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pour les entretenir tandis qu'on les coëffe, ou qu'elles difnent. Car s'il arrive alors quelque Poulet de leur Galant elles les plantent là pour y répondre, & il faut quitter tous ces beaux difcours de Vertu & de doctrine, tandis queMadame fait une Lettre d'amour. Que fi elles vous font quelque miferable préfent aux Eftrennes, il faudra pour action de graces leur faire un Panégyrique où on les comparera à tout ce qu'il y a de beau & d'illuftre dans toute l'Antiquité. Mais il ne faut pas oublier de donner quelque chofe au valet qui en porte le premier la nouvelle, quoyqu'il en vienne encore une douzaine d'autres le lendemain fe faire de fefte,à qui il faudra témoigner d'en avoir l'obligation, bien qu'il n'y ayent rien contribué, & leur faire quelque préfent, encore ne feront-ils pas contens. Ajoutez à cela, que pour eftre payé de ses appointemens, qui font moins que rien, il faut faire la cour au Treforier, ou à l'Intendant, fans parler de ceux qui ont l'oreille de Monfieur, ou de Madame, & qui les gouvernent; car s'il vous arrive de les demander, vous eftes infupportable. Cependant, vous ne recevez rien, que vous ne le deviez long-temps auparavant au Tail

leur, au Cordonnier, ou à l'Apotiquaire; fi bien que vous ne mettez rien en bourse. Pour comble de malheur, vous eftes exposé à l'envie & à la médisance; car comme le maistre commence à se laffer de vous, qui vieilliffez, & devenez un peu pefant, il voudroit en eftre déja défait ; outre que vous luy estes à charge, parce que vous attendez de luy quelque récompense de vos longs services. Il ne faut donc que le moindre faux rapport pour vous perdre, & pour vous faire chaffer mefme en plein minuit; & alors, de tous vos fervices, il ne vous refte que la goute, ou quelqu'autre maladie incurable. Cependant, non feulement vous n'avez rien amaffé, mais vous avez mangé tout ce que vous aviez & oublié tout ce que vous fçaviez; fi bien qu'il ne faut plus parler pour vous ny d'employ, ny de fortune: joint que vous eftes déja fur l'âge, & reffemblez à ces vieux Chevaux ufez de travail, dont la peau mefme ne vaut rien. D'ailleurs, celuy qui vous a chaffé, vous imputera quelque crime pour se justifier fuft-ce celuy de Magie; & on le croira aifément, pour la haine qu'on porte aux gens de Lettres; outre que la plufpart ne pouvant fe rendre recommandables

par

par de bonnes qualitez, font femblant, pour le faire eftimer, d'avoir quelques fecrets défendus, & l'on croit facilement les mefmes défauts de ceux qui ont la mefme flaterie, & la mefme lascheté. Ajoutez à cela, que le maiftre de la maison a intereft de vous perdre, de peur que vous ne révéliez les fecrets de fa famille, comme chez les Grands il y a toûjours quelque chofe qu'il importe de cacher. Il ne vous refte donc de tous vos travaux que la Gourmandife, qui eft un monftre infatiable, qui à la fin vous dévorera, lorsque vous n'aurez plus de quoy luy donner. Pour achever le portrait de cette vie, à l'exemple de Cébes, je voudrois pouvoir emprunter le pinceau d'Apelle, ou de quelqu'autre fameux Peintre de l'Antiquité; mais à leur défaut, je tascheray de m'en acquitter. Figure-toy la Fortune fur un Trône élevé, environné de Rochers & de précipices, & à l'entour d'elle une infinité de gens qui s'efforcent d'y monter, tant ils font éblouis de fon éclat & de fes lumieres. L'Efperance richement parée fe préfente à eux pour guide, ayant à fes coftez la Tromperie & la Servitude, & derriere elle, le Travail & la Peine, qui les exercent rudement, & après les avoir Tome I. Min

bien tourmentez, les abandonnent à là Vieilleffe. Alors la Calomnie les em poignant, les traifne en bas, nuds, honteux & dépouillez, tenant d'une main un licou, & de l'autre couvrant leur honte, fuivis du Répentir qui les livre au Défelpoir; & c'eft la fin du Tableau. Voilà la peinture des Ambitieux: Confideres fi tu veux fuivre leur route, & entrer par la porte de la Gloire de la Gloire pour fortir par celle de la Honte. Mais quoyque tu faffes, fouvien-toy du Sage, qui dit : Qu'à tort nous accufons le Deftin de nos malheurs dont nous sommes caufè nousmefmes.

********************** DEFENSE DU DISCOURS

PRECEDENT,

C'est une Apologie pour foy-mefme, fur ce qu'ayant pris la Charge d'Intendant de 'Empereur en Egypte, ou quelqu'autre femblable, il femble avoir contrevenu à fes maximes.

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Ly a long-temps que je confide re, illuftre Sabinus, ce que tu peux penfer de me voir entrer au fervice de

l'Empereur, après avoir tant crié contre ceux qui entrent au fervice des Grands. Car je m'imagine que tu ne t'es pû empefcher de rire, & de dire ainfi en toymefme : Quoy! après avoir tant blafmé la fervitude, s'y jetter volontairement ! A-t-il perdu le jugement ou la mémoire, de démentir ainfi fes paroles par fes actions? Il faut qu'il ait esté bien éblouï de l'éclat de l'or, pour prendre des chaifnes, à caufe qu'elles eftoient dorées ; & qu'on luy ait fait de grandes promeffes, pour les faire changer d'avis à fon âge, & renoncer à la liberté qui luy eftoit fi naturelle. Voilà à peu près ce que tu as dit ; à quoy tu ajoufteras peuteftre un confeil d'amy. Fu (çais, me diras tu, que ton Difcours a efté publié il y a long-temps, & eftimé de tous ceux qui l'ont veu, & particulierement des perfonnes doctes. Car, outre qu'il eft bien écrit, il explique clairement & agreablement la plus grande partie des défauts qui fe rencontrent dans cette profeffion, & contient des préceptes très-falutaires pour empefcher les Gens de Lettres de

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Tu fçais, me diras- eft embroüillé, & je tu: J'ay rejetté plus marqueray enfuite la bas quelques paroles | vicilleffe.

qui font icy car cela

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