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La Veri

té qui

ĺes Marchands fe retirent. Qui veut ce
luy-cy?

UN MARCHAND. Moy: Mais dy
auparavant, que fçais-tu, Pyrrhon ?
PYRRHON. Rien.

LE MARCHAND. Comment rien ?
PYRRHON. Parce que je ne sçay
pas
feulement s'il y a quelque chofe au
monde.

LE MARCHAND. Et ne fuis-je pas ?
PYRRHON. Je ne fçay.

LE MARCHAND. Et toy?
PYRRHON. Encore moins.

LE MARCHAND. Dieux ! la plai-
fante incertitude! Et que veulent dire
ces balances?

PYRRHON. C'eft pour pefer les raifons de part & d'autre ; & après avoir bien pefé & confideré tout, je trouve que je ne fçay rien.

LE MARCHAND. Es-tu auffi extravagant dans les mœurs, que dans la doctrine ? & ne fais-tu rien avec ordre?

PYRRHON. Tout; horfmis que je

s'enfuit, ne pourfuis point un fugitif.

Il jonë

LE MARCHAND. Pourquoy?
PYRRHON. Parce que je ne fçaurois

Sur le apprehender.

mot d'apprehen

Le MARCHAND. Je le croy; car

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tu es affez pefant: mais encore, quel eft der, qui le but de ton fçavoir ?

fignifie

conce

PYRRHON. Ne voir, ny n'ouïr, ny voir, n'entendre.

prendre

en termes

LE MARCHAND. Quoy! eftre fourd de chican& aveugle?

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PYRRHON. Et avec cela, perdre le fens & la raifon, & n'eftre en rien different d'un vermiffeau.

LE MARCHAND. Tu mérites que l'on t'achette pour ta rareté, comme une piece de cabinet: Combien en veut-on! MERCURE. Trente livres.

LE MARCHAND. Les voilà. bien! que dis-tu maintenant ? n'es-tu pas à moy?

PYRRHON. Je ne fçay.

LE MARCHAND. Cela eft pourtant vray; l'argent eft compté, & la marchandise livrée.

PYRRHON. Je ne me détermine point, & tiens toûjours la balance égale. LE MARCHAND. Cependant, il me faut fuivre: car je t'ay achetté.

PYRRHON. Qui le fçait?

LE MARCHAND. Le Sergent & les Affiftans.

PYRRHON. Y a-t-il quelqu'un icy?

Y a-t-il quelqu'un | fans s'étendre davan jcy? C'eft allez de cela, tage.

ne.

LE MARCH AN D. Je te le feray tantoft bien fçavoir en te faifant tra

vailler à coups de bafton.

MERCURE.Suy-le, fans tant contester. A demain, Meffieurs , que nous vendrons la vie des Bourgeois & des Artifans & autres de moindre étoffe.

LE PESCHEUR, OU LA VENGEANCE

DIALOGUE.

LUCIEN

,

LES PHILOSOPHES,

Et plufieurs autres parlent.

Il s'excufe de ce qu'it a dit contre les Phitofophes comme n'ayant eu deffein que de parler de ceux qui abufent de ce

nom.

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SOCRATE. Donne, donne à bons

coups de mottes & de pierres, fur cet impofteur: Prenons garde qu'il ne nous échappe; Boute Platon, Boute Chryfipe; Frappons tous enfem

* La vengeance. Ce mot vient mieux au fujet, & eft plus beau

pour titre, que Revivant, ou Resuscité:

C

ble; Que le bafton & la beface s'arment contre leur commun ennemy; car il n'a épargné perfonne. Quoy, Ariftipe, tu languis? Que le fouvenir de l'injure qu'il t'a faite, ferve à t'animer à la vengeance. C'est à ce coup, Diogéne, qu'il faut mettre le bafton en œuvre, & montrer ce que tu fçais faire. Courage, Ariftote, doublons le pas. Bon, le voilà pris; Nous te tenons, méchant, tu ne nous échapperas pas: On te fera voir à cette heure quelles gens tu as offenfez: De quelle mort le ferons-nous mourir ! Mais ce n'eft pas affez d'une mort, il faut qu'il en fouffre plufieurs, pour réparation de fon crime; autrement la Justice qui proportionne la peine au délit, ne feroit pas fatisfaite,

PLATON. Je fuis d'avis qu'on luy arrache les yeux, & qu'on luy coupe la langue: puis qu'on le mette en croix, après l'avoir bien fouetté. Que t'en femble, Empedocle?

EMPEDOCLE. Qu'il le faut jetter vif dans la fournaife du Mont Ethna pour luy apprendre à parler de ceux qui valent mieux que luy.

PLATON. Mettons-le plûtoft en pieces, comme Penthée ou Orphée, afin que chacun en ait fa part.

LUCIEN. Hé! pardon, Meffieurs: je vous en conjure au nom de la Philofophie.

SOCRATE. Point de pardon, mon amy;il n'y a point de focieté entre l'homme & les beftes farouches.

LUCIEN. Suivez plûtoft le conseil » d'Homere; Prenez la rançon du captif, » & le laiffez aller.

PLATON. Tu as beau dire: tu ne nous échapperas pas.

LUCIEN. Si Homere me manque, j'auray recours à Euripide: Ne rejettez "point les prieres du miferable, qui implore votre affiftance.

PLATON. Mais il dit en un autre endroit; Que celuy qui a fait le mal, se doit refoudre à le fouffrir, & que la fin de la calomnie eft l'infelicité.

LUCIEN. Puis qu'il n'y a pas moyen d'échapper, dites-moy pour le moins ce que j'ay fait ?

PLATON. Tu le demandes, méchant, après nous avoir vendus comme efclaves nous qui ne fommes pas feu lement libres, mais qui affranchiffons les

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