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de l'Univers, pour réparer les ruines du Monde, & conferver quelque étincelle du genre humain. Les hommes font devenus plus cruels & plus méchans qu'ils n'eftoient alors; on ne te fait tantoft plus d'offrandes ny de facrifices, fi ce n'eft quelqu'un en paffant aux jeux Olympiques; encore eft-ce plûtoft par coûtume, que par zele ou par devoir. Enfin, on t'a prefque dépoffedé, comme tu as fait ton predéceffeur. Les voleurs te pillent tous les jours impunément, jufqu'à mettre fur toy leurs mains facrileges, comme ils ont fait depuis peu à Olympie, où pendant la folemnité des jeux, ils ont coupé l'or de ta chevelure. Cependant Vainqueur des Tytans, tu fus fi lâche que de fouffrir cet affront, fans crier feulement à l'aide, pour réveiller les chiens, ou le voifinage endormy. Qu'il faifoit beau voir alors Jupiter, avec un foudre de quinze pieds à la main, qui fe laiffoit tondre par des brigans! Quand te réveilleras-tu d'un fi long affoupiffement, illuftre ufurpateur, pour châtier de plus grands crimes que ceux des fables: Car, pour ne point parler des autres, puisque ce ne feroit jamais fait, comment laiffesda fur la Montagne de la ne fert de rien icy Lycoris, parce que ce

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tu impunis les ingrats qui m'ont abandonné après avoir mangé tout mon bien, & qui ne me regardent pas dans ma mifere, après m'avoir adoré dans ma fortune! Ils fe détournent de moy lors qu'ils me ren contrent, & me fuyent comme un oyfeau da mauvais augure. Maintenant donc, privé de tous biens, & accablé de tous maux, je fuis contraint de philofopher icy avec la befche. Tout l'avantage que je tire de ma retraite, c'eft que je ne vois point la profperité des méchans, qui n'eft pas une petite felicité. Réveille-toy donc fils de Saturne & de Rhée, d'un fommeil plus long que celuy d'Epimenide, & rallumant ton foudre fur le mont Oeta, écrafes-en les impies, fi tu ne veux qu'on croye que tu fois mort, comme on le publie en Crete, & que tout ce qu'on dit de toy ne foit que fable, & que fiction poëtique.

JUPITER. Qui eft ce blafphemateur qui crie fi haut du Mont Hymette? Il

Les ingrats qui m'ont | che les plus belles exabandonné fes bien- preffions, & celles qui

:

faits feront touchez à font le plus à noftre

la fin.

Comme un oyfeau de mauvais angure. Il y a âu Grec, comme un fepulcres mais je cher

ufage.
Maintenant doné: J'ex-
prime les haillons plus

bas.

Du Mont Hymetle ?

faut que ce foit quelque Philofophe; car un autre ne feroit pas fi infolent?

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MERCURE. Ne connois-tu pas Timon qui t'a fait tant d'offrandes & de facrifices, & qui nous traitoit fi magnifiquement le jour de ta feste!

JUPITER. Quoy c'eft luy! Dieux quel changement! Comment un homme fi riche, & qui avoit tant d'amis, a-t-il pû tomber tout à coup dans une fi honteufe pauvreté!

MERCURE, En faifant du bien à des ingrats, qui l'ont abandonné, comme les Corbeaux font les charognes, lors qu'il n'y a plus rien à ronger.

JUPITER. Veritablement, il y a quel que fujet de fe plaindre; & nous ne pou vons, fans eftre plus ingrats que ses faux amis, l'abandonner ainfi dans fon malheur, après le foin qu'il a eu de nous dans fa fortune. Mais accablé d'affaires de tous coftez, & dépité contre les méchans, dont le nombre croift tous les jours, jufqu'à me donner de l'épouvante, On verra enfuite que c'est au pied du Mont. Ne connois-tu pas Timon? Le nom de fon Pere, &c. fera expliqué ailleurs,auffi-bien que le miferable eftat

où il eft.

En faisant du bien à des ingrats: J'ay abregé cet endroit, parce que le refte eft affez expliqué dans tout le Dialogue.

je ne regarde tantoft plus la Terre; outre que j'ay la tefte rompue des difputes des Philofophes, qui m'empefchent d'entendre les cris des autres, fi bien que celuycy a efté oublié parmy la foule. Mais

pour ne le pas laiffer languir plus longtemps dans fa mifere, prens avec toy le Dieu des Richeffes, & le meine chez luy, avec ordre de n'en point partir, quand il le voudroit chaffer. Pour ceux qui l'ont abandonné, je ne manqueray pas de les foudroyer, fi-toft qu'on aura raccommodé mon foudre, dont je rompis l'autre jour deux pointes, en le lançant trop bruf quement contre le Philofophe Anaxagore, qui vouloit perfuader à fes Difciples que nous n'eftions que des chanfons. Mais il fe mit à couvert fous l'autorité de Periclés, & cependant j'allay mettre en poudre le Temple de Castor & de Pollux, qui ne m'avoit fait ny bien ny mal

La Terre; Je dis en ge- que cela n'auroit point neral, parce qu'il conde grace maintenant vient à tout dans le & que je ne m'engage deffein de l'Auteur,qui pas à une Traduction veut choquer la Provi-réguliere. Le Dieu des

dence.

Prens avec toy le Dieu des Richeffes Je ne dit : pas qu'il amene avec luy le Trefor, parce

Richeffes eft affez fuffilant pour enrichir, fans avoir befoin d'au

tre.

En attendant, ce fera un affez grand fup plice pour des ingrats, de voir rentrer en honneur celuy qu'ils ont méprifé.

MERCURE. Qu'il eft important de crier haut, non feulement dans un Barreau, pour gagner fa caufe, mais encore en faifant des voeux & des prieres! Si le bon-homme Timon fuft demeuré les bras croifez, fans rien dire, il eust esté gueux toute fa vie; maintenant par fes cris & fes importunitez, il a arraché mefme du Ciel ce qu'il demandoit. Toutefois, je crois que cela ne luy fervira de rien s car voilà le Dieu des Richeffes qui ne veut pas obéir.

JUPITER. Pourquoy?

MERCURE. Il luy faut demander à luy-mefme.

PLUTUS. Voulez-vous que je retourne en un lieu où l'on ne me fçauroit fouf frir! Envoyez-moy chez ces gens qui fçavent ce que je vaux, & combien je coufte à acquerir: & que les foux qui l'igno rent, croupiffent toute leur vie dans la pauvreté.

JUPITER. Tu n'as rien à craindre,

Je crois que cela ne Eny fervira de rien: Je le fais dire à Mercure, plûtoft qu'à Plutus

parce qu'il eft mieux de la forte, comme il paroiftra dans la lectu re de l'ouvrage.

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