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côtes de la mer dans laquelle une nation neutre pouvait raisonnablement réclamer le droit d'empêcher l'exercice des hostilités. La nature des rivages des Etats-Unis, remarquables dans des parties considérables comme ne permettant pas aux gros vaisseaux de passer près de la côte, donnerait raisonnablement droit, pensait-on, à ces mêmes États à une ceinture de navigation protégée aussi large qu'à toute autre nation que ce fût. Le gouvernement cependant ne proposa pas, à cette époque, et sans communications amiables avec les puissances étrangères intéressées à cette navigation, de fixer la distance dans laquelle il pourrait ultérieurement réclamer son droit de protection. Le président Washington donna des instructions aux officiers chargés de son exécution, de la restreindre pour le moment présent à la distance d'une lieue marine, ou trois milles géographiques, des côtes. On supposait que cette distance ne rencontrerait aucune opposition, étant admise par les traités entre les États-Unis et quelques-unes des puissances avec lesquelles ils étaient en relation de commerce, et ne s'étendant pas plus loin que celle réclamée par certaines d'entre elles pour leurs propres côtes. Quant aux baies et aux rivières elles avaient toujours été considérées comme parties du territoire, et par les lois de l'ancien gouvernement colonial, et par celles de l'union actuelle, et leur exemption des opérations de la guerre était sanctionnée par le droit général et l'usage des nations. Le 25 article du traité de 1794, entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, stipulait «qu'il ne serait permis à aucune des parties de s'emparer des vaisseaux ou des biens appartenant aux citoyens ou aux sujets de l'autre à portée de canon de la côte, ni dans aucun des ports, baies, ou rivières de leurs territoires, au moyen de vaisseaux de guerre ou autres bâtiments ayant commissions de quelque prince, république, ou État que ce soit. Mais en cas que cela arrivât, la partie dont les droits

territoriaux auraient été ainsi violés mettra ses plus pressants efforts à obtenir pleine et entière satisfaction pour le navire ou les navires ainsi pris, que ce soit des bâtiments de guerre ou des bâtiments marchands.» Avant ce traité avec la Grande-Bretagne, les États-Unis étaient obligés, par traités avec trois des nations belligérantes (la France, la Prusse et la Hollande), de protéger et défendre, «<par tous les moyens en leur pouvoir, » les vaisseaux et effets de ces nations, dans leurs ports, ou dans leurs eaux, ou sur mer, près de leurs côtes, et de reprendre et restituer ces vaisseaux au véritable propriétaire quand ils lui auraient été enlevés. Mais ils n'étaient pas forcés de donner compensation quand tous les moyens en leur pouvoir auraient été employés sans qu'ils eussent obtenu d'effet. Quoique, quand la guerre fut commencée, ils n'eussent pas de traité semblable avec la Grande-Bretagne, l'opinion du président fut qu'ils devaient appliquer à cette nation la même règle que celle qui, d'après cet article, devait être appliquée aux autres puissances susnommées, et même l'étendre aux captures faites en pleine mer et amenées dans les ports américains, si ces captures étaient faites par des vaisseaux qui eussent été armés dans ces ports. Dans l'arrangement constitutionnel des différents pouvoirs de l'union fédérale américaine, des doutes s'élevèrent d'abord sur la question de savoir s'il appartenait au gouvernement exécutif ou au département de la justice de remplir le devoir de s'enquérir des captures faites dans le territoire neutre, par des vaisseaux de guerre originairement équipés, ou dont la force avait été augmentée dans ce même territoire, et de faire restitution à la partie lésée. Mais il a été depuis longtemps établi que ce devoir appartient à juste titre aux tribunaux de la fédération, agissant comme cours d'amirauté et de juridiction maritime 1.

1 Lettre de M. Jefferson à M, Genet, 8 nov. 1793. WAITE'S State Papers, vol. VI, p. 195. Opinion de l'attorney-général sur la cap

neutre pour rendre en cas

illégale.

Il a été décidé judiciairement que cette juridiction par- Limites à la $ 13. ticulière de vérifier la validité des captures faites en vio-juridiction lation de l'immunité du gouvernement neutre, ne peut être de capture exercée que pour restituer la propriété spécifiée quand elle était amenée volontairement dans le territoire, et ne va pas jusqu'à pouvoir infliger de dommages-intérêts comme dans les cas ordinaires de préjudices maritimes. Et il semble douteux que cette juridiction puisse être exercée quand la propriété a été une fois conduite infra præsidia du pays de celui qui l'a capturée, et qu'elle y a été régulièrement condamnée dans une cour de prises compétente. De quelque manière que ceci puisse arriver, dans les cas où la propriété est tombée entre les mains d'un acquéreur bona fide, sans qu'il ait remarqué l'illégalité de la capture, il a été décidé que la cour neutre d'amirauté restituerait la propriété au propriétaire primitif, quand elle se trouverait entre les mains de celui qui l'avait capturée, sur la réclamation de ce propriétaire d'après la sentence de condamnation. Mais l'équipement illégal n'affectera pas la validité d'une capture faite après que la croisière à laquelle a été appliqué cet équipement aura été entièrement terminée 1.

$ 14. Droit d'asile

dans les ports neutre du consentement de l'Etat neutre.

Quelques jurisconsultes expriment l'opinion que les croiseurs belligérants ont non-seulement le droit de chercher un asile et l'hospitalité dans les ports neutres, mais dépendant encore celui d'y conduire et d'y vendre leurs prises. Mais il ne parait y avoir rien dans les principes de droit public. établis qui puisse empêcher l'État neutre de s'opposer à l'exercice de ce privilége d'une manière impartiale pour toutes les puissances belligérantes, ou même de l'accor

ture du navire anglais Grange, 14 mai 1793. Ibid., vol. I, p. 75. Lettre de M. Jefferson à M. Hammond, 5 sept. 1793. WAITE's State Papers, vol. I, p. 165. WHEATON'S Reports, vol. VI, p. 65,

note a.

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1 WHEATON'S Reports, vol. V, p. 385. The Amistad de Rues, vol. VIII, p. 108; vol. IX, p. 658; vol. VII, p. 519. The Santissima Trinidad.

$15. En quoi

consiste l'impartialité

neutre.

$ 16.

Illégalité de l'armement des troupes, de l'équipement des vaisseaux,

rôlement des

hommes

der à l'une d'elles et de le refuser aux autres, quand ce privilége est stipulé par traité existant avant la guerre. L'usage des nations, ainsi que le prouvent leurs ordonnances maritimes, montre que c'est un exercice légitime de l'autorité souveraine que possède chaque État, de régler la police de ses ports et de maintenir la paix publique dans son territoire. Mais l'absence positive de prohibition implique la permission d'entrer dans les ports neutres pour les effets ci-dessus 1.

Vattel expose que l'impartialité que doit observer une nation neutre entre les parties belligérantes consiste en deux points: 4° De ne donner aucune assistance quand il n'y a pas de stipulation antérieure d'en donner; ni de ne pas fournir volontairement de troupes, d'armes, de munitions, ni autre chose d'un usage direct pour la guerre. «Je dis ne point donner de secours et non pas en donner également; car il serait absurde qu'un Etat secourût en même temps deux ennemis. Et puis il serait impossible de le faire avec égalité; les mêmes choses, le même nombre de troupes, la même quantité d'armes, de munitions, etc., fournies en des circonstances différentes, ne forment plus des secours équivalents. 2o Dans tout ce qui ne regarde pas la guerre, une nation neutre et impartiale ne refusera point à l'une des parties, à raison de sa querelle présente, ce qu'elle accorde à l'autre 2. >>

Ces principes furent invoqués par le gouvernement américain quand on tenta de violer sa neutralité au commencement de la guerre européenne en 1793, par l'ar

et de l'en- mement et équipement de vaisseaux et l'enrôlement d'hommes par les puissances belligérantes respectives, le territoire pour croiser l'une contre l'autre. Il fut exposé que si la

dans

- VATTEL,

1 BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. xv. liv. III, chap. VII, § 132. VALIN, Comment. sur l'ordonn. de la mar., t. II, p. 272.

2 VATTEL, Droit des gens. liv, III, chap. vii, § 104.

neutre

l'autre des

gérants.

puissance neutre, en raison de sa neutralité, ne pouvait par l'un ou fournir d'hommes à l'une ou l'autre des parties pour l'ai- Etats bellider dans la guerre, ni l'une ni l'autre des parties ne pouvait pas davantage en enrôler dans le territoire neutre. On eut recours à l'autorité de Wolfius et de Vattel pour montrer que la levée des troupes était une prérogative exclusive de la souveraineté, qu'aucune puissance étrangère ne pouvait légalement exercer dans le territoire d'un autre État sans sa permission expresse. Le témoignage de ces publicistes et d'autres écrivains sur le droit et l'usage des nations suffisait pour montrer que les États-Unis, en empêchant toutes les puissances belligérantes d'équiper, d'armer, et de monter des vaisseaux de guerre dans leurs ports, avaient exercé un droit et un devoir de justice et de modération. Par leurs traités avec plusieurs des puissances belligérantes, traités faisant partie de la loi du pays, ils avaient établi un état de paix avec elles. Mais sans recourir aux traités, ils étaient en paix avec elles toutes par le droit de la nature; car par le droit naturel l'homme est en paix avec l'homme jusqu'à ce que quelque agression soit commise, qui, par le même droit, autorise l'un à détruire l'autre, comme son ennemi. De la part des citoyens américains, commettre des meurtres et des dépradations sur les membres des autres nations, ou projeter de le faire, paraissait au gouvernement des États-Unis être autant contre les lois du pays que de tuer ou de voler, ou de projeter de tuer ou de voler leurs concitoyens, et mériter le même châtiment, si de tels actes se commettaient dans les limites de leur juridiction territoriale ou en pleine mer de leur juridiction personnelle, c'est-à-dire celle qui ne s'étendait qu'à leurs propres citoyens. Ce dernier droit est propre à chaque nation sur un élément où chacune d'elles a une juridiction commune 1.

1 Lettre de M. Jefferson à M. Genet 17 juin, 1793. Americain State Papers, vol. I, p. 155.

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