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à furmonter les difficultez qui fe rencortrent dans cette carriere. Que perfonne donc ne s'excufe fur fa pauvreté, s'il a le cœur grand & genereux ; & pour redoubler fon courage, qu'il jette les yeux fur moy, & qu'il voye ce que j'eftois quand je fuis party, & en quel eftat je fuis revenu; tel, que je ne le cede point à la gloire de ces anciens Sculpteurs, pour ne rien dire davantage.

CONTRE UN HOMME, qui l'avoit appellé Promethée.

C'est comme une Apologie de fa façon

d'écrire.

SI tu m'appelles Promethée, pour me

reprocher que mes Ouvrages ne font que de terre, je tombe d'accord que tu as raifon, & qu'ils font mefme d'une terre plus groffiere & moins pure que la fienne. Mais fi tu veux dire que je fuis ingenieux comme lui, j'ay peur que

* Contre un homme qui qu'on verra par la lecl'avoit appellé un Pro- ture ce qu'il entend methée. Il n'eft pas ne- par-là. | Pay peur que ce ne thée en paroles, parce foit une raillerie je

ceffaire de dire Prome

ce ne foit une raillerie. Car les productions de mon efprit n'ont garde d'arriver à la perfection du fien ; & c'eft beaucoup qu'elles ne foient pas tout à fait terreftres, &, fi tu veux, dignes du Caucafe. C'eft vous autres, Grands Orateurs, qui eftes en ce point des Promethées; Vous qui ani mez vos Ouvrages de ce feu céleste & divin qu'il déroba dans le Ciel. S'il y a quel.. que difference, c'eft que les vostres font d'or, & que les fiens n'eftoient que de bouë. Pour les miens, ce font des ftatuës de plâtre, qu'on fait voir en un jour de fpectacle , pour donner du plaifir au peuple, & non pas pour durer éternellement, Peut-eftre auffi, que tu m'as appellé Promethée, au fens que ce Poëte Comique a dit, que Cleon eftoit un Promethée, mais que ce n'eftoit qu'après coup, pour dire, Qu'il manquoit de prévoyance, & qu'il ne s'avifoit de fes fautes qu'après les avoir faites, quoyqu'il luy reffemblast

marque enfuite que les
Atheniens font grands
railleurs.
De ce feu celefte &
divin je n'exprime
que cette particulari-
té, parce qu'il n'y a
que celle-là qui s'a-
jufte à l'histoire de

Promethée.

Qu'il manquoit de prévoyance, &c. J'ay pris ce fens-là, parce qu'au trement ce ne feroit que la mefme chofe que ce qu'il a dit d'abord.

Les A-du refte. Que fi c'eft comme les Athetheniens niens appellent tous les Potiers de terre eftoient grands des Promethées, je trouve la raillerie railleurs délicate, & digne de ton païs, parce que

mes ouvrages font fragiles comme les
leurs. Mais quelqu'un dira, peut - eftre
pour me flater, que c'eft à caufe que mon
invention eft nouvelle, & que je n'ay
point en de modelle, non plus que luy,
fur lequel je me puffe former. Mais ou-
tre que Minerve n'a point animé mes
ouvrages, comme elle a fait le fien, ce
n'eft pas affez pour moy qu'on en loue
la nouveauté, fi l'on n'y trouve les autres
graces avec celle de l'invention. Car fans
cela, je les abandonne de bon cœur, &
permets qu'on les mette en pieces. Si
j'eftois d'autre fentiment, je mériterois
d'eftre déchiré comme Promethée, mais
par une douzaine de Vautours,
au lieu
d'un, pour ne pas fçavoir qu'une chose
qui ne vaut rien, eft d'autant plus blâ-
mable qu'elle eft plus nouvelle. Car il ne
faut pas quitter le grand chemin pour
s'égarer, ny abandonner les Anciens, pour
ne rien faire qui vaille. On dit à ce pro-

Et que je n'ay point eu de modelle, &c. Il n'y a que cela de neceffaire au fujet.

Une douzaine de Vautours: il y a au Grec 16. mais je fuy les proprietez de ma langue,

pos, que Ptolomée Roy d'Egypte fit voir un jour deux merveilles dans le Theatre d'Alexandrie, un Chameau tout noir, & un homme moitié noir & moitié blanc. Mais au lieu de l'admiration & de la loüange qu'il en attendoit, ce fpectacle fit rire les uns, & épouventa les autres. Comme il vit donc que les Egyptiens ne faifoient pas tant d'eftat de la rareté, que de la beauté & de la proportion, il ne fit plus voir ces deux Monftres; de forte que l'un mourut faute d'en avoir du foin, & il donna l'autre pour récompenfe à un joueur de flûte. Je crains de mefme que mes caprices n'eftonnent les uns, & ne faffent rire les autres.. Car le mélange du Dialogue & de la Co

Un Chameau tout noir ; je n'ajoûte pas de la Bactriane; car fi c'eft qu'ils viennent de la forte en ce païs-là, cela en diminuë la rareté, & s'ils n'y viennent point, cela n'eft pas neceffaire.

Au lieu de l'admiration. Je n'ajoûte point, que ce Chameau eftoit tout couvert d'or & de

pourpre car cela ne fert de rien au fujer pour lequel il s'alle

gue; & toutes les circonftances inutiles obfcurciffent la raifon plus qu'elles n'embelliffent le difcours.

Un joueur de flûte ; je retranche par tout les mots propres qui ne font qu'embarraffer, & qui font inuti les au conte; parce que cela charge inutilement la memoire, & empêche de retenir les chofes neceffaires,

medie dont ils font compofez, ne fuffit pas pour les rendre aimables, fi ces deux chofes ne font bien mêlées ensemble, parque l'union de deux contraires eft plûtoft un monftre qu'un miracle; & perfonne n'admira jamais les Centaures pour leur beauté, mais pour leur extravagance. Ce n'eft pas que de deux chofes excellentes on n'en puiffe faire une troifiéme qui le foit encore plus; mais je ne voudrois pas affurer que je l'aye fait, & je crains plûtoft d'avoir corrompu deux bonnes chofes par leur mélange. Car le Dialogue aime à s'entretenir en particulier de difcours graves & ferieux, & la Comedie se plaist à boufonner fur un theatrẻ ;

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fon qui n'eft mife que par forme d'ornement, Voilà comme les graces d'à cette - heure ne font pas celles de ce temps-là.

Car le Dialogue aime à s'entretenir, &c. Je réunis icy ce qui eft plus bas chez l'Auteur, & tranche la cho. fe en deux lignes, n'en gardant que le fuc, & ce qui eft neceffaire au raifonnement.

fi bien

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