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de tant de pertes, de tant de mécomptes, d'un si long abandon du ciel et de la terre. Non certes, Messieurs, ce n'est pas vous qui le direz, et ce n'est pas vous à qui personne osera le dire. Dieu est patient parce qu'il est éternel; les nations aussi sont patientes et doivent l'être; car si elles ne sont pas éternelles, du moins leur vie n'est pas d'un jour comme la nôtre; et elles ont le temps dans leur lougue carrière de voir et de subir les consolations et les vengeances du Très-Haut. Nous donc qui ne sommes, chacun dans notre nation, que comme des grains de sable dans le tourbillon des évènemens, nous ne regretterons jamais d'être enveloppés dans le grand mouvement de notre époque. Bien loin de déplorer le passé, bien loin de désespérer de l'avenir, nous répéterons le cri sublime du glorieux frère de celui que vous pleurez: Qui croit en Dieu ne craint pas l'homme: c'est-à-dire, qui croit à la justice éternelle ne craint pas l'injustice, l'ingratitude d'un jour ou d'un siècle; qui croit au triomphe définitif de la vérité et de la vertu, ne se laissera pas abattre par le triomphe momentané du crime; qui connaît ces saintes joies du sacrifice et de l'abnégation de soi-même ne regrettera jamais la triste paix des lâches et des transfuges. Et non seulement, Messieurs, nous croirons toujours à cette divine et imprescriptible justice, mais nous la servi rons de notre mieux; nous consacrerons tout ce qu'il nous reste de vie et de force à la faire régner, d'abord dans nos cœurs, et ensuite partout où elle aura été violée et détrônée. En remplissant avec calme et constance cette noble mission, nous pourrons mériter de nous trouver un jour, tous réunis, ceux qui ont cherché la mort sur les champs de bataille, et ceux qni l'ont attendue dans les douleurs de l'exil, ceux qui victorieux ont affranchi leur patris et ceux qui vaincus avec honneur ont été privés de la leur, réunis dans cette plus haute patrie qui est commune à tous, et qui est éternelle.

NOUVELLES DIVERSES.

Les journaux de Berlin et de Pétersbourg, en parlant des débats du Parlement anglais qui avaient occasioné la démission du marquis de Londonderry en qualité d'ambassadeur en Russie, ont

passé sous silence tous les reproches adressés au marquis en cette

occasion.

-Les feuilles allemandes à la disposition de l'autocrate, répandent des bruits sur de nouvelles conspirations qui seraient tentées en Pologue contre le gouvernement russe. Qui ne voit dans ces indignes manœuvres un moyen pour justifier les nouvelles persécutions dont on abreuve ce malheureux pays?

Les compatriotes et les amis du général Rozycki, décédé l'année dernière en Suisse, viennent de déposer sur son tombeau, à Berne, une pierre sépulcrale avec une inscription polonaise.

Les journaux en parlant du fusil inventé par le général polonais Wroniecki, ajoutent que ce militaire vient de résoudre le problème dont les Prussiens ont, à plusieurs reprises, vainement cherché la solution. C'est une invention consistant dans un mécanisme aussi simple qu'ingénieux, à l'aide duquel les fusils à pierre seront désormais complétement garantis contre l'humidité et la pluie.

Malgré la protection dont les réfugiés polonais jouissent sous les gouvernemens éclairés de France et d'Angleterre, les feuilles salariées par la Russie ne cessent de répandre de faux bruits sur leur expulsion à Alger et sur le refus des subsides qu'on n'a pas cessé de leur accorder.

- Le 17 avril a eu lieu au théâtre italien un grand concert vocal et instrumental au bénéfice des malheureux réfugiés. Ce concert, donné sous le patronage d'une société de bienfaisance de dames polonaises, a produit plus de 6,000 fr. de bénéfice net.

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Les Polonais presens à Paris se proposent de célébrer l'anniversaire du 3 mai, si célèbre dans les fastes de la Pologne. Le directoire de l'association territoriale, à Varsovie, a publié son dix-septième Compte rendu, dont il appert que le total des lettres de gages émises, monte à 248 millions de florins de Pologne, dont 49 millions ont déjà été amortis.

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On a commencé à éclairer au gaz le grand atelier des frères Evans à Varsovie. Au lieu de charbon de terre, on se sert de poix, pour développer ce fluide aériforme.

On continue d'exploiter l'ambre jaune dans les forêts de la Pologne, et nommément dans le palatinat de Plock, et dans les environs d'Ostrołenka, à une distance de soixante lieues de la mer Baltique.

- La Société des Amis de la Pologne, à Londres, s'est réunie, le 28 mars dernier, en séance annuelle, et a décidé la fondation d'une Revue trimestrielle, consacrée, en grande partie, aux intérêts de la Pologne. Nous donnerons, dans la prochaine livraison, les détails de cette importante séance, à laquelle lord Brougham a pris une part très active.

Le défaut d'espace nous oblige à remettre une partie de la Chronique au prochain numéro.

POLITIQUE.

LA CAUSE POLONAISE ET LE JOURNAL

LE POLONAIS.

Avant de commencer le cinquième volume de notre journal, en entrant dans la troisième année de nos travaux, nous croyons qu'il est utile et convenable de jeter un coup d'œil sur la marche que nous avons suivie jusqu'à présent, de rendre compte à nos lecteurs de nos premiers efforts et de les associer à nos espérances pour l'avenir.

Après ses derniers désastres, la Pologne ayant, avec les débris mutilés de sa jeune gloire, porté et planté, en quelque sorte, son vieux drapeau national dans le sein même d'un peuple avec lequel elle était liée par de précieux et nobles souvenirs, nous crûmes de notre devoir de donner à cette auguste et grande exilée un organe qui eût pour but de conserver vivant et pur le dépôt de la nationalité polonaise; de protester contre l'envahissement barbare et les violations flagrantes de la Russie; d'entretenir les sympathies de l'Europe pour ce pays, par un examen approfondi de ses institutions, de ses droits antiques, de tous ses titres à la reconnaissance des autres peuples de l'Europe; enfin de démontrer le besoin urgent qu'ont les puissances de rétablir l'ancienne Pologne indépendante pour assurer au monde une paix solide et durable. Il nous parut d'autant plus urgent de créer cet organe que la direction donnée aux manifestations du vif intérêt qu'inspirait la cause polonaise ne nous semblait pas assez libre d'esprit de parti, toujours hostile à une cause qui, dans toutes les opinions politiques, compte de TOME IV. — JUIN 1835.

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nombreux amis. Quel est l'homme en effet qui pourrait de bonne foi nier les droits de la Pologne à son indépendance nationale ? Et cette question n'est-elle pas comme un lien de ralliement, un gage peut-être de réconciliation prochaine pour les opinions les plus divergentes?

En fondant le Polonais, notre intention était de servir d'interprète à l'émigration polonaise auprès du pouvoir, de recueillir les vœux, les désirs, les plaintes de nos compatriotes, de faire connaître les moyens d'améliorer leur sort. Nous voulions rectifier de nombreuses erreurs, de perfides calomnies propagées par des feuilles salariées de l'autocrate, et montrer sous son véritable aspect le caractère de l'émigration polonaise; en un mot, faire appré cier la Pologne sous le rapport politique, législatif, statistique, commercial, historique et littéraire telle était la tâche que se proposaient les fondateurs du journal. Nous ne nous dissimulions pas les difficultés que devait nécessairement offrir l'exécution de cette œuvre patriotique; mais l'espérance de pouvoir ainsi adoucir plus d'une noble infortune, et d'entretenir cette énergique vitalité polonaise que le czar se flatte en vain d'avoir étouffée n'a cessé de fortifier notre résolution, d'autant plus que l'appel que nous avons fait à nos amis n'a jamais été vain, et que des noms illustres sont venus s'associer à nos travaux.

Encouragés par nos premiers succès nous avons redoublé de zèle pour remplir tous nos engagemens, et nous avons même introduit de notables améliorations dans notre œuvre.

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Ainsi, aux sections portant le titre de Politique, Histoire, Statistique, Littérature, Chronique Polonaise, nous en avons successivement ajouté d'autres sous les titres suivans Beaux-Arts, Illustrations Polonaises, Correspondance privée, Bulletin, et notes bibliographiques.

I

Afin de faire entrer plus de matière dans notre journal, nous l'avons fait imprimer depuis le troisième volume en caractères neufs compactes, et nous n'avons jamais

manqué d'ajouter une feuille supplémentaire chaque fois que le défaut d'espace nous eût empêché de traiter quelque sujet important. Pour répondre plus digne. ment à la confiance de nos lecteurs, nous avons pris pour principe de nous borner, autant que possible, aux faits officiels sur lesquels ne peut exister aucun doute; c'est ainsi que nous avons parlé, dans la chronique de chaque numéro, des actes du gouvernement russe d'après la gazette officielle de Varsovie et le journal de SaintPétersbourg.

Il est inutile de dire ici que la fondation du Polonais n'est pas une entreprise de librairie; jamais ses fondateurs ne songèrent à en faire un objet de spéculation; heureux qu'ils étaient de consacrer leurs veilles à une cause aussi belle! Leur unique ambition, leur plus douce récompense serait d'alléger par leurs travaux l'infortune des hommes qui n'ont rien eu à refuser à leur mère patrie, et qui sont fiers de lui avoir immolé leur fortune, leur position sociale, tout enfin jusqu'à leur repos.

Ainsi, le Polonais, de quelque manière qu'on veuille le considérer, est le représentant de la justice et d'une pensée généreuse. Aussi énergique dans ses protestations contre l'arbitraire, aussi convaincu de la sainteté de la cause qu'il défend, que modéré dans l'expression de ses opinions, reste flottant d'un vaisseau brisé par la tempête, il rappelle aux pilotes du port un terrible naufrage, qu'ils auraient pu prévenir avec plus de hardiesse et de prévoyance.

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Les deux années qui viennent de s'écouler, nous les avons consacrées à mettre exclusivement en relief tout ce qui était le plus de nature à déterminer une juste appréciation de la cause polonaise. Nous l'avons envisagée sous plusieurs points de vue: en elle-même d'abord, puis dans ses rapports avec la Russie, avec la France, avec l'Angleterre, dans ses rapports avec les intérêts de tous les peuples, enfin avec la liberté et la civilisation générale. Nous avons tâché de faire revivre les souvenirs histori

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