Page images
PDF
EPUB

Mexique, et en 1870, où il a été entre les mains de Bismarck un instrument dans cette triste comédie, qui devait avoir une suite si tragique, de la candidature Hohenzollern. M. L. a, comme il convenait, donné dans son récit une place importante à ces événements. Nos lecteurs ont eu d'ailleurs la primeur du chapitre consacré au rôle joué par Prim au Mexique; aussi intéressant est celui qui a trait à la candidature allemande, et où l'auteur a pu faire usage, pour éclaircir le sujet, de sources espagnoles qui n'avaient pas encore été utilisées.

Cette étude sur Prim fait partie de la collection Ministres et Hommes d'Etat dont le premier volume paru récemment était consacré à Bismarck (par M. Welschinger). Un troisième volume, consacré à Beaconsfield (par M. Courcelle), est annoncé comme devant paraître prochainement.

A. F.

G. D'Avenel. La noblesse française sous Richelieu. 1 vol. in-8. Librairie Armand Colin, 1901. Peu nombreuse, mais puissante, caste à part dans la nation, traitant presque avec le roi d'égale à égale, la noblesse française devait être la première à souffrir de l'organisation définitive du pouvoir royal sous le règne de Louis XIII. Après Richelieu, dépouillée par l'Etat de ses droits féodaux, inoccupée dans les provinces, réduite au métier des armes ou au rôle de courtisan, elle se police et s'affine, mais en même temps s'étiole et se dissout. Elle se ruine au service du roi et se voit peu à peu envahie et submergée par la noblesse d'argent et la noblesse de robe sur lesquelles s'appuie la puissance du mariage. A partir de Louis XIV elle n'a plus d'autre fonction dans l'État que de se faire tuer sur les champs de bataille. Cent années de cé rôle glorieux ne lui permettent pas de faire figure à côté de l'aristocratie du talent et de la fortune qui, au XVIIIe siècle, tiennent de plus en plus la première place. Ce fut le tort de Richelieu et de la royauté absolue d'avoir ainsi condamné à l'inutilité toute une caste de la nation qui aurait pu être un régulateur du despotisme royal. On préparait ainsi de longue main et, sans s'en rendre compte, la Révolution de 1789. Telle est la conclusion du présent volume de M. d'Avenel. Elle se dégage d'elle-même de l'ensemble des curieux chapitres de son livre, car l'auteur s'est bien gardé de la faute d'une étude trop philosophique. C'est en nous intéressant et nous amusant par la multiplicité des détails et des citations, c'est en nous montrant comment la noblesse vit, parle, s'habille, se promène, se bat ou se ruine qu'il amène notre esprit tout doucement et sans fatigue à tirer de lui-même une conclusion qui s'impose. En cela, il a fait œuvre de littérateur et d'historien de talent et il a assuré le succès d'un livre qui reste une profonde étude sociale tout en conservant les charmes d'un ouvrage anecdotique et captivant. P. L.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

le livre de M. Jenks est un des plus clairs et peut-être des plus intéres

sants qui aient été écrits jusqu'à présent sur le fameux problème des trusts. Ce n'est pas, en vérité, un livre de doctrine, et il n'est pas particulièrement destiné aux étudiants de la théorie économique; c'est surtout un livre de vulgarisation destiné à donner aux citoyens américains qui n'ont pas le loisir nécessaire pour approfondir cette question complexe un exposé impartial de principes et un ensemble de faits capables de leur permettre de se former un jugement. Sans chercher une définition scientifique du ‹ trust, M. Jenks englobe sous cette définition toutes les corporations industrielles qui ont un si grand capital et une telle puissance que le public les regarde comme constituant une menace pour son bien-être, et comme jouissant, au moins temporairement, d'un pouvoir considérable de monopole D. L'ouvrage est divisé en 11 chapitres. Le premier est une étude rapide de la nature de la concurrence; le second expose les désavantages de celle-ci pour le public en général, par l'augmentation de frais qu'elle amène souvent, et la possibilité de réaliser une économie sensible par une entente commune des producteurs ou par la concentration de la production. Les deux chapitres suivants sont consacrés aux avantages spéciaux que peuvent s'assurer les combinaisons industrielles, et à l'étude de l'entente commune pour arriver à un monopole de fait. Existe-t-il, à côté des monopoles naturels et des monopoles légaux, des monopoles capitalistiques? Autrement dit, le capital seul peut-il assurer des avantages analogues à ces monopoles? Il semble raisonnable de croire, répond M. J., que sans monopoles légaux ou naturels, ce que l'on entend par monopole peut être obtenu, temporairement au moins, à l'aide du seul capital, et apparemment ce pouvoir peut exister d'une manière permanente, exerçant, si l'on veut, une partie, sinon tout le pouvoir des autres monopoles, et nécessitant de même qu'eux l'intervention de l'État, par l'intermédiaire des tribunaux et des législatures pour prévenir les abus. Trois chapitres sont ensuite consacrés : l'un à l'étude de ces deux personnages importants que l'on trouve à l'origine de tous les trusts: le promoteur et le financier, et à la forme de leur rémunération; les autres, à la base de la capitalisation et aux méthodes d'organisation et de direction. Le huitième chapitre est peut-être le plus intéressant : c'est l'étude des prix des divers produits dont la fabrication a été l'objet d'ententes industrielles ou de monopolisation de fait. L'auteur étudie successivement le mouvement du prix du sucre, du wiskey, du pétrole, de l'étain et de l'acier afin d'essayer de dégager l'influence des trusts sur eux; des diagrammes accompagnent et éclairent ce chapitre. Le chapitre 9 étudie la question intéressante de l'influence que peuvent avoir les trusts sur les salaires. Les deux derniers sont consacrés : l'un aux effets politiques et sociaux des trusts, l'autre aux essais de législation spéciale auxquels ils ont donné lieu, et aux projets existants. M. J. n'est ni un adversaire, ni un partisan passionné des trusts; certains d'entre eux, croit-il, répondent à un mouvement qu'il serait impossible et maladroit d'entraver et, somme toute, à côté des maux dont ils peuvent être cause, rendent des services; mais il faudrait pouvoir arrêter ou au moins modérer la spéculation à laquelle des fraudes peuvent donner lieu. La publicité lui paraît être le meilleur remède à cet égard. Cette publicité assurée, nous pourrions recueillir de plus amples informations qui permettraient d'adopter plus tard une réglemen

tation plus définie et plus rigoureuse. Mais pour le moment, au moins, il ne serait pas sage d'entrer dans cette voie. >>

Le livre de M. Jenks mérite d'être lu. La littérature sur les trusts est d'ailleurs de plus en plus considérable aux États-Unis, où la question présente un immense intérêt par suite de leur développement.

M. Charles J. Bullock a écrit récemment dans le Quarterly Journal of economics (feb. 1901) un article sur cette littérature: Trust literature: a survey and a criticism, dans lequel il en donne une excellente bibliographie, et une rapide critique. Nous en extrayons les titres de quelques ouvrages récents qui peuvent intéresser ceux qui voudraient approfondir ce sujet. L'ouvrage de E. L. Von Halle: Trusts, or industrial combinations in the United States, publié à New-York en 1895, contient une bonne bibliographie du sujet jusqu'à cette date. Les principaux ouvrages parus depuis sont R.-T. Ely: Monopolies and trusts, New-York, 1900; - A.-B. Nettleton : Trusts or competition, Chicago, 1900; H. Wallace: Trusts, and how to deal with them, Des Moines, 1899; en français, l'ouvrage de M. P. de Rouviers Les industries monopolisées aux États-Unis, Paris, 1898, résultat d'une enquête personnelle; H.-D. Lloyd, Wealth against commandealth, New-York, 1899; G. Gunton, Trusts and the public, New-York, 1899; D.-F. Kennedy: Trusts, an argument from labor's standpoint; The Chicago conference on trusts, Chicago, 1900; Official report of the national anti-trust conference, Chicago, 1900; et les travaux de la Industrial Comission, convoquée par le Congrès, dont le premier volume, publié en 1900, a pour objet les Trusts and industrial combinations.

[ocr errors]

A. V.

[ocr errors]

Louis Dop, ancien élève diplômé de l'École des sciences politiques, docteur en droit. La Banque centrale de Crédit agricole Le rôle du Crédit foncier, avec une préface de M. Daniel Zolla, professeur à l'École nationale d'agriculture de Grignon et à l'École des sciences politiques. 1 vol. in-8°, V. Giard et Brière, Paris, 1901. Il n'est pas de sort plus triste pour un livre que de passer inaperçu ce n'est certainement pas ce qui attend l'ouvrage de M. Dop. Comment organiser le Crédit agricole, sur quelles garanties et avec quelles ressources? tel est le très gros problème qu'il étudie. Il y apporte une solution nettement personnelle qui ne peut manquer d'être prise en considération et d'être sérieusement discutée car il la fonde sur de solides arguments.

Qu'est-ce, tout d'abord, que le Crédit agricole? C'est, d'après l'auteur, le crédit fait pour des opérations agricoles, qu'il soit réel ou personnel, mobilier ou immobilier. La destination des capitaux empruntés voilà le critérium qui permettra de distinguer les différentes sortes de crédit, peu importent la personnalité de l'emprunteur et la nature du gage. C'est ainsi que le Crédit foncier lui-même ne sera souvent que du crédit agricole et M. Dop nie toutes les distinctions trop tranchées qu'on a voulu établir.

Quelles garanties les agriculteurs ont-ils à offrir? Plus de 100 milliards, suivant l'auteur, tant en capitaux fonciers qu'en capitaux d'exploitation, et cependant le Crédit agricole est loin d'avoir pris toute son extension

naturelle. Les lois récentes qui se sont proposé d'en favoriser le développement sont insuffisantes. Il ne suffit pas en effet d'organiser le crédit agricole par en bas, au moyen de caisses locales ou même régionales, il faut, et c'est là une des deux idées dominantes du livre de M. Dop, que l'édifice ait un couronnement c'est-à-dire une Banque centrale qui seule aura assez de ressources et de crédit pour venir efficacement en aide à l'agriculture en cas de sinistre agricole. C'est elle qui constituera le réservoir de capitaux où puiseront les organisations locales qui seront les répartitrices renseignées et prudentes parmi les populations rurales. C'est elle qui contrôlera leurs opérations et leur imprimera une direction uniforme salutaire. Une pareille institution a fait ses preuves en Allemagne. Une caisse centrale créée en 1895 a rendu des services très appréciables : pendant les six premiers mois de son existence, elle prêta 141 millions de marks alors que pour l'année 1897 ses prêts ont atteint 1 milliard de marks au taux de 2 1/2 à 3 p. 0/0. En présence de tels résultats nos législateurs ne pouvaient rester inactifs et nous devons à MM. Jaurès et Pelletan, à l'éminent professeur à la Faculté de droit, M. Léveillé, diverses propositions de lois que M. Dop analyse avec précision. Mais elles tendent toutes, directement ou non, à confier à la Banque de France le rôle de Banque de crédit agricole. C'est là, pour l'auteur, une conception funeste, et il estime que l'on doit chercher une autre solution. Il rappelle qu'en 1860, il y eut déjà en France une tentative de banque centrale de crédit agricole. Elle se rattachait par la communauté de direction au CRÉDIT FONCIER. La cause essentielle de son insuccès fut qu'elle se lança dans des affaires où l'agriculture n'entrait pour rien, telle la désastreuse affaire égyptienne qui causa sa chute en 1876. Ainsi l'on ne saurait tirer de cet échec des conclusions défavorables à l'établissement d'une banque centrale. En réalité cet organisme est nécessaire au crédit agricole, mais sa création ne va-t-elle pas se heurter à de grandes difficultés?

Nullement, si l'on adopte la solution de M. Dop. Il propose, en effet, et c'est là la seconde idée dominante de son livre, que le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE soit chargé de remplir ce rôle. Il montre d'après des documents officiels, d'après les lois, décrets et statuts qui règlent l'organisation du C. F. que ce ne serait point le détourner du but pour lequel il a été créé; qu'à la vérité, il doit se limiter à des prêts immobiliers mais que la loi elle-même est venue plusieurs fois déroger à cette règle et qu'en fait dans ses statuts actuels rien ne l'empêche de se charger du crédit agricole. Ainsi le C. F. concentrerait dans ses attributions les trois modes de crédit agricole personnel, mobilier et immobilier. Grâce aux syndicats, aux caisses rurales et régionales (lois de 1894 et de 1899), organes intermédiaires entre les cultivateurs et l'établissement central, celui-ci pourrait pratiquer sans risque le crédit personnel; il en serait de même pour le crédit mobilier grâce à la loi de 1848 améliorée et étendue; enfin pour le crédit immobilier le C. F. ne ferait que continuer ses opérations habituelles que viendraient d'ailleurs faciliter la réfection du cadastre et l'institution des livres fonciers.

Mais quelles seraient les ressources du C. F. pour ces opérations?

On lui attribuerait d'abord les 60 millions affectés par la loi de 1899 aux

caisses régionales et qui, d'après l'auteur, employés suivant les prévisions légales ne seraient d'aucun secours à l'agriculture. Cette somme serait suffisante pour assurer les débuts et ensuite les déficits seraient couverts par la redevance annuelle due par la Banque de France. Puis pour pourvoir au fonctionnement normal des opérations, l'auteur propose : 1o d'élever le maximum des comptes courants et des dépôts de fonds à 500 millions, dont 100 consacrés à des dépôts à vue et 400 à des dépôts et bons à échéance fixe; 2o d'autoriser le C. F. à recevoir le 1/5 du solde créditeur des Caisses d'épargne comme en Allemage et en Belgique; 3° d'émettre des obligations à court terme pour répondre aux prêts de un à cinq ans; 4o de continuer comme par le passé l'émission des lettres de gage pour les prêts hypothécaires. Quant à la direction, l'administration, la surveillance des affaires du Crédit agricole, elles seraient confiées aux gouverneur, sousgouverneurs, administrateurs du C. F., le nombre des administrateurs devant être augmenté par suite de l'adjonction de personnes compétentes en matière agricole. Le contrôle serait exercé par l'État.

En somme deux idées essentielles dominent cet ouvrage : la nécessité d'un organisme central concentrant les capitaux, reliant et guidant les organismes locaux et régionaux, et l'attribution de ce rôle au C. F. de France. Nous serions volontiers d'accord avec l'auteur sur la première de ces deux idées, il n'en serait peut-être pas de même sur la seconde.

Quoiqu'il en soit la thèse de M. Dop est originale, elle est soutenue avec talent et conviction, dans un langage élégant et avec une méthode très scientifique. Le livre d'ailleurs se présente sous les auspices de M. O. Zolla, le distingué professeur à l'École des sciences politiques et à l'École nationale de Grignon, qui dans une intéressante préface, met en relief, avec sa haute compétence, les qualités qui recommandent cette étude au public. Elle s'impose à l'attention de tous ceux que préoccupent le malaise actuel dans lequel se débat l'agriculture et qui pourrait avoir, si l'on n'y portait pas remède, de si terribles conséquences pour la richesse nationale. C'est pourquoi, comme nous le disions plus haut, l'ouvrage de M. Dop ne saurait passer inaperçu.

A. L.

Gaston Deschamps. Le malaise de la démocratie. 1 vol. in-18. Librairie Armand Colin et Cie. Le livre que M. Gaston Deschamps a fait paraître il y a quelque temps déjà, et dont un incident fortuit nous a empêché de rendre compte plus tôt, sous le titre plutôt grave de Malaise de la démocratie, est un ouvrage qui excelle à mêler le sévère à l'humoristique.

L'auteur nous promène çà et là au gré de son inspiration, nous intéressant toujours, soit qu'il trace le portrait de M. de Tocqueville, «< ce fils de l'ancien régime, aristocrate par les exemples de famille et les habitudes de jeunesse et dont l'esprit était assez ouvert et le cœur assez noble pour accueillir sans trop maugréer la démocratie naissante », soit qu'il peigne le roi Louis-Philippe, qu'il enseigne la façon de faire un coup d'État, qu'il nous introduise à la Chambre et dans les couloirs, soit enfin qu'il

« PreviousContinue »