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L'empereur Alexandre, l'empereur d'Autriche et le roi de Prusse partirent le 24 octobre pour aller à Bude, capitale de la basse Hongrie, rendre visite à l'archiduc Palatin, frère de François II, qui avait épousé en premières noces une sœur d'Alexandre, décédée en 1801. Le motif de ce voyage, qui faisait honneur aux sentimens fraternels du czar, furent mal interprétés par des personnes un peu trop promptes à prévoir des dangers dans la moindre démarche d'un monarque aussi puissant que l'était l'empereur de Russie. On supposa qu'il avait le dessein, de plaire à la nation hongroise, par la minutieuse exactitude du costume hongrois dont il se revêtait. La langue de cette nation est un dialecte de l'esclavone, qui se rapproche infiniment de la langue russe. Long-temps les Hongrois regrettèrent leur indépendance; chez eux, presque tout le commerce est entre les mains des schismatiques grecs, qui professent la même religion que les Russes: la Hongrie, voisine de la Pologne russe dans le nord de ses provinces, a long-temps résisté à l'Autriche avant de se ranger sous ses lois : ce n'est même, à proprement parler, que depuis 1736, par le mariage de l'illustre Marie-Thérèse, archiduchesse d'Autriche et héritière du royaume de Hongrie, avec François-Étienne, grand-duc de Toscane, élu ct reconnu empereur d'Allemagne après de sanglantes contestations, que ce royaume,

objet continuel de tant de guerres civiles, est enfin devenu l'une des plus belles possessions de l'Autriche. Néanmoins, l'élévation et la fierté nationale de ce pays conquis n'ont rien perdu de leur énergie: et cette possession d'un peuple qui n'a aucun rapport avec les mœurs de l'Allemagne, est devenue pour l'ombrageuse Autriche un sujet continuel de doutes, de méfiances et de concessions. Ces relations précaires n'avaient pu échapper à l'ambitieuse sagacité du czar, et l'on n'eut aucune peine à lui attribuer des arrière-pensées qui s'accordaient si bien avec sa politique et l'état des choses.

Ces grands personnages étaient de retour à Vienne le 30 octobre, après avoir visité Presbourg et Comorn, forteresse importante dont les Turcs ne purent jamais s'emparer. Cette dernière ville, assez considérable, est située au milieu de l'île de Schutt, et fut la résidence de l'empereur d'Autriche pendant la campagne de Wagram: c'est là que furent transportés les trésors et les richesses de la cour de Vienne; c'est-là que l'empereur d'Autriche signa et ratifia la paix de 1809, qui fut suivie du mariage de l'archiduchesse MarieLouise.

Le ministre du roi de Wurtemberg ayant cédé le pas au ministre de Hanovre, fut disgracié et remplacé par le comte de Winzingerode, qui voulut, à la première occasion, prendre le pas sur le ministre de ce nouveau roi. La contesta

tion devint sérieuse parce que chacun tenait bon; mais elle se termina par une décision des souverains, qui, sur la demande courtoise de l'empereur Alexandre, réglèrent le rang et la préséance des monarques d'après leur âge. Ainsi la première place fut dévolue

Au roi de Wurtemberg, né en 1754.
Venaient ensuite,

Le roi de Bavière. . . . né en 1756.

Le roi de Danemark. . né en 1768 (28 janv.).
L'emper. d'Autriche. né en 1768 ( 12 févr.).
Le roi de Prusse. . . . . né en 1770.

Et l'emper. Alexandre.. né en 1777.

Ces augustes personnages ne firent point usage de cette distribution de rangs dans la salle des conférences, parce que jamais ils n'y parurent que par leurs ministres. L'importance de cette prérogative de l'âge ne fut applicable qu'aux réunions de pur amusement, aux concerts, aux bals....., etc., qui paraissaient être la plus sérieuse occupation des empereurs et des rois.

Que faisait, pendant que l'on menait une vie si joyeuse à Vienne, ce patriarche couronné, ce vénérable roi de Saxe, si cher à tous ses sujets? Retiré près de Berlin avec toute sa famille désolée, il paraissait destiné à devenir la victime imposée aux destinées humaines, pour la trahison de ses soldats dans les fatales journées de Leipsick,

trahison dont ce vertueux monarque fut complétement innocent. Le 3 novembre, le prince Repnin, qui occupait militairement la Saxe avec des troupes russes, notifia aux autorités saxonnes une lettre officielle du baron de Stein, ministre du roi de Prusse, de laquelle il résultait qu'à la suite d'une convention signée à Vienne le 28 septembre précédent, entre l'empereur de Russic, celui d'Autriche et l'Angleterre, l'administration du royaume de Saxe devait être remise au roi de Prusse. En conséquence, Frédéric-Guillaume annonçait, par l'organe de son ministre et en sa qualité de futur souverain de la Saxe, que son intention n'était point d'en faire une province prussienne, mais d'opérer cette fusion en lui conservant le titre de royaume de Saxe, sans rien changer à l'intégrité de son territoire et à ses droits..... Telles étaient les confidences officielles renfermées dans la proclamation du prince Repnin, et qui se terminaient par la publication des ordres de l'empereur son inaître, lesquels lui enjoignaient de faire incontinent la remise de la Saxe aux commissaires du roi de Prusse. Le prince Guillaume son frère était déjà désigné pour gouverner la Saxe, avec le titre de

vice-roi.

Quelques jours après parut une déclaration du roi de Saxe, datée de Frederichsfeld. Elle était remplie d'une dignité mélancolique et d'une noblesse de sentimens parfaitement en rapport avec le caractère de ce bon roi,

« Nous manquerions à des devoirs sacrés envers << notre maison royale et envers nos fidèles sujets, « en gardant le silence sur les nouvelles mesures projetées contre nos états, au moment où nous << sommes en droit d'en attendre la restitution. « L'intention manifestée par la cour royale de « Prusse d'occuper provisoirement nos états de Saxe, nous oblige de prémunir contre une « démarche pareille nos droits bien fondés, et « de protester solennellement contre les consé«quences qui pourraient être tirées de cette

« mesure.

«

« C'est auprès du congrès de Vienne, et en « face de toute l'Europe, que nous nous acquit<< tons de ce devoir en signant de notre main les présentes, et en réitérant publiquement la dé<«<claration communiquée il y a quelque temps « aux cours alliées, que nous ne consentirons ja<< mais à la cession de nos états hérités de nos ancêtres, et que nous n'accepterons aucun dédommagement ou équivalent qui nous serait « offert, etc., etc. >>

་་

Cette déclaration, signée aux portes de Berlin, honore autant le roi de Saxe que le roi de Prusse, puisqu'elle était un hommage rendu à la loyauté personnelle et au noble caractère de FrédéricGuillaume.

La convention dont se prévalait le baron de Stein ne fixait point d'une manière irrévocable le sort de

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