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donnée à la sentence définitive de cette cour, en tant que, d'après le droit des gens général, on devait présumer que la justice avait été administrée par cette cour, tribunal suprême compétent en matière de prises. Mais cette objection fut rejetée par le conseil, d'après les fondements et les principes déjà expliqués, et dans plusieurs cas il accorda une indemnité pleine et satisfaisante alors qu'il y avait eu sentence définitive de condamnation.

On pourrait citer beaucoup d'autres exemples d'arrangement entre les États par lesquels des commissions mixtes ont été chargées d'entendre, et de décider sur les plaintes des sujets de puissances neutres à propos de captures de guerre, non dans le but de revoir les sentences des cours compétentes de prises entre ceux qui capturent et ceux qui sont capturés, mais dans le but d'accorder une juste indemnité d'État à État, dans les cas où une compensation satisfaisante n'a pas été reçue dans le cours ordinaire de la justice. Quoique la théorie du droit public considère les tribunaux de prises établis par le pays belligérant, et siégeant dans ce pays, exactement comme s'ils étaient établis par le pays neutre et siégeassent dans le pays neutre, et comme s'ils jugeaient toujours conformément au droit international commun à chacun d'eux, on sait fort bien cependant qu'en pratique ces tribunaux prennent pour guides les ordonnances sur les prises et les instructions émanées du souverain belligérant, sans s'inquiéter si elles s'accordent avec la règle suprême. Si donc les sentences définitives de ces tribunaux devaient été regardées comme absolument concluantes, au point d'écarter toute enquête sur leur mérite, la conséquence évidente serait d'investir l'État belligérant du pouvoir législatif sur les droits des neutres, et d'empêcher ces derniers de montrer que les ordonnances et les instructions d'après lesquelles les sentences ont été prononcées sont contraires à cette loi par laquelle les étrangers seuls sont liés.

Ces principes ont reçu une confirmation récente dans la négociation entre les gouvernements américains et danois relative aux captures de vaisseaux et de cargaisons américains faites par les croiseurs du Danemark pendant la dernière guerre entre cette puissance et la Grande-Bretagne. Dans le cours de cette négociation les ministres danois objectèrent que la validité de ces captures avait été définitivement décidée devant la cour des prises compétente du pays belligérant, et ne pouvait être de nouveau remise en question. De la part du gouvernement américain il fut admis que la juridiction des tribunaux de la nation qui capture était exclusive et complète sur la question de prise ou de non-prise, au point de transférer la propriété des choses condamnées du propriétaire originaire à ceux qui ont fait la capture ou à ceux qui réclament après eux; que la sentence définitive de ces tribunaux est concluante quant au changement de propriété qu'elle opère, qu'elle ne peut être accessoirement remise en question devant une autre cour judiciaire, et qu'elle a pour effet de clore pour toujours toute controverse particulière entre ceux qui ont fait la capture et ceux qui ont été capturés. La demande que faisaient les États-Unis au gouvernement danois n'avait pas pour objet la révision judiciaire et l'annulation des sentences prononcées par les tribunaux de Danemark, mais l'indemnité à laquelle avaient droit les citoyens américains en conséquence du déni de justice commis par les tribunaux en dernier ressort, et de la responsabilité ainsi encourue par le gouvernement danois pour les actes de ses croiseurs et de ses tribunaux. Le gouvernement danois était naturellement libre d'adopter telles mesures qu'il croirait à propos, pour tirer satisfaction de l'injustice de ces sentences. Une des plus naturelles serait un nouvel examen et une discussion des cas dont on se plaignait, examen qui serait dirigé par un tribunal impartial sous la sanction des deux gouvernements, non

§ 17.

Titre à la

propriété

immobilière;

se transféra

la guerre. Jus

pas dans le but de changer la question de titre à la propriété spécifiée, déjà irrévocablement condamnée, ni de faire revivre la controverse entre les individus qui avaient fait la capture et ceux qui la réclamaient, mais dans le but de déterminer, de gouvernement à gouvernement, s'il avait été fait quelque injustice par les tribunaux d'une puissance aux citoyens de l'autre, et de décider quelle indemnité devrait être accordée à ces derniers.

La justesse de cette distinction fut reconnue par les ministres danois, et il fut conclu un traité par lequel une indemnité satisfaisante fut accordée aux réclamants américains 1.

Nous avons vu que la ferme possession, ou la sentence d'une cour compétente, suffit pour confirmer le titre de comment il celui qui a fait la capture aux biens personnels ou mobipendant liers pris en guerre. On appliqua une règle différente aux postliminii. propriétés réelles ou immeubles. Le propriétaire originaire de cette espèce de propriété a droit à ce qu'on appelle le bénéfice de postliminii, et le titre acquis pendant la guerre doit être confirmé par un traité de paix avant d'être considéré comme complétement valide. Cette règle ne peut s'appliquer souvent au cas d'une simple propriété privée, qui, selon l'usage général des nations modernes, est exempte de confiscation. Elle ne devient importante en pratique que dans les questions résultant d'aliénations de biens immeubles appartenant au gouvernement, faites par l'État belligérant adverse pendant son occupation militaire du pays. Un pareil titre doit être expressément confirmé par le traité de paix ou par l'opération de la cession du territoire faite par l'ennemi dans un pareil traité. Jusqu'à cette confirmation, ce titre reste susceptible d'être enlevé par le jus postliminii. Celui qui achète une portion du domaine national la prend au risque d'être évincé par le souverain

1 MARTENS, Nouveau Recueil, t. VIII, p. 350.

originaire propriétaire, quand il rentre en possession de ses domaines 1.

$18. Bonne foi

ennemis.

Grotius a consacré tout un chapitre de son grand ouvrage à prouver, par le témoignage universel de tous les envers les siècles et de tous les peuples, que la bonne foi doit être observée envers l'ennemi. Et même Bynkershoek, qui soutient que toute autre espèce de fraude peut être employée envers lui, prohibe la perfidie, en se fondant sur ce que son caractère d'ennemi cesse au moyen du traité, dans toute l'étendue des termes de ce traité. «Je permets toute espèce de ruse,» dit-il, «la perfidie seule exceptée, non parce que contre l'ennemi il y ait quelque chose d'illégal, mais parce que quand nous lui avons donné, notre foi, dans tout ce qui se rapporte à la promesse donnée, il cesse d'être ennemi. Certes sans cette modification les horreurs de la guerre s'étendraient indéfiniment et auraient une interminable durée. L'usage des nations civilisées a donc introduit un certain commercium belli, au moyen duquel la violence de la guerre peut être tempérée relativement à son sujet et à son but, et l'on peut conserver une espèce de rapport pacifique qui conduise d'abord à un arrangement de différends, et ensuite à la paix 2. »

Il y a différentes manières de tempérer l'extrême rigueur $ 19. Trêve ou des droits de la guerre, au gré des parties belligérantes armistice. respectives. Parmi elles est la suspension d'hostilités au moyen de trêve ou d'armistice. Cette trêve peut être générale ou spéciale. Si elle est générale dans son appli

1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, chap. vI, § 4; cap. IX, § 13. VATTEL, Droit des gens, liv. III, chap. XIII, § 197-200, 210, 212. KLÜBER, Droit des gens moderne de l'Europe, § 256-258. MARTENS, Précis, etc., liv. VIII, chap. iv, § 282, a. Quand le cas

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de conquête est compliqué de celui de révolution civile et de changement de gouvernement intérieur reconnu par la nation elle-même et par les puissances étrangères, il faut recourir à une modification de la règle dans son application pratique. Vide ante pt. I, chap. 11, § 11, p. 38.

2 BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. 1. RoBINSON'S Admiralty Reports, vol. II, p. 439. The Daifje.

cation à toutes les hostilités en tous lieux, et doive durer longtemps ou pendant une période indéterminée, elle a quant à ses effets l'importance d'une paix temporaire, si ce n'est qu'elle laisse indécise la controverse qui a fait naître la guerre. Telles étaient les trêves anciennement conclues entre les puissances chrétiennes et les Turcs. Tel fut aussi l'armistice conclu en 1609 entre l'Espagne et ses provinces révoltées des Pays-Bas. Une trêve partielle se limite à certaines places, comme la suspension d'hostilités qui peut avoir lieu entre deux armées en présence, ou entre une forteresse assiégée et l'armée assiégeante1. Le pouvoir de conclure un armistice universel ou susde conclure pension d'hostilités, n'est pas nécessairement impliqué dans l'autorité ordinaire officielle du général ou de l'amiral commandant en chef les forces militaires ou navales de l'État. La conclusion d'une pareille trêve générale exige ou l'autorisation spéciale antérieure du pouvoir suprême de l'État, ou une ratification subséquente par ce pouvoir 2.

$ 20. Pouvoir

un armistice.

$ 21. Période

de son opération.

Une trêve partielle ou suspension limitée d'hostilités peut être conclue entre les officiers respectifs de terre ou de mer des États belligérants, sans aucune autorisation spéciale à cet effet, quand dans la nature et l'étendue de leurs commandements cette autorisation est nécessairement impliquée comme essentielle à l'accomplissement de leurs devoirs officiels 3.

La suspension d'hostilités lie les parties contractantes et toutes celles qui agissent immédiatement sous leur direction du moment où elle est conclue. Mais il faut qu'elle soit dûment promulguée pour avoir force d'obligation légale relativement aux autres sujets des États belligérants; de sorte que si avant cette notification ils ont

1 VATTEL, Droit des gens, liv. II, chap. XVI, § 235, 236.

2 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, cap. XXII, § 8. Note de Barbeyrac. VATTEL, Droit des gens, liv. III, chap. xvi, § 233-238. 3 Vide ante pt. III, chap. II, § 3 et 4, p. 228-229.

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