Page images
PDF
EPUB

LYCINUS. Il n'eft pas queftion de pleurer; mais de prendre pour foy la confolation que donna le Renard des Fables, à celuy qui s'amufoit à compter les vagues; & qui s'eftoit mépris au compte : Car il luy dit, qu'il n'avoit qu'à compter celles qui reftoient, fans fe metttre en peine de celles qui estoient écoulées, veu qu'auffi-bien il en eftoit paffé une infinité de femblables avant qu'il fe mist à compter. Contente-toy donc deformais de vivre comme les autres, fans faire des deffeins au-deffus de ta portée, ni avoir honte d'eftre devenu fage un peu tard. Du refte, ce que j'ay dit, n'eft point par une haine particuliere que j'aye contre les Stoïques; au contraire, j'ay choiffleur Secte comme la principale, pour confondre en elle toutes les autres.

de

HERMO TIME. Je te promets changer maintenant, non feulement de vie, mais d'habit & de contenance, & d'en prendre une plus reglée & plus humaine, pour faire voir que j'ay renoncé à toutes ces fottifes, & pleut à Dieu que je puffe oublier tout ce que j'en ay appris. Je prendrois volontiers pour cela de l'ellebore,comme fit Chryfipe, quoyque pour un different fujet. Cependant, je t'ay beaucoup d'obligation de m'avoir

détrompé; il me femble que tu m'es apparu comme les Etoiles de Caftor & de Pollux, pendant la tempefte. A peine que je ne me faffe couper les cheveux comme ceux qui font échappez du nau→ frage; je fuiray à l'avenir la rencontre d'un Philofophe, comme celle d'un furieux, ou d'un chien enragé.

Comme les Etoiles de Caftor & de Pollux : Je ne fuy pas la com

paraifon de mon Au teur, parce que celle cy s'ajufte mieux.

********************** HERODOTE, OU AETION.

Il fe fert des exemples d'Herodote & d'Aëtion, pour juftifier fa conduite.

Q

U'on feroit heureux de pouvoir imiter Herodote, je ne dis pas en toutes fes perfections, car ce feroit un trop grand fouhait; mais ou en la beauté du difcours, ou en la gravité des Sentences, ou en la délicateffe de fa langue Ionique, ou enfin, en mille autres avantages, qui font tomber la plume des mains de tous ceux qui le voudroient entreprendre. Mais ce qu'il fit lors qu'il fortit de fon Païs, peut eftre imité aifément. Car après avoir déliberé en foyQq iiij

[ocr errors]
[ocr errors]

mefme des moyens qu'il tiendroit pour fe rendre illuftre il creût qu'il feroit trop long de courir par toutes les Villes, & fe préfentant aux Jeux Olympiques où toute la Gréce eftoit affemblée, il récita fon Hiftoire avec tant d'applaudiffement, qu'on donna le nom de Mufes à fes Livres. Il devint donc, en moins de rien, plus celebre que ceux qui avoient gagné le prix des Jeux & l'on crioit par tout, lors qu'il paffoit : Voilà celuy qui a fi dignement chanté nos victoires, & celebré les avantages que nous avons remportez fur les Barbares. Par cet artifice, il obtint l'approbation generale dans une feule affemblée : & au lieu d'un Heraut qu'ont les autres victorieux, il eut toute la Gréce pour Trompette de fes louanges. Son exemple fut fuivy deGens puis par le Rhéteur Hippias, qui eftoit Anaxi- Grec,& enfuite par plufieurs autres, qui Chius, fe font fignalez de mefme par des HaranAgrigen- gues publiques. Mais il n'eft point befoin nus. d'alleguer les Anciens, puis que de noftre temps Aëtion expofa publiquement aux Jeux Olympiques le tableau des amours de Roxane & d'Alexandre ce qui luy acquit tant de réputation, que celuy qui

Prodicus

,

ménes,

Polus,

Qui eftoit de fon Pays, ou fimplement Grea

préfidoit aux Jeux, luy donna fa fille en Proxeni mariage. Ce devoit eftre un merveilleux dés tableau direz-vous , pour élever un Peintre à un fi haut degré d'honneur. Je vous en veux faire la description,pour en donner quelque idée à ceux qui n'ont point efté en Italie, où eft maintenant une fi excellente piece. C'eft une Chambre magnifique, où l'on voit affife fur fon lit Roxane toute éclatante de gloire mais plus brillante encore par fa beauté quoyqu'elle baiffe les yeux de honte, pour la présence d'Alexandre, qui eft debout devant elle. Mille petits amours foûrians voltigent autour, dont les uns levent fon voile par derriere, comme pour la montrer au Prince; les autres la deshabillent. Quelques-uns tirent Alexandre par le manteau, comme un jeune Epoux plein de pudeur, & le préfentent à fa maiftreffe. Il met à fes pieds fa Couronne, en la compagnie d'Ephestion, qui tient un flambeau à la main, & qui s'appuye fur un beau garçon qui repréfente l'Hymenée. Voilà le principal deffein du tableau. A cofté font d'autres petits

[ocr errors]

C'est une chambre ge de Roxane & la magnifique. J'ay déja fuite l'explique encodit que c'est le maria- | re.

Amours qui folaftrent avec fes Armes. Les uns portent fa Lance, tout courbez comme des porte-faix, fous un fardeau trop pefant; les autres fon Bouclier, fur lequel il y en a un d'affis, qu'ils menent comme en triomphe, tandis qu'un autre eft en embufcade dans fa Cuiraffe, qui les attend au paffage pour leur faire peur. Et cette galanterie n'eft pas inutile, mais elle fert à faire voir l'humeur belliqueufe d'Alexandre, qui au milieu des plaifirs n'abandonnoit pas le foin de la guerre. Voilà la defcription de ce chefd'œuvre, qui par la feinte repréfentation d'un mariage, en produifit un veritable. Maintenant, pour en faire l'applica tion, je diray qu'à l'exemple d'Herodote & d'Action, voulant me faire connoistre à mon entrée dans la Macédoine, fans courre par tout en une faifon fascheufe j'ay choifi cette illuftre Compagnie, qui n'eft pas compofée d'une vile populace, comme celle qui fe trouve à des Jeux, Phile mais des plus Grands perfonnages de Cophes, toute la Gréce; & n'eft pas affemblée Hifto dans les Deferts de Pife fous des hutes & Tiens des cabanes, mais dans une Ville magnifique, où elle repréfente comme les Etats de la Province, fi bien qu'elle ne cede en rien à la folemnité des Jeux Olympi

Orateurs,

« PreviousContinue »