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1684, liv. 3, tit. 9, des Prises, art. 40, il est dit que les vaisseaux et effets des sujets ou alliés de la France, repris sur des pirates et réclamés dans le cours d'un an et un jour, après avoir été remis à l'amirauté, seront restitués à leur propriétaire sur le payement d'un tiers de la valeur du vaisseau et de son chargement comme droit de recousse. Ainsi est la loi de la Grande-Bretagne; mais les lois civiles de chaque État particulier peuvent sans aucun doute ordonner une autre règle à ses sujets. Ainsi l'ancien usage de la Hollande et de Venise donnait la propriété entière à celui qui avait fait la reprise, sur le principe de l'utilité publique. De même en agit l'Espagne, si la propriété est restée vingt-quatre heures en la possession des pirates 1.

Valin, dans son commentaire sur l'art. ci-dessus de l'ordonnance française, est d'avis que si la reprise a été faite par un étranger, sujet d'un État dont la loi donne l'entière propriété à celui qui a fait la reprise, cette propriété ne peut être restituée à son premier propriétaire; et il cite à l'appui de cette opinion un décret du parlement de Bordeaux en faveur d'un sujet hollandais qui avait repris un vaisseau français sur des pirates 2.

A cette interprétation Pothier objecte que les lois de la Hollande n'ayant pas de pouvoir sur les Français et leurs propriétés sur le territoire de France, le sujet français ne pouvait pas par conséquent être privé de la propriété de son vaisseau dont la capture par des pirates ne l'avait pas dépouillé selon le droit des gens, et que cette propriété devait alors lui être restituée sur payement du droit de recousse prescrit par l'ordonnance 3.

Sous le terme alliés, dans cet article, sont compris les neutres, et Valin soutient que la propriété des sujets de puissances amies reprise sur des pirates français ne

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1 GROTIUS par BARBEYRAC, liv. III, chap. x, § 16, n' 1, et note. 2 VALIN, Comm. sur l'ordon. de la mar., liv. III, tit., Ix, art. 10. 3 POTHIER, Traité de propriété, no 101.

doit pas leur être rendue sur le payement du droit de recousse, si la loi de leur pays la donne tout entière à ceux qui ont fait la reprise; autrement il y aurait un défaut de réciprocité qui blesserait la justice impartiale due par un État à un autre 1.

2o Si la propriété est reprise sur un bâtiment preneur revêtu d'une commission légale mais non ennemi, il n'y a pas à douter davantage qu'elle ne doive être restituée au premier propriétaire. Car l'action de prendre étant ellemême une action injuste, ne saurait changer la propriété qui doit demeurer au propriétaire.

Si cependant le vaisseau neutre ainsi repris était chargé de marchandises de contrebande destinées à l'ennemi de celui qui a fait la première capture, il est peut-être permis de douter qu'il doive être rendu, en tant qu'il était susceptible d'être confisqué comme prise de guerre par ce dernier. Martens expose le cas d'un vaisseau hollandais capturé par les Anglais, d'après la règle de la guerre de 1756, et repris par les Français, dont la restitution fut ordonnée par le conseil des prises maritimes, décision basée sur ce que le vaisseau hollandais ne pouvait avoir été justement condamné dans les cours de prises anglaises. Mais si le cas avait été celui d'un commerce regardé comme contrebande par le droit des gens et les traités, le propriétaire originaire n'aurait pas été admis au bénéfice de la restitution 2.

En général aucun droit de recousse n'est dû pour la reprise de vaisseaux et de chargements neutres, d'après le principe que la délivrance d'un bonæ fidei neutre des mains de l'ennemi du bâtiment qui a fait la capture n'est

1 VALIN, Comm. sur l'ordonnance de la marine, liv. III, IX, art. 10. 2 MARTENS, Essai sur les prises et reprises, § 52. «Sa Majesté a jugé pendant la dernière guerre que la reprise d'un navire neutre fait par un corsaire français (lorsque le navire n'était pas chargé de marchandises prohibées, ni dans le cas d'être confisqué par l'ennemi), était nulle. (Code des prises en 1784, t. II.)

pas un service avantageux au neutre, en tant que le même ennemi serait forcé par les tribunaux de son propre pays de restituer la propriété ainsi saisie injustement.

Ce fut d'après ce principe que le conseil français des prises maritimes arrêta, en 1800, que le vaisseau américain Statira, capturé par un Anglais et repris par un croiseur français, serait rendu à son propriétaire originaire, quoique la cargaison fût condamnée comme contrebande ou propriété de l'ennemi. La sentence de la cour était fondée sur les conclusions de M. Portalis, qui établit que la reprise de vaisseaux étrangers neutres par des croiseurs français, vaisseaux de l'État ou corsaires, ne donnait aucun titre à ceux qui avaient fait la reprise. Le code des prises français ne s'appliquait qu'aux vaisseaux français et aux biens repris sur l'ennemi. Selon le droit des gens universel, le vaisseau neutre doit être respecté par toutes les nations. S'il est injustement saisi par les croisières de l'une ou de l'autre des nations en guerre, ce n'est pas une raison pour qu'un autre devienne complice de cet acte d'injustice ou tâche d'en profiter. De cette maxime il résulte, comme corollaire, qu'un vaisseau étranger réconnu neutre et repris sur l'ennemi par une croisière française, doit être restitué sur due preuve de neutralité. Mais on pourrait demander pourquoi l'on traite un vaisseau étranger en pareil cas avec plus de faveur qu'un vaisseau français. La raison en est claire. D'après la supposition sur laquelle sont fondées les règles relatives à cette matière, le vaisseau français tombé entre les mains de l'ennemi eût été perdu à tout jamais s'il n'avait été repris: par conséquent la reprise est une prise enlevée à l'ennemi. Si le cas cependant était celui d'un vaisseau étranger reconnu neutre, la saisie de ce vaisseau par l'ennemi ne le rend pas ipso facto propriété de l'ennemi, puisque sa confiscation n'a pas encore été prononcée par le juge compétent. Jusqu'à ce que ce jugement ait été prononcé, le vaisseau naviguant ainsi sous

pavillon neutre ne perd ni son caractère national ni ses droits. Quoiqu'il ait été saisi comme prise de guerre, il peut à la fin être rendu à son propriétaire originaire. En de telles circonstances la reprise de ce vaisseau ne peut en transférer la propriété à celui qui l'a faite. La question de neutralité reste entière, et doit être déterminée avant qu'une pareille transmutation de propriété n'ait eu lieu. Tel était le langage de tous les publicistes, et tel était l'usage général de toutes les nations civilisées. Il s'ensuivait que le vaisseau en question n'était pas sujet à confiscation par le fait seul qu'il avait été capturé par l'ennemi. Avant qu'une telle sentence pût être prononcée, le tribunal français devait faire ce qu'aurait fait le tribunal ennemi: il devait déterminer la question de neutralité, et cette question l'ayant été en faveur du réclamant, la restitution suivrait naturellement 1.

Cependant à cette règle générale a été faite une exception importante, fondée sur le principe ci-dessus relaté du code des prises, dans le cas où le vaisseau ou la cargaison reprise était en pratique sujette à être confisquée par l'ennemi. Dans ce cas il est indifférent que la propriété soit justement susceptible d'être ainsi confisquée d'après le droit des gens, puisque cela ne peut faire aucune différence dans la nature méritoire du service rendu au premier propriétaire par le bâtiment qui a fait la reprise. Car le prétexte sur lequel le droit de recousse est refusé par la règle générale, et que les cours de prises du pays du bâtiment preneur respecteront exactement les obligations de cette loi; présomption que dans les guerres d'États civilisés, ainsi qu'elles sont faites ordinairement, chaque nation belligérante doit entretenir dans ses relations avec les nations neutres. Mais si en point de fait ces obligations ne sont pas exactement observées par les tribunaux, et

1 Décision relative à la prise du navire Statira, 6 thermidor an VIII, p. 2-4.

qu'en conséquence la propriété neutre soit injustement soumise à la confiscation à leur profit, un bénéfice évident est acquis au propriétaire véritable, lorsqu'on délivre sa propriété de ce péril, délivrance qui doit être rémunérée par le payement du droit de recousse. Ce fut d'après ce principe que la cour d'amirauté de la Grande-Bretagne et des États-Unis, pendant la guerre qui se termina par le traité de paix d'Amiens, arrêta que le payement du droit de recousse était dû sur la propriété neutre reprise sur des croisières françaises. Durant la révolution en France, de grandes irrégularités et beaucoup de confusion étaient nées dans le code des prises anciennement adopté, et s'étaient glissées dans les tribunaux de ce pays, au moyen de quoi la propriété neutre fut assujettie à condamnation sur des bases injustes et inconnues du droit des gens. La reprise de la propriété neutre que ces irrégularités et cette confusion auraient exposée à la confiscation, fut alors considérée par les cours de prises anglaise et américaine comme un service méritoire, et fut par conséquent récompensée par le payement du droit de recousse 1. Ces abus furent corrigés sous le gouvernement consulaire, et tant que les décisions du conseil des prises furent dirigées par le savant et vertueux magistrat Portalis, il n'y eut aucun motif particulier de plainte de la part des nations neutres relativement à l'administration pratique du code des prises, jusqu'à la promulgation du décret de Berlin en 1806. Cette mesure occasionna l'exception à la règle qui remettait le droit de recousse en usage dans les cours anglaises d'amirauté. Ces cours arrêtèrent de nouveau que le droit de recousse serait payé pour la reprise de la propriété neutre que ce décret assujettissait à la condamnation 2. 'ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. II, p. 299. The War Onskan. Vol. IV, p. 156. The Eleonora Catharina. Vol. V, p. 54. The Carlotta. Vol. IV, p. 104. The Huntress. CRANCH'S Reports, vol. I, p. 1. — Talbot v. Seemann, DALLAS' Reports, vol. IV, p. 34, S. C.

2 ROBINSON'S Admiralty Reports vol. VI, p. 410. The Samson. EDWARD'S Admiralty Reports, vol. I, p. 254. The Acteon.

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