Page images
PDF
EPUB

eftime qui ne fera point fujette à l'envie, ny cause un jour de ta perte, comme les charmes de celle qui tę veut fu borner. Du refte, que mon habit ne te faffe point de peur; c'eft celuy de Phidias & de Polycléte, & des autres grands Sculpteurs qui fe font fait adorer dans leurs Ouvrages, & qu'on revére encore avec les Dieux qu'ils ont faits. Confidere combien, en fuivant leurs traces, tu acquerras de gloire & de loüange, & de quelle joye tu combleras ton pere & ta famille. Voilà à peu près ce que me dit cette Dame: mais groffierement, comme parlent les Artifans, quoyqu'avec beau coup de vigueur; après quoy l'autre parla ainfi. Je fuis l'Eloquence, qui ne t'eft pas inconnue, encore que tu ne fois pas en eftat de la poffeder. La Sculpture t'a

Ny caufe un jour de taj noms, parce que cela perte: j'exprime en ge- fuffit. neral ce que l'Auteur dit en détail, comme je fais prefque par tout, parce que le détail de ce temps-cy ne fe rapporte pas à celuy de ce temps-là, pour ce qui concerne l'agré

ment.

Phidias & Polyclete Je ne mets que ces deux

Fe fuis l'Eloquencé : ce mot y vient mieux que celuy d'Erudition, ou quelqu'autre femblable; outre que tout ce qu'il dit, fe rapporte prefque à l'Eloquence. Qui ne t'eft pas inconnue, &c. Il l'a falu mettre ainfi, parlant de l'Eloquence.

,

[ocr errors]

dit les avantages que tu aurois avec elle; mais fi tu l'écoutes, tu ne feras jamais qu'un miferable Artifan, expofé au mépris & aux injures de tout le monde, & contraint de faire la cour aux Grands pour fubfifter, fans pouvoir jamais obliger ny défobliger perfonne; en un mot, efclave de ceux fur qui je te feray dominer. Quand tu deviendrois des plus excellens en ton Art, on fe contentera de t'admirer, fans envier ta condition ; mais fi tu me veux fuivre, je t'apprendray tout ce qu'il y a de beau & de rare dans l'Univers, & d'illuftre dans toute l'Antiquité. J'orneray ton ame de verta & de fçavoir, qui font fes plus beaux

Expofe au mépris, &c. Je ne dis pas comme l'Auteur, Menant une vie de liévre, parce que cela n'eft pas à noftre air; ce qui doit fervir d'exemple pour plufieurs autres endroits, où je fuis obligé de changer, ou de phrafe, ou de proverbe, & quelquefois même d'exemple, ou de comparaifon, parce qu'ils ne font pas à noftre ufage: Du refte j'exprime.

plus bas, Pauvre, Inconnue, & contrainte de travailler de fes mains.

Ce qu'il y a de beau & de rare, &c. Cela vient mieux au fujet, que de dire: Toutes les chofes divines & bumai nes, ce qui eft trop vafte. Vertu Sçavoir : Je comprens en deux mots, à mon ordinaire, ce que l'Auteur dit plus au long.

[ocr errors]

ornemens & par la connoiffance du paffé je te donneray celle de l'avenir. Au lieu de ce méchant habit que tu as, je t'en donneray un magnifique, comme celuy que tu me vois; & de pauvre & inconnu, je te rendray illuftre & opulent, digne des plus grands emplois, & en état d'y parvenir. S'il te prend envie de voyager dans les Païs étrangers, je feray marcher ta renommée devant toy; on te viendra confulter comme un Oracle, & fi-toft que tu auras ouvert la bouche, chacun fera attentif à oùir tes sentimens pour les fuivre. Enfin, tu feras adoré & refpecté de tout le monde, & toutes tes paroles & tes actions ferviront d'exemple & de regle à la pofterité. Je te donneray mefme l'immortalité tant vantée, & te feray vivre à jamais dans la memoire des hommes. Confidere ce qu'eftoit Demofthene, & ce qu'il eft devenu par mon moyen; Efquinés, de pauvre garçon, a efté recherché & confideré de Philippe; Socrate mefme, qui avoit fuivy ma rivale, ne m'eut pas plûtoft

Adoré & refpecté de tout le monde ; le Grec dit, montré au doigt: ce que je n'allegue que pour faire voir com

bien on eft obligé de changer de chofes quand on veut traduire avec agrément.

connuë qu'il l'abandonna pour moy. Tu fçais que je luy ay acquis une estime, qui durera autant que les Siecles. Quitteras-tu tant d'honneur, de richeffes & de credit, pour fuivre une pauvre inconnue, qui eft contrainte de travailler de fes mains pour vivre, & de fonger plûtoft à polir un marbre, qu'à fe polir føymefme Elle n'eut pas plûtoft dit cela, que touché de fes promeffes, & n'ayant pas encore oublié les coups que j'avois receus, je courus l'embraffer, fans attendre qu'elle eust achevé fa harangue; dequoy l'autre irritée, fut transformée en Statue, par la rage & le dépit, comme il arrive affez d'autres merveilles en fonCela ge. Alors l'Eloquence, pour me récompenfer de mon choix, me fit monter ges de avec elle fur fon Char; & touchant fes chevaux aiflez, me promena d'Orient en me faifant répandre par tour

montre

les voya

l'Au

teur, qui

de la Sy-Occident

rie vint

en Greces

& de la

De fonger plutoft à po

Répandre par tout je

en Italie lir un marbre, que foy-ne fçay quoy de céleste

& en Gaule.

de divin je ne dis pas comme Triptoleme » parce que cela n'y revient pas entierement, outre que, comme

mefme: j'omets des ter-
mes de l'Art dont on
fe peut paffer.
Transformée en fta-
tue j'ay trouvé cela
plus à propos, que dej'ay déja dit, ce qui
dire en rocher comme
Niobe.

faifoit une beauté de ce temps-là, feroit

ou

je ne çay quoy de céleste & de divin, qui faifoit regarder les hommes en haut avec étonnement, & me combler de benedictions & de loüanges. Elle me ramena enfuite dans mon païs, couronné d'honneur & de gloire ; & me rendant à mon pere, qui m'attendoit avec grande impatience Tien, luy dit-elle, ton fils, & voy de quelle felicité tu l'euffes privé fans moy. Voilà la fin de mon fonge. Mais il me femble que j'entends dire à quelqu'un, qu'il eft bien long, & qu'il faloit que ce fuft une nuit d'Hyver, 'celle que vantent les Poëtes, qui donna. la naiffance à Hercule. Un autre ajoûtera, peut-eftre, que je me fuffe bien paffé de vous entretenir d'un fonge, & que c'eft abuser de voftre audience, & de l'honneur que vous me faites de m'entendre fi favorablement. Mais, Mef-En laRe2 fieurs, Xenophon ne fit point de difficul-traite des té de conter le fien en pleine Affemblée, les lors qu'environné d'ennemis & privé de tout fecours, il n'attendoit que la mort ou la captivité. D'ailleurs, mon deffein n'eft pas de vous entretenir de Fables, mais de porter la jeuneffe à l'amour de la Verru, par cet exemple, & de l'encourager defagréable en ce perdre la grace à fon temps-cy *

& feroit Auteur.

dix Mil

« PreviousContinue »