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$ 17. Défense

de tels armements par des ordonnances de l'Etat

neutre.

Acte d'enrôlement étranger.

Les mêmes principes furent ensuite incorporés, dans une loi du congrès, passée en 1794, et révisée et rétablie en 1818. Par cette loi il est déclaré que c'est un délit pour toute personne dans la juridiction des États-Unis d'augmenter la force d'un vaisseau de guerre d'une puissance étrangère en guerre avec une autre puissance avec laquelle les États-Unis sont en paix, ou de préparer une expédition militaire contre ces territoires d'une nation étrangère avec laquelle ils sont en paix; ou de louer ou enrôler des troupes ou des matelots pour un service étranger de terre ou de mer; ou de prendre part à l'armement d'un vaisseau pour croiser ou commettre des hostilités dans un service étranger contre une nation en paix avec eux; le vaisseau dans ce dernier cas devient sujet à confiscation. Le président est aussi autorisé à employer la force pour contraindre un vaisseau étranger à partir, quand, d'après le droit des gens, ou les traités, il ne doit pas rester dans les limites des États-Unis, et d'employer la force publique en général, pour soutenir les devoirs de neutralité prescrits par la loi 1.

L'exemple de l'Amérique fut bientôt suivi par la GrandeBretagne, dans l'acte du parlement 59, Geo. III, ch. 69, intitulé «acte pour empêcher l'enrôlement ou l'engagement des sujets de Sa Majesté dans les services êtrangers, et l'armement ou l'équipement dans les domaines de Sa Majesté, dans un but de guerre sans permission de Sa Majesté.» Les anciens statuts, 9 et 29, Geo. Il, établis pour empêcher la formation des armées jacobites en France et en Espagne, ajoutaient la peine de mort, comme pour cas de félonie, au crime d'entrer au service d'un État étranger. Les statuts 59. Geo. III, ch. 69, communément appelés «acte d'enrôlement étranger, » établirent une peine moins sévère, et suppléèrent aussi au défaut de

1 LENT'S Commentaries on Americain law, vol. I, p. 123. 5th. ed.

l'ancienne loi, en introduisant après les mots «roi, prince, État, ou potentat,» les mots «colonie ou province revêtues des pouvoirs de gouvernement,» afin d'atteindre le cas de ceux qui entrent au service d'États non-reconnus aussi bien d'États reconnus. L'acte aussi pourvoyait au soin de prévenir et de punir le délit d'équiper des vaisseaux de guerre ou de les fournir de munitions de guerre, points sur lesquels l'ancienne loi avait entièrement gardé le silence.

que

Dans les débats qui s'élevèrent dans le parlement sur l'établissement du dernier acte mentionné en 1819, et sur la motion de son rappel en 1823, sir J. Mackintosh et d'autres membres opposés au bill ne nièrent pas que le souverain pouvoir de chaque État ne pût intervenir pour empêcher ses sujets de s'engager dans les guerres des autres États par lesquelles sa propre paix pourrait être exposée ou ses intérêts politiques ou commerciaux affectés. Cependant on insista sur ce que les principes de neutralité requéraient seulement la législature anglaise de maintenir les lois dans leur état, mais ne pouvaient lui ordonner d'en changer aucune, ou au moins d'altérer les lois existantes pour l'avantage évident de l'une des parties belligérantes. Ceux qui assistaient des États révoltés, quelque méritoire que fût la cause dans laquelle ils étaient engagés, étaient dans une situation pire que ceux qui assistaient des États reconnus, puisqu'ils ne pouvaient pas légalement être réclamés comme prisonniers de guerre, et qu'ils couraient le risque, comme engagés dans ce qu'on appelait rébellion, d'être traités comme rebelles. La nouvelle loi proposée irait jusqu'à changer les risques relatifs, et opérer comme une loi de faveur pour l'une des parties belligérantes. A cet argument M. Canning répliqua que quand la paix fut conclue entre la Grande-Bretagne et l'Espagne en 1814, on introduisit dans le traité un article par lequel la première de ces puissances s'engageait à ne II. ช

fournir aucun secours à ce que l'on appelait alors les colonies révoltées de l'Espagne. Dans la suite, comme ces colonies devinrent plus puissantes, il s'éleva une question de nature très-difficile, celle de décider, sur due considération, de leur relation de jure, à l'Espagne d'une part, et de leur indépendance de facto, de l'autre. Le droit des gens n'offrait aucune règle précise quant à la conduite qui devait être suivie par les puissances étrangères, d'après des circonstances aussi singulières que celles de la transition de colonies, de l'obéissance due à la mère patrie, à une complète indépendance.

Il était difficile de savoir jusqu'à quel point la loi établie ou droit commun était applicable à des colonies dans une pareille situation. Il devenait donc nécessaire, dans l'acte de 1819, de traiter les colonies comme réellement indépendantes de l'Espagne, et d'empêcher mutuellement à l'égard des deux l'aide qui jusque-là n'avait été défendu que pour l'une. C'était pour donner effet entier et impartial aux dispositions du traité avec l'Espagne prohibant l'exportation d'armes et de munitions aux colonies, mais ne prohibant pas leur exportation en Espagne, que l'acte du parlement déclara que la prohibition serait mutuelle. Quand, cependant, par le cours des événements résultant des mesures du congrès de Vérone, la guerre devint probable entre la France et l'Espagne, on sentit la nécessité de réviser ces relations. Il était évident que si la guerre éclatait véritablement, l'Angleterre devait, ou étendre à la France la prohibition existant déjà à l'égard de l'Espagne, ou annuler pour l'Espagne la prohibition à laquelle elle était soumise, pourvu qu'on eût l'intention de mettre les deux pays sur le même pied. Tant qu'il fut question de l'exportation d'armes et de munitions, il était du pouvoir de la couronne d'effacer toute inégalité entre les belligérants par une simple ordonnance prise en conseil. Cette ordonnance fut rendue, et la prohibition d'exporter des

armes et des munitions pour l'Espagne fut levée. Par cette mesure le gouvernement anglais offrait une garantie de sa neutralité bona fide. La simple apparence de neutralité aurait pu être conservée par l'extension de la prohibition à la France, mais ce n'eût été qu'une prohibition de mots et non de fait. Car la proximité des ports belges de la France aurait rendu totalement illusoire la prohibition de l'exportation directe en France. Le rappel de l'acte de 1819 aurait non pas le même effet, mais un effet correspondant à celui qu'aurait produit une ordonnance prohibant l'exportation en France d'armes et de munitions. Le rappel n'existerait qu'en paroles à l'égard de la France, mais en fait par rapport à l'Espagne, et produirait en faveur de l'Espagne une inégalité d'opérations incompatible avec une impartiale neutralité. On invoqua l'exemple de l'Amérique, soutenant qu'il était de la justice et de la politique d'empêcher les sujets d'un État neutre de s'enrôler au service d'une puissance belligérante, et de prohiber l'équipement dans ses ports d'armements devant venir en aide à cette puissance. Telle fut la conduite de ce gouvernement sous la présidence de Washington et le secrétariat de Jefferson. Telle fut plus récemment la conduite de la législature américaine en révisant les statuts de neutralité de 1818, quand le congrès étendit les dispositions de l'acte de 1794 au cas de ces États non-reconnus des colonies espagnoles de l'Amérique du Sud, auquel il n'avait pas été pourvu dans la loi primitive 1.

$18. Jusqu'à l'immunité quel point du territoire neutre s'étend aux vaisseaux neutres en

L'illégalité des captures faites dans la juridiction territoriale d'un État neutre est incontestablement établie sur le principe, l'usage, et l'autorité. Cette immunité pour le territoire neutre de l'exercice des actes d'hostilité dans ses limites s'étend-elle aux vaisseaux de la nation en pleine mer pleine mer. et ne se trouvant pas dans la juridiction d'un autre État?

1 Annual Register, vol. LXI, p. 71. - - CANNING'S Speeches, vol. V, p. 34.

Nous avons déjà vu que les vaisseaux publics et privés de toute nation indépendante, en pleine mer et hors de la juridiction d'un autre État, sont soumis à la juridiction civile de l'État auquel ils appartiennent1. Cette juridiction n'est exclusive qu'en tant qu'elle regarde les délits commis contre les lois civiles de l'État auquel appartient le vaisseau. Elle exclut l'exercice de la juridiction de tout autre État d'après ses lois civiles, mais elle n'exclut pas l'exercice de la juridiction des autres nations pour les crimes qui relèvent du droit international, comme la piraterie et autres délits que toutes les nations ont un droit égal de juger et de punir. Exclut-elle donc l'exercice du droit du belligérant de capturer la propriété de

l'ennemi?

Ce droit de capture est, de l'aveu général, de nature à être exercé dans le territoire de l'ennemi, ou dans un lieu n'appartenant à personne: enfin partout, excepté dans le territoire d'un État neutre. Le vaisseau d'une nation neutre en pleine mer peut-il être considéré comme un territoire neutre?

On a fait ici une distinction entre les vaisseaux publics et les vaisseaux privés d'une nation. Quant à ses vaisseaux publics, il est universellement admis que le droit de visite, de recherche, de capture, ni aucun droit de la guerre, ne peuvent être exercés à bord d'un pareil vaisseau en pleine mer. Le vaisseau public appartenant à un souverain indépendant est exempt de toute espèce de visite et de recherche, même dans la juridiction territoriale d'un autre État. A plus forte raison doit-il être exempt de l'exercice des droits de la guerre sur l'Océan, qui n'appartient exclusivement à aucune nation 2?

A l'égard des vaisseaux privés, on l'a dit, le cas est différent. Ils ne forment point partie du territoire neutre, et

1 Vide ante, pt. II, chap. 1, § 10, p. 134.

2 Vide ante, ibid.

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