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<< On dit encore qu'un pays en appliquant à d'autres pays leurs règles respectives, aura une pratique discordante et irrégulière: cela peut être; mais ce sera une discordance procédant de la plus exacte uniformité de principe, ce sera idem per diversa. On demande aussi: Adopterez-vous les règles de Tunis et d'Alger? Si vous prenez pour vos alliés le peuple de Tunis et d'Alger, assurément vous les adopterez. Vous devez agir envers eux d'après les mêmes règles de justice relative que vous emploierez vous-même dans votre conduite envers les autres nations. Sur toutes ces objections il est à remarquer qu'une règle peut porter l'empreinte d'une contradiction apparente, et renfermer cependant beaucoup de convenance et d'à-propos relatifs. Un règlement peut être très-peu convenable si l'on voulait l'établir, et être cependant extrêmement convenable, et même la seule règle propre à être observée envers les autres parties qui l'ont originairement établie pour elles-mêmes.

<< Autant vaudrait m'expliquer sur la simple question de convenance, mais il est bien plus important d'examiner quelle est la règle actuelle du droit maritime de l'Angleterre sur ce point. Voici clairement en quoi il consiste. La loi maritime de l'Angleterre ayant adopté une règle plus large de restitution ou de sauvetage par rapport aux propriétés reprises de ses sujets, donne le bénéfice de cette règle à ses alliés, jusqu'à ce qu'ils paraissent agir envers la propriété anglaise d'après un principe moins libéral, et en pareil cas elle adopte leur règle, et les traite selon la mesure de leur justice. Je regarde ceci comme étant la véritable situation de la loi de l'Angleterre sur ce point. C'est ainsi qu'elle fut clairement reconnue dans le cas du San-Jago. Ce cas ne fut pas, comme on l'a fait entendre, décidé dans des circonstances spéciales, ni sur de nouveaux principes, mais sur des principes d'usage établi et d'autorités en fait de jurisprudence de ce pays. Dans la

La loi américaine adopte

la règle de réciprocité

restitution

de

la propriété

amies

reprise sur

un ennemi.

discussion de ce cas on prêta beaucoup d'attention à une opinion trouvée dans les collections manuscrites d'un légiste très-distingué (sir E. Simpson), qui rapporte la pratique et la règle suprême comme on la comprenait dans son temps. Cette règle c'est que l'Angleterre restitue, sur payement de droit de recousse, à ses alliés leur propriété, mais que si l'on peut donner des exemples de propriété anglaise reprise par ces mêmes alliés et condamnée comme prise, la cour d'amirauté aura à décider leurs cas d'après leur propre règle 1.

La loi américaine procède d'après le même principe de réciprocité, quant à la restitution de vaisseaux, ou de quant à la biens appartenant à des nations étrangères amies et répris sur l'ennemi par les vaisseaux de guerre américains. Par de nations l'acte du congrès du 3 mars 1800, ch. 168 (XIV), § 3, il est arrêté que les vaisseaux ou les biens des personnes résidant continuellement sur le territoire et sous la protection d'un gouvernement étranger quelconque, ami des États-Unis, qui seront repris par les vaisseaux américains, seront restitués au propriétaire. Celui-ci payera pour droit de recousse telle proportion de la valeur de la propriété que l'usage de ces gouvernements étrangers exigera des vaisseaux ou des biens des États-Unis, en pareille circonstance de reprise. Lorsqu'il n'y aura pas de semblable loi ou d'usage reconnus, on accordera le même droit de recousse que celui déterminé dans le cas de reprise de la propriété de personnes résidant sur le territoire, et sous la protection des États-Unis. Pourvu que ces vaisseaux ou ces biens ne soient rendus au premier propriétaire dans aucun cas où la même propriété aura été condamnée de bonne prise par l'autorité compétente avant la reprise, ni dans aucun cas où, d'après la loi et l'usage de ce gouvernement étranger, les vaisseaux ou les biens des

1 Sir W. Scott, ROBINSON's Admiralty Reports, vol. I, p. 58–63.

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États-Unis ne seraient pas restitués en pareilles circons

tances.

Lois de différents

Il devient important de déterminer quel est le principe fondamental de la loi relative aux reprises, adoptée par relays aux

les différentes nations maritimes. chercher soit dans le code des

Ce principe, on doit le

prises et les décisions

judiciaires de chaque pays, soit dans les traités par lesquels ils sont liés les uns aux autres.

reprises.

La loi anglaise actuelle de recousse militaire fut établie Loi anglaise, par les statuts de 43 Geo. III, ch. 160, et le 45o Geo. III, ch. 72, qui établissent que tous vaisseaux ou leurs cargaisons appartenant à des sujets anglais, et capturés par l'ennemi comme prise, seront rendus aux premiers propriétaires sur le payement, pour droit de recousse, de la huitième partie de leur valeur, s'ils sont repris par les bâtiments de Sa Majesté, et de la sixième partie de leur valeur, s'ils sont repris par un corsaire ou autre navire ou bâtiment sous la protection de Sa Majesté. Et si cette même propriété a été reprise par l'opération simultanée des vaisseaux de Sa Majesté et de corsaires, alors la cour compétente ordonnera le payement de tel droit de recousse qui sera jugé convenable et raisonnable. Mais si le vaisseau ainsi repris paraît avoir été converti par l'ennemi en vaisseau de guerre, alors ce même vaisseau ne sera pas rendu aux premiers propriétaires, et il sera condamné de bonne prise au bénéfice de ceux qui l'ont capturé. L'acte du congrès du 3 mars 1800, ch. 168 (XIV), américaine. §§ 351 et 352, arrête qu'en cas de reprise de vaisseaux ou de biens appartenant à des personnes résidant dans le territoire des États-Unis, ou sous la protection de ces États, si les vaisseaux n'ont pas été condamnés comme prise par l'autorité compétente, avant la reprise, ils seront restitués sur le payement d'un droit de recousse de la huitième partie de leur valeur, s'ils sont repris par un vaisseau de l'État. Si le navire repris paraît avoir été converti

Loi

Loi française.

en vaisseau de guerre avant ou après la capture, et avant la reprise, le droit de recousse est alors de la moitié de la valeur du navire. Si le vaisseau repris appartenait auparavant au gouvernement des États-Unis, et qu'il soit non armé, le droit de recousse est d'un sixième, s'il est repris par un vaisseau privé, et d'un douzième, s'il est repris par un vaisseau de l'État. S'il est armé, le droit devient alors de la moitié de la valeur, si la reprise est faite par un vaisseau privé, et du quart, si elle est faite par un vaisseau public. A l'égard des vaisseaux publics armés, la cargaison paye le même taux de recousse que le vaisseau d'après les expressions mêmes de l'acte; mais quant aux vaisseaux privés, le droit de recousse (probablement par suite d'une omission involontaire dans l'acte) est le même sur la cargaison, que le vaisseau soit armé ou non 1.

On s'apercevra qu'il y a une différence évidente sur ce point entre la loi anglaise et la loi américaine. L'acte du parlement continue le jus postliminii pour toujours entre les propriétaires originaires et ceux qui ont repris le bàtiment, même s'il y a eu une sentence antérieure de condamnation, à moins que le vaisseau repris ne paraisse avoir été converti par l'ennemi en vaisseau de guerre, tandis que l'acte du congrès continue le jus postliminii jusqu'à ce que la propriété soit ravie par une sentence de condamnation dans une cour compétente, et pas pour plus longtemps que l'époque de cette condamnation. C'était aussi la loi maritime de l'Angleterre jusqu'au moment où les statuts intervinrent, et quant aux sujets anglais remirent en vigueur le jus postliminiï du propriétaire originaire.

D'après la loi française la plus récente sur le sujet des reprises, si un vaisseau français est repris sur l'ennemi, après être resté plus de vingt-quatre heures entre ses mains, il est de bonne prise pour le bâtiment qui l'a repris. Mais s'il est repris avant que les vingt-quatre heures ne 1 CRANCH'S Reports, vol. IX, p. 244. L'Adeline.

se soient écoulées, il est rendu au propriétaire avec la cargaison, sur le payement d'un tiers de la valeur pour droit de recousse, en cas de reprise par un corsaire, et d'un trentième, en cas de reprise par un vaisseau de l'État. Mais en cas de reprise par un vaisseau de l'État après vingt-quatre heures de possession, le vaisseau et la cargaison sont restitués sur le payement d'un dixième.

Quoique la lettre des ordonnances antérieures à la révolution condamnât de bonne prise la propriété française reprise après un laps de temps de plus de vingtquatre heures en la possession de l'ennemi, qu'elle ait été reprise par un vaisseau de guerre privé ou public, il semble cependant que la pratique constante en France ait été de restituer cette propriété quand elle avait été reprise par les vaissaux du roi 1. La réserve contenue dans l'ordonnance du 15 juin 1779, au moyen de laquelle la propriété reprise après vingt-quatre heures de possession par l'ennemi, était condamnée au profit de la couronne, qui se réservait d'accorder à ceux qui avaient fait la reprise telle récompense qu'elle jugerait à propos, rendit le droit de recousse discrétionnaire dans tous les cas, puisqu'il était réglé par le roi en conseil selon les circonstances 2.

La France applique sa propre règle à la reprise de la propriété de ses alliés. Ainsi le conseil des prises décida, le 9 février 1801, relativement à deux vaisseaux espagnols repris par un corsaire français après que les vingt-quatre heures de possession étaient écoulées, que ces vaisseaux seraient condamnés de bonne prise pour le bâtiment repreneur. Si la reprise avait été faite par un vaisseau de l'État, soit avant soit après les vingt-quatre heures de possession par l'ennemi, la propriété aurait été restituée au VALIN, Comment. sur l'ordonn. de là mar., liv. III, tit. 1x, art. 3. Traité des prises, chap. vi, § 1, no 8, § 88. POTHIER, Traité de la propriété, no 97. ÉMERIGON, des Assurances, t. I. p. 497. 2 ÉMERIGON, des Assurances, t. I. p. 497.

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