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nique du manque de persona stundi in judicio ne peut, en principe, empêcher celui qui fait la capture d'intenter directement une action d'après l'acte de rançon. Et ceci paraît être la pratique des cours maritimes du continent européen 1.

- Voyez

1 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. I, p. 201. The Hoop. le Jugement de lord Mansfield dans le cas du Ricord v. Bettenham, BURROW's Reports, p. 1734. POTHIER, Traité de la propriété,

n° 136, 137.

CHAPITRE III.

DROITS DE LA GUERRE A L'ÉGARD DES ÉTATS NEUTRES.

$ 1. Définition

de la neutralité.

Je dois faire observer qu'il n'existe pas un mot grec ou latin qui réponde précisément aux expressions neutre et neutralité. Les mots neutralis, neutralitas, dont quelques auteurs modernes se sont servis, sont des barbarismes que l'on ne rencontre dans aucun auteur classique. Les légistes et les historiens de Rome se servent des mots amici, medii, pacati, socii, qui sont très-insuffisants à exprimer ce que nous entendons par neutres, et ils n'ont aucun substantif que ce soit pour rendre neutralité. La cause de ce défaut de terme est évidente. D'après les règles de guerre suivies par les nations même les plus civilisées de l'antiquité, l'on n'admettait pas qu'une nation eût le droit de jouir de la paix pendant que des nations voisines se feraient la guerre. Le peuple qui n'était pas un allié, était un ennemi; et comme l'on ne connaissait pas de rapport intermédiaire à ces extrêmes, il s'ensuivit qu'il n'existait pas de mot pour exprimer ce rapport. Les légistes modernes qui écrivirent en latin, dûrent, par conséquent, inventer des mots qui exprimassent les rapports internationaux inconnus aux nations païennes de l'antiquité, et qui avaient dû leur origine à des lois plus douces qui tendaient à renverser les usages invétérés des époques obscures qui précédèrent la renaissance des lettres. Grotius appelle les neutres medii, hommes du milieu1. Byn

1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, chap. ix.

kershoek, en traitant le sujet de la neutralité, dit: «Non hostes appello qui neutrarum partium sunt, nec ex fœdere his illisve quicquam debent; si quid debeant, fœderati sunt, non simpliciter amici 1.»

Il y a deux espèces de neutralité reconnues par la loi internationale. Il y a d'abord la neutralité naturelle ou parfaite, et ensuite la neutralité imparfaite, déterminée ou conventionnelle.

1o La neutralité naturelle ou parfaite est celle que tout État souverain a le droit, indépendamment d'un pacte positif, d'observer pour ce qui regarde les guerres où d'autres États peuvent être engagés.

Le droit que possède tout État indépendant de demeurer en paix tandis que d'autres États font la guerre, est un attribut incontestable de la souveraineté. Il est évidemment impossible, cependant, que les nations neutres soient complétement insensibles à l'existence de la guerre entre ces États avec lesquels elles continuent à maintenir des rapports accoutumés d'amitié et de commerce. Les droits de neutralité entraînent des devoirs correspondants. Parmi ces devoirs est celui d'impartialité entre les parties belligérantes. Le neutre est l'ami commun des deux parties, et ne peut pas par conséquent favoriser une partie au détriment de l'autre 2. Bynkershoek dit «qu'il est du devoir des neutres de faire en sorte de ne pas intervenir dans la guerre, et de faire égale et exacte justice aux deux parties. «Bello se non interponant,» c'est-à-dire, «poùr ce qui a rapport à la guerre, qu'ils ne préfèrent pas une

1 J'appelle neutres (non hostes) ceux qui ne prennent part ni pour l'une ni pour l'autre des puissances belligérantes, et qui ne sont liés à aucune par aucun traité. S'ils sont liés, ils ne sont plus neutres, mais alliés. (BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. 1, cap. ix. De statu belli inter non hostes.) Nous verrons plus loin que cette définition n'est applicable qu'à l'espèce de neutralité qui n'est pas modifiée par contrat spécial

2 BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. ix. VATTEL, Droit des gens, liv. III, chap. VII, § 103-110.

§ 2. sortes de

Différentes neutralité.

§ 3. Neutralité parfaite.

§ 4.

Neutralité

partie à l'autre, telle est la seule et convenable conduite à tenir par les neutres. Un neutre n'a rien à faire avec la justice ou l'injustice de la guerre; il ne lui appartient pas. de tenir la balance entre ses amis qui se font la guerre, ni d'accorder ou de refuser plus ou moins à l'une ou l'autre partie, selon qu'il croira la cause plus ou moins juste ou injuste. Si je suis neutre, je ne dois pas servir l'un afin de faire du tort à l'autre 1. >>

«Tels sont,» ajoute Bynkershoek, «les devoirs applicables à la condition de ces puissances qui ne sont pas liées par un traité quelconque, mais qui se trouvent dans un état de neutralité parfaite. Ces puissances, je les appelle amies, afin de les distinguer des confédérés et des alliés 2.

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2o La neutralité imparfaite, déterminée, ou conventionimparfaite. nelle, est celle qui est modifiée par un pacte spécial. Le droit public européen offre plusieurs exemples de cette espèce de neutralité.

de la Con

suisse.

Neutralité I. L'indépendance politique des cantons confédérés de fédération la Suisse, laquelle existait de fait depuis si longtemps, fut pour la première fois et formellement reconnue par l'empire germanique, dont ils constituaient tout d'abord une portion intégrante, lors de la paix de Westphalie en 1648. Les cantons suisses avaient gardé une prudente

1 Horum officium est, omni modo cavere, ne se bello interponant, et his quam illis partibus sint vel æquiores vel iniquiores...... Bello se non interponant, hoc est, in causa belli alterum alteri ne præferant, et eo solo recte defunguntur, qui neutrarum partium sunt...... Si recte judico, belli justitia vel injustitia nibil quicquam pertinet ad communem amicum; ejus non est, inter utramque amicum, sibi invicem hostem, sedere judicem, et ex causa œequiore vel iniquiore huic illive plus nimisve tribuere vel negare. Si medius sim, alteri non possum prodesse, ut alteri noceam. (Bynkershoek, Quæstionum juris publici lib. 1, cap. Ix.)

2 Exposui compendio quod mihi videtur de officio eorum, qui ex fœdere nihil quicquam debent, sed perfecte sunt neutrarum partium. Hos simpliciter amicos appellavi, ut a fœderatis et sociis distinguerem. (BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. 1x.)

neutralité pendant la guerre de trente ans, et à partir de cette époque jusqu'à la guerre de la révolution française leur neutralité avait été respectée, à quelques faibles exceptions près, par les États limitrophes. Mais cette neutralité avait été déterminée par un pacte spécial existant entre la Confédération ou les cantons séparés et des États étrangers, au moyen duquel il existait des traités d'alliance ou capitulations pour l'enrôlement de troupes suisses au service de ces États. L'utilité politique de respecter la neutralité de la Suisse fut mutuellement sentie par les deux grandes monarchies de France et d'Autriche durant leur longue dispute touchant la suprématie sous la domination des maisons de Bourbon et de Habsbourg. Telle est la position géographique toute particulière de la Suisse entre l'Allemagne, la France et l'Italie, au milieu de ces grandes chaines de montagnes d'où sortent les grands fleuves, le Danube, le Rhin, le Rhône et le Pô, que s'il y avait un chemin ouvert à travers le territoire suisse aux armées autrichiennes, ces dernières pourraient avoir de libres communications depuis la vallée du Danube jusqu'à la vallée du Pô, et menacer ainsi la frontière de la France de Bâle à Nice. Pour éviter ce danger imminent, il faut que la France soit fortifiée dans toute l'étendue de cette frontière; tandis que, d'un autre côté, si tous les passages des Alpes de Suisse sont fermés à son ennemi, la France peut rassembler toutes ses forces vers le Rhin, puisque l'histoire a toujours prouvé que toutes les tentatives faites par les Impériaux pour pénétrer dans les provinces méridionales de la France par le Var ont toujours échoué, à cause de l'éloignement du théâtre des opérations et des difficultés inhérentes à cette position. avantages que peut retirer la France de la neutralité permanente de la Suisse sont donc évidents. Cette neutralité n'est pas moins essentielle à la sûreté de l'Autriche. Que la Suisse devienne jamais un champ de bataille légal pour

Les

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