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ques. A la verité, fi vous me comparez à ces deux Heros, je feray fort peu de chofe; mais en me confiderant féparément, je mériteray peut-eftre quelque eftime.

Compare à ces deux | ter cela à ceux dont il Heros.J'ay trouvé plus parle, qu'à des Athlé à propos de rappor- tes.

ZEUXIS, OU ANTIOCHUS.

C'est comme une Apologie de la façon d'écrire de Lucien, dont il y a déja quelque chofe dans le Traité qui eft intitulé: Contre celuy qui l'avoit appellé Promethée.

Omme je me retirois l'autre jour,

Caprès vous avoir leu mon Ouvrage

plufieurs de ceux qui l'avoient oui, m'a borderent, & m'ayant falué fort civile ment, me reconduifirent chez-moy, avec des louanges qui me faifoient rougir, & que j'aurois honte de rapporter à d'au

Leu

mon Ouvrage Dialogues, qu'à autre Ce qu'il dit icy fe chofe rapporte mieux à fes

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tres qu'à mes amis. Ce qu'ils admiroient davantage dans ma façon d'écrire, c'eftois la nouveauté de l'invention, dont chacun rapportoie quelque exemple qui l'avoit le plus touché: Car ils n'avoient point de fujet de vouloir flatter un eftranger comme moy, de qui ils n'avoient rien à efperer ny à craindre. Ces louanges, quoyqu'elles me chatouillaffent l'oreille, me laiffoient nean moins quelque regret, en ce qu'ils fembloient n'admirer en mes Ouvrages que la nouveauté : comme on dit, qu'une Chanfon, quelque mauvaise qu'elle foit, eft bonne, quand elle est nouvelle. Je difois donc en moy-mefme, Quoy! n'ay-je aucun avantage par-dessus les autres de ne pas , que fuivre leur route? N'y a-t-il pas du choix & de l'agencement dans mes paroles ; de la force & de la délicateffe dans mes penfées; de la vigueur dans mon expreffion; de l'ordre & de la conduite dans tout mon discours? Voilà ce qui eft digne de loüange, & non pas la nouveauté, qui ne doit estre estimée que comme la bordure en un tableau. Je vous veux conter, à ce propos, l'hiftoire de Zeuxis, qui a remporté la gloire du plus grand Peintre qui fut jamais, & qui ne s'amufoit point à repréfenter des chofes ordi

naires comme les autres, mais taschoit toûjours de montrer l'excellence de fon Art fur de nouveaux fujets. Entre tous fes grands deffeins, celuy qui m'a le plus touché, c'est la Centaure, dont j'ay veu une copie à Athénes; car l'original fut emporté par Sylla, & périt fur Mer avec plufieurs autres raretez de la Gréce. Je vous la vais donc dépeindre, au moins mal qu'il me fera poffible, non pas pour prétendre la gloire d'exceller dans les defcriptions, mais parce que l'étonnement qu'elle me donna, a fervy à me la mieux imprimer dans l'efprit. C'est une Centaure couchée fur l'herbe, dont la partie animale eft eftenduë par terre, & celle qu'elle a de femme eft relevée à demy, & appuyée fur le coude. Elle allonge les pieds de derriere, & trouffe ceux de devant, en recourbant l'un, & pinçant la terre de l'autre, comme font les chevaux, quand ils fe veulent redref fer. Elle fe panche un peu fur le cofté, pour donner à teter à fes petits, dont elle tient l'un entre fes bras, qu'elle allaite avec fes mamelles de femmes, & l'autre eft pendu à celles qu'elle a de cavale. Au haut du tableau, eft le Cen taure comme en fentinelle, qui ne paFoift qu'à demy, & leur montre un fâon

outre

de Lionne, qu'il a pris. Quoyqu'il femble foûrire, il a neanmoins la mine fa rouche, & la perruque affreufe, qu'il eft prefque tout velu. Mais sa femme, auffi mignonne qu'il eft fauvage, a la moitié du corps de ces belles cavales de Theffalie, qui n'ont point encore efté domptées, & l'autre moitié de la plus belle femme du monde, hormis qu'elle a les oreilles droites & pointuës, comme on les peint aux Satyres. Des deux enfans, l'un eft fauvage & velu comme le pere; l'autre plus doux & plus humain ; & tous deux regardent, en alaitant, le Lionceau, que leur pere éleve par-deffus fa tefte, comme pour leur faire peur. Je laiffe aux Peintres à admirer le docte meflange des couleurs auffi-bien que leur application,la justesse des proportions, la délicateffe des ombres, & la hardieffe du deffein; mais ce qui me toucha le plus, fut l'industrie de l'ouvrier, d'avoir fceu mefler fi adroitement deux natures toutes contraires, que le paffage de l'une à l'autre eft imperceptible. Ce chef-d'oeuvre ravit d'abord tous ceux qui le virent; mais comme

Quoyqu'il femble fourire: Ce qui eft icy eft rejecté plus bas.

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Zeuxis apperceut qu'ils en admiroient l'invention, fans prendre garde à ce qui eftoit de plus confiderable, il l'ofta en colere du lieu où il l'avoit mis pour le faire voir. Avant que d'approprier cet exemple à mon fujet, j'en veux encore rapporter un autre d'Antiochus Soter, à la Bataille qu'il donna contre les Galates. Comme ce Prince vit le grand nombre & le bel ordre des ennemis, il defefpera de la victoire, & le préparoit déja à la retraite ou à faire quelque méchant accommodement, lors que l'un de fes Capitaines le raffura. Voyant donc la Theoda Cavalerie ennemie qui venoit fondre fur tas le luy, & l'Infanterie qui s'ouvroit pour donner paffage aux Chariots; il lafcha fi à propos les Elephans, qu'il avoit cachez exprès derriere les Bataillons, pour , pour donner plus de terreur, que la Cavalerie & les Chariots épouvantez, fe renverferent fur leurs gens de pied; fi bien que donnant là-deffus, on en fit un carnage ef froyable. Mais comme les Macédoniens vouloient feliciter Antiochus de fa victoire, & pouffoient en l'air des cris de joye: N'avez-vous point de honte, leur

Comme ce Prince exemple, que ce qui vit. Je n'ay pris de cet fervoit an fujet,

Rhodiens

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