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les fils de paysans ou d'ouvriers pour en faire des rois (1)!

Ainsi donc, nous le répétons, le Gouvernement nouveau sera fort, assis sur ces deux piédestaux qui se prêteront un appui réciproque, la foi du peuple, et le dévouement de l'armée

Et maintenant, à la place des jours tranquilles et heureux que l'avenir nous promet, voyons ce que nous eût donné la Constitution, ce que nous préparaient les partis, si on les avait laissés faire.

Tout le monde connaît la situation politique qui précéda les évènements de décembre. Résumons-la en quelques mots. Louis-Napoléon ne voulait qu'une chose, c'est que la France pût choisir librement son chef en 1852: c'était là son crime aux yeux des partis. Le 2 décembre, les différentes factions parlementaires, se coalisant alors pour une œuvre de destruction, sauf à se battre ensemble sur les débris qu'elles feraient, se préparaient à glisser dans la loi de responsabilité des agents du pouvoir un article consacrant, au profit de l'Assemblée et de ses dignitaires, le droit de requérir directement la force armée. Le Constitutionnel a publié des documents qui prouvent qu'on n'attendait que le vote de l'article pour user de ce droit; et cela, non afin de

(1) Murat, roi de Naples, était fils d'un aubergiste.

défendre l'Assemblée, qui n'était nullement menacée alors, mais afin d'attaquer le Pouvoir exécutif. On devait, au palais législatif, décréter d'accusation Louis-Napoléon, et, sous prétexte qu'il préparait inconstitutionnellement sa réélection, l'envoyer au château de Vincennes.

Eh bien! supposons un instant que ce complot eût réussi, qu'il se fût trouvé dans l'armée des soldats prêts à porter la main sur le neveu de l'Empereur devenu Président de la République, croit-on d'abord que ce succès eût été obtenu sans catastrophe, sans effusion de sang? Dans cette armée si héroïque, si bien disciplinée, qui a marché contre l'émeute parlementaire comme un seul homme, on voudra bien admettre au moins que quelques régiments auraient refusé d'obéir aux ordres de l'Assemblée, et seraient demeurés fidèles à Louis-Napoléon. Alors, que serait-il arrivé? On aurait vu dans les rues de Paris deux armées en présence... des flots de sang français auraient coulé... Premier malheur!.. Mais ce n'est pas tout. Qui donc aurait triomphé dans ce conflit? A qui donnaient des chances ces fatales divisions et cette force militaire ainsi coupée en deux? A qui? Peut-on avoir le moindre doute à cet égard? Et à qui donc, si ce n'est au parti qui flairait et guettait depuis deux ans cette collision? au parti qui se glisse toujours entre les combattants pour dépouiller et voler le vain

queur; au parti qui, le 23 février 1848, criait avec les bourgeois de Paris vive la réforme! et qui, le lendemain, criait sans eux vive la République! à ce parti qui, cette fois, aurait crié avec les partisans de l'Assemblée vive la Constitution! pour finir par cet autre cri qu'il eût poussé sans eux: vive la République rouge!

La république rouge! nous savons maintenant ce que c'est: nous avions cru jusqu'à présent que c'était seulement la ruine publique et la terreur, la confiscation légale et l'échafaud en permanence. C'était déjà beaucoup trop, sans doute, et cependant ce n'était pas encore assez : ce qu'on nous réservait, c'était le pillage organisé, le viol, l'assassinat et l'incendie; c'était l'état sauvage, quelque chose qui n'a de nom dans la langue d'aucun peuple civilisé.

Il est vrai que cela n'eût pas duré longtemps. Toute la France, grâce au ciel, se serait soulevée d'horreur contre cette abominable anarchie, et l'aurait écrasée sous ses pieds. C'est là aussi ce que disent les partis monarchiques, et au sortir de ce chaos, ajoutent-ils, nous aurions eu la royauté.

La royauté! Laquelle ? Celle du droit divin?

En vérité, nous respectons infiniment les croyances du parti légitimiste, nous estimons la plupart des hommes qui le composent, mais nous ne pouvons les entendre sans nous rappeler ce

philosophe grec, Epiménide, qui dormit cinquante ans et qui, à son réveil, brouillant comiquement toutes choses, confondant le passé avec le présent, croyait retrouver le monde tel qu'il l'avait laissé en s'endormant. Pauvre fou! les légitimistes ne sont pas de leur siècle: sourions, et passons.

La royauté de 1830? Celle-là n'a jamais été populaire dans le vrai sens du mot, car elle s'est toujours défiée des masses: elle n'a existé que pour et par la bourgeoisie, et ce serait à recommencer si elle revenait. Or, la France a conquis Te suffrage universel, elle y a pris goût et entend conserver sa conquête (1).

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Mais, répondent quelques esprits honnêtes et méticuleux, nous ne voulons d'aucune royauté, « nous voulons le maintien de la République. • C'est Napoléon qui a fait tout le mal; pourquoi « a-t-il voulu se faire réélire? S'il était descendu << volontairement du pouvoir, conformément à

(1) Vous restaureriez aujourd'hui la dynastie des d'Orléans, qu'elle ne vivrait pas plus de six mois. D'ailleurs, pourquoi ne pas dire tout haut ce qu'on pense tout bas? Les vieilles races monarchiques sont usées, elles n'ont plus la virilité d'âme nécessaire pour diriger les peuples. Nous ne voulons pas reprocher le passé, mais qu'avons-nous vu en Février et en Juillet? des princes auxquels le cœur défaillait, et qui, avec une facile soumission, acceptaient leur défaite et l'exil. Or, aujourd'hui, le Gouvernement yeut par-dessus tout un esprit résolu pour concevoir, et, pour exécuter, une audace au niveau des circonstances, et une indomptable énergie.

« la Constitution, la France aurait nommé un « autre Président; comme la nation n'est pas

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montagnarde, elle eût pris un honnête homme,

« un homme modéré, et les choses se seraient passées régulièrement.

«

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Cette opinion étant partagée par des hommes honorables et sincères, nous croyons qu'il importe de la combattre.

Et d'abord, leur répondrons-nous, croyez-vous que, Louis-Napoléon étant exclu du concours présidentiel, le chef de l'État en 1852 eût été l'élu de la France? Dans l'état actuel des partis, croyezvous qu'un autre candidat aurait, aux termes de l'article 47 de la défunte Constitution, réuni plus de la moitié des suffrages exprimés et au moins deux millions de voix? Vous reconnaîtrez avec nous que c'était impossible, et alors c'était l'Assemblée qui nommait; ainsi le voulait cet article. Et qui aurait-elle nommé ? La majorité était royaliste, elle aurait, par son choix, préparé le retour d'une de ces royautés dont vous ne voulez pas!

Admettons qu'il en eût été autrement: vouliezvous donc vouer éternellement la France à ces renouvellements de pouvoir tous les quatre ans, à cette instabilité gouvernementale que créaient les institutions, maladie qui frappait au cœur tout commerce et tout crédit? Et puis enfin, voyons, qui auriez-vous nommé? Connaissez-vous en

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