le pouvoir de stipuler les conditions de la paix. Parmi ces conditions on peut ranger la cession du territoire public ou autre propriété, aussi bien que celle de la propriété privée comprise dans le domaine éminent. Si donc il n'y a pas de limite expresse dans les lois fondamentales de l'État, ou résultant nécessairement de la distribution de ses pouvoirs constitutionnels sur le pouvoir de traiter à cet égard, il s'étend nécessairement à l'aliénation de la propriété publique et privée, quand elle est jugée nécessaire à la sûreté ou à la politique de la nation1.

Le devoir de donner compensation aux individus dont la propriété privée a été ainsi sacrifiée au bien-être général, est rangé par les publicistes comme un corollaire du droit souverain d'aliéner les propriétés comprises dans le domaine éminent. Mais ce devoir doit avoir des bornes. On ne peut supposer qu'un gouvernement puisse, en conséquence du bien-être de tous ses membres, prendre sur lui le fardeau des pertes résultant de la conquête ou du démembrement violent de l'État. Lors donc que la cession de territoire est le résultat de la force et de la conquête, formant un cas d'impérieuse nécessité qu'il est au-dessus du pouvoir de l'État d'empêcher, elle n'impose pas au

1 Vide ante, pt. III, chap. 1, § 7, p. 240.

gouvernement l'obligation d'indemniser ceux qui peuvent avoir à souffrir une perte de propriété par la cession1. Les lois fondamentales de la plupart des gouvernements libres limitent le pouvoir de traiter relatif au démembrement de l'État, ou par une prohibition expresse, ou nécessairement implicite, résultant de la nature de la constitution. Ainsi, même sous la constitution de l'ancienne monarchie française, les États - Généraux du royaume déclarèrent que François Ier n'avait pas le pouvoir de démembrer le royaume comme il fut forcé de le faire dans le traité de Madrid conclu par ce monarque; et cela non pas seulement sous le simple prétexte qu'il était prisonnier, mais parce que l'assentiment de la nation, représentée par les États-Généraux, était essentiel à la validité du traité. La cession de la province de Bourgogne fut donc annulée, comme contraire aux lois fondamentales du royaume; et les États- Provinciaux de ce duché déclarèrent, selon Mézeray, que: «n'ayant jamais été sujets d'une autre couronne que celle de France, ils mourraient dans cet engagement de fidélité; et s'ils étaient abandonnés par le roi, ils prendraient les armes et maintiendraient leur indépendance par la force, plutôt que de passer sous une domination étrangère.» Mais quand l'ancienne constitution féodale de la France fut graduellement abolie par le non-usage des États-Généraux, et que la monarchie absolue fut solidement établie sous Richelieu et Louis XIV, le pouvoir de céder des portions du territoire public pour prix de la paix passa dans les mains du roi, sur lequel se concentraient tous les pouvoirs du gouvernement. Les différentes constitutions établies en France après la révolution de 1789, limitèrent ce pouvoir à différents degrés dans les mains de la puissance exécu

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1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, cap. xx, § 7. VATTEL, Droit des gens, liv. I, chap. xx, § 244; liv. IV, chap. I $ 12. KENT'S Commentaries on American law, vol. I, p. 178. 5th ed.

tive. La disposition dans la constitution de 1795, par laquelle les contrées récemment conquises sur la rive gauche du Rhin furent annexées au territoire français, devint un obstacle insurmontable pour la conclusion de la paix aux conférences de Lille. Par la charte constitutionnelle de 4830, le roi est investi du pouvoir de faire la paix, sans aucune limite à cette autorisation autre que celle impliquée dans la distribution générale des pouvoirs constitutionnels du gouvernement. Cependant on croit que, d'après la manière de voir générale des publicistes français, l'assentiment des chambres revêtu des formes d'un acte législatif est regardé comme essentiel à la validité ultérieure d'un traité cédant une portion du territoire national. L'étendue et les limites du territoire étant définies par les lois civiles, le pouvoir de traiter n'est pas considéré comme suffisant pour abroger ces lois.

En Angleterre le pouvoir de traiter, comme branche de la prérogative royale, n'a pas de limites en théorie; mais en pratique il est limité par le pouvoir général de contrôle du parlement, dont l'approbation est nécessaire pour mettre à effet un traité par lequel sont altérés les arrangements territoriaux existants de l'empire.

Dans les gouvernements confédérés l'étendue du pouvoir de traiter sous ce rapport doit dépendre de la

nature de la confédération. Si l'union consiste dans un système d'États confédérés, conservant chacun sa souveraineté complète et intacte, il est évident que le conseil fédéral, même s'il est investi du pouvoir général de faire des traités de paix pour la confédération, ne peut légalement aliéner tout ou partie du territoire d'aucun membre de l'union, sars le consentement exprès de ce membre. 'Telle était la théorie de l'ancienne constitution germaLique: le démembrement de son territoire était contraire aux lois fondamentales et aux maximes de l'Empire, et telle paraît être la véritable constitution de la Confédéra

tion germanique actuelle. Cette théorie du droit public de l'Allemagne a souvent été forcée, en pratique, de céder à l'impérieuse nécessité. Telle fut celle qui força la cession à la France des territoires appartenant aux États de l'Empire sur la rive gauche du Rhin par le traité de Luneville en 1800. Même dans le cas d'un gouvernement suprême fédéral ou d'un État composé, comme celui des États-Unis d'Amérique, il est peut-être permis de douter jusqu'à quel point le pouvoir général de traiter reposant sur le conseil fédéral conduit à celui d'aliéner le territoire d'un membre de l'Union sans son consentement.

L'effet d'un traité de paix est de mettre fin à la guerre et d'en détruire le sujet. C'est un consentement d'abandonner toute discussion concernant les droits respectifs et les réclamations des parties, et d'enfouir dans l'oubli les causes originaires de la guerre. Il défend le renouvellement de la même guerre, en recommençant les hostilités pour la cause originaire qui l'avait d'abord allumée, ou pour quoi que ce soit qui puisse être survenu dans le cours de cette guerre. Mais la stipulation générale de paix perpétuelle et d'amitié entre les parties n'implique pas qu'ils ne doivent jamais se faire la guerre pour toute autre cause. La paix se rapporte à la guerre qu'elle termine; et elle est perpétuelle en ce sens que la guerre ne peut jamais être recommencée pour la même cause. Ceci cependant n'exclura pas le droit de réclamer et de résister, si les griefs qui allumèrent la guerre dans l'origine étaient répétés. Car ces griefs présenteraient une nouvelle injure, et fourniraient une nouvelle cause de guerre aussi juste que la première. S'il est question entre les parties d'un droit abstrait sur lequel le traité de paix se taise, il résulte que toutes plaintes et injures antérieures s'élevant de cette réclamation sont jetées dans l'oubli par l'amnistie, nécessairement implicite, sinon expresse. Mais la réclamation elle-même n'est pas par là résolue d'une manière ou de

$3. Effets d'un traité de paix.

l'autre. En l'absence de renonciation ou de reconnaissance expresse, elle reste ouverte à la discussion future. Et même l'arrangement spécial du point en discussion, s'il est spécial et limité, ne se rapporte qu'au mode particulier de soutenir la réclamation, et n'empêche pas les prétentions ultérieures de la partie sur d'autres fondements. De là l'utilité en pratique de demander une renonciation générale à toutes prétentions à la chose en controverse, renonciation qui a pour effet d'exclure pour toujours la revendication de la réclamation de quelque manière que ce soit 1.

Le traité de paix n'éteint pas les réclamations fondées sur des dettes contractées ou des injures faites avant la guerre, et qui ne se lient pas à ses causes, à moins qu'il n'y ait stipulation expresse à cet effet. Il n'affecte pas non plus les droits acquis antérieurement à la guerre ou les injures privées qui n'ont pas de rapports avec les causes qui ont produit la guerre. Par cette raison, les dettes contractées avant la guerre entre les sujets respectifs, bien que le recouvrement en soit suspendu pendant la guerre, revivent à la restauration de la paix, à moins qu'elles n'aient été réellement confisquées pendant la guerre dans le strict exercice de ses droits rigoureux, contrairement à la pratique moins sévère des temps modernes. Il y a même des circonstances où les dettes contractées ou les injures commises entre les sujets respectifs des nations belligérantes pendant la guerre peuvent servir de base à une réclamation valide, comme dans le cas d'actes de rançon et de contrats faits par des prisonniers de guerre pour subsistance, ou dans le cours d'un commerce conduit en vertu d'une licence. Dans tous ces cas, la réparation peut être revendiquée ultérieurement à la paix 2.

1 VATTEL, Droit des gens, liv. IV. chap. 1, § 19-21.

2 KENT'S Commentaries on American law, vol. I, p. 168, 5th. ed.

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