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n'est pas un argument à fortiori destiné à justifier le judicatum, En effet, l'arrêt déclare que la pêche cesse d'être libre alors seulement que la communication est établie par le fonctionnement d'un mécanisme artificiel, et qu'elle redevient libre quand cette communication a cessé.

Cette doctrine nouvelle, consignée dans les motifs de l'arrêt, n'est pas en harmonie avec la jurisprudence antérieure (V. Jur. gén., Vo PÊCHE FLUVIALE, nos 20 et 148; V. aussi Caen, 9 avril 1871, D., P., 1873, II, 156). Ce qui est vrai en cas de communication naturelle (Jur. gén., vo PÈCHE FLUVIALE, no 21) cesse de l'être lorsque la communication est artificielle. La raison de cette différence est sensible. L'absence de communication naturelle est au-dessus de la puissance humaine. La communication artificielle, au contraire, est à la disposition de l'homme. On pourrait donc, à volonté, rendre la pêche libre ou réglementée, ce qui est inadmissible.

Les Cours d'Angers, 9 février 1873, et de Paris, 9 janvier 1874 (V. numéro suivant), nous paraissent, au contraire, avoir fait une exacte application des principes en décidant que, dans les canaux fermés par des écluses, ou des portes, ou des vannes, la circonstance de leur ouverture ou de leur fermeture est indifférente, et que la pêche y est régie par la loi du 15 avril 1829, alors même qu'il n'existe aucune communication. C'est en ce sens que nous avons toujours compris l'application de la loi, et nous persistons à penser que la distinction établie dans les motifs de l'arrêt que nous rapportons (mais dans les motifs seulement) ne doit pas être admise. E. MEAUME.

11 décembre 1872.

No 37.
COUR DE DIJON (Ch. corr.).
Pêche, canal, réservoir: 1o e 2o domaine public; 30 et 4° peine ¦
domaine public, canal, réservoir.

Les bassins ou réservoirs construits pour servir à l'alimentation d'un canal de navigation (canal de Bourgogne) et à des opérations de pisciculture ne font point partie du domaine public, mais constituent simplement une propriété privée de l'Etat, alors qu'ils ne communiquent avec le canal que par des rigoles artificielles, et au moyen de vannes de décharge grillées (1).

En tous cas, on ne saurait assimiler des bassins semblables aux cours

(1 et 2) L'article 5 de la loi du 15 avril 1829 permet à tout individu de pêcher à la ligne flottante tenue à la main, dans les fleuves, rivières, canaux, désignés

d'eau, ou dépendances de cours d'eau, dans lesquels la loi du 15 avril 1829 déclare libre la pêche à la ligne flottante tenue à la main (L. 15 avril 1829, article ò) (2).

Le fait de pêche dans un amas d'eau constituant une propriété privée ne peut être puni des peines portées par l'article 388 du Code pénal, en l'absence de toute intention frauduleuse (3);

Mais il tombe sous l'application des dispositions de l'article 5 de la loi du 15 avril 1829, lesquelles s'appliquent à la pêche dans un cours d'eau quelconque (4).

(Canal de Bourgogne et Simon c. Bastide).

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ARRÊT.

LA COUR : Considérant qu'il résulte d'un procès-verbal, dressé le 17 juillet 1872 par le garde-pêche Laurent, que le nommé Bastide a été surpris sur le pourtour du réservoir de Chazilly, pêchant à la ligne flottante tenue à la main; En fait, que ce réservoir constitue un ouvrage d'art construit par l'Etat, qui l'entretient, pour servir à l'alimentation du canal de Bourgogne, à la pisciculture, et à former de vastes pêcheries, dont les eaux,

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dans les deux premiers paragraphes de l'article 1er... » Or, l'article 1er, énumé rant les cours ou amas d'eau où la pêche est exercée au profit de l'Etat, indique : 1o les fleuves, rivières, canaux et contre-fossés navigables ou flottables avec bateaux, trains ou radeaux, et dont l'entretien est à la charge de l'Etat ou de ses ayants cause; 20 les bras, mares, boires et fossés qui tirent leurs eaux des fleuves et rivières navigables ou flottablés dans lesquels on peut en tout temps passer ou pénétrer librement en bateau de pêcheur et dont l'entretien est également à la charge de l'Etat. Quelque extension qu'on veuille donner aux dispositions du second paragraphe de l'article 1er, on ne saurait soutenir qu'il s'applique à un bassin établi dans les conditions constatées par le présent arrêt, c'est-à-dire à un bassin a dont les eaux n'arrivent au cours d'eau navigable qu'au moyen de bondes de décharge grillées et par des rigoles artificielles uniquement destinées à leur passage... » Il n'est donc pas douteux que la disposition de l'article 5 de la loi de 1829, qui autorise la pêche à la ligne flottante dans les cours d'eau désignés dans les deux premiers paragraphes de l'article 1er, ne pouvait être invoquée dans l'espèce. A ce point de vue, la doctrine de l'arrêt est irréprochable.

Mais la Cour de Dijon a cru devoir affirmer, en outre, que l'ouvrage dont il s'agissait, dépendant du domaine national, n'en a pas été séparé pour entrer dans le domaine public. Nous doutons fort que cette solution soit exacte. La règle est que tous les ouvrages d'art qui dépendent des canaux, fleuves ou rivières navigables, font partie comme eux du domaine public. Voir l'article 1er de la loi du 29 floréal an X. C'est ainsi que le Conseil d'Etat a considéré comme des dépendances d'un canal de navigation un réservoir destiné à recevoir les eaux excédantes d'un canal (23 février 1870, Marcot, Recueil de Lebon, p. 165), et même, bien qu'il soit sur ce point moins affirmatif, des pépinières établies le long d'un canal et destinées au renouvellement des plantations des francs-bords (6 mai 1848, min. des trav. publ., même Recueil, p. 276). Or, dans l'espèce, il s'agissait d'un ouvrage construit par l'Etat pour servir à l'alimentation dù canal de Bourgogne. Il est vrai que nous venons de reconnaître que les eaux contenues dans cet ouvrage ne participaient pas, au point de vue du droit de pêche, de la nature des. eaux du canal. Mais il ne s'ensuit pas que l'ouvrage lui-même, en tant qu'ouvrage d'art dépendant d'un canal de navigation, ne fait pas partie du domaine public. (3 et 4) Cette dernière solution de l'arrêt paraît tout au moins ambigue. La Cour de Dijon semble admettre que la disposition de l'article 3 de la loi de 1829, qui punit tout individu qui se livre à la pêche sur les fleuves et rivières... où cours d'eau quelconques sans la permission de celui à qui le droit de pêche appartient, s'applique à la pêche dans tous les bassins, réservoirs ou étangs. Or, d'après la doctrine et la jurisprudence, il faut distinguer entre les bassins, réservoirs ou étangs qui sont en communication directe avec des cours d'eau, de'

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éloignées d'environ 7 600 mètres du cours navigable, n'arrivent dans son lit qu'au moyen de bondes de décharge grillées et par des rigoles artificielles uniquement destinées à leur passage; que les digues qui contiennent la zone des eaux sont complétement isolées, sans assujettissement à aucune servitude, formant une propriété close, inaccessible au flottage et à la navigation, exploitée par voie d'amodiation, avec interdiction, pour les fermiers et les gardes-pèche, de laisser circuler sur les digues et sur les francs-bords; Que ces constatations de fait sont de nature à faire déclarer que le bassin ou réservoir de Chazilly, dépendant du domaine national, n'en a pas été séparé pour entrer dans le domaine public; Que, considéré plus spécialement au point de vue des lois sur la police de la pêche, ce bassin est nécessairement exclu de la faveur accordée à tout individu de se livrer à l'exercice de la ligne flottante tenue à la main, puisque par sa situation et ses affectations particulières il ne constitue ni un canal navigable, ni un cours qui tire ses eaux de fleuves, de rivières navigables ou flottables, dans lequel l'on puisse en tout temps pénétrer en bateau de pêche; Qu'ainsi, l'ordonnance du 10 juillet 1835, qui a complété la loi de 1829, n'a pas compris cet accessoire dans le tableau qui détermine les parties navigables ou flottables du canal de Bourgogne ; Que, d'autres part, la Régie du domaine avant, en 1839, sollicité l'autorité préfectorale de faire cesser par mesure de voirie l'abus de la pêche à la ligne, obtint, non pas un arrêté créant un droit nouveau, mais une déclaration du droit préexistant de l'État dérivant de la loi elle-même, qui fut publiée le 20 août de la même année ; Qu'en cette matiere, s'il était permis de puiser, comme le Tribunal l'a fait, des inductions prises dans la rédaction du cahier des charges, il ne faudrait pas détacher du paragraphe 3 de l'article 7, qui donne à l'adjudicataire la faculté de donner des permissions de pêche à la ligne autre qu'à la ligne flottante tenue à la main, le droit exclusif revendiqué par l'arrêté prémentionné; que cette énonciation est d'ailleurs sans portée, puisque, empruntée à un formulaire imprimé qui résume tous les cas prévus par la loi générale, elle s'est trouvée transportée, sans application directe, dans une adjudication d'un domaine particulier; que, dans tous les cas, un cahier de charges ne réglant que les obligations et les rapports du cédant et du cessionnaire, ne peut être assimilé à un règlement d'administration publique et déroger par voie indirecte à une prohibition absolue; Sur l'application de la peine Considérant que le fait matériel de la pêche à la ligne flottante tenue à la main, sans capture de poisson, en dehors de la constatation d'une intention frauduleuse de la part de l'agent, ne saurait être assimilé au vol prévu par l'article 388 du Code pénal;

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Qu'il

telle sorte qu'ils puissent recevoir les poissons de ces cours d'eau, et les bassins, réservoirs ou étangs qui n'ont aucune communication de ce genre. Dans ces derniers amas d'eau, le poisson appartient au propriétaire du fonds. Il n'est pas in laxitate naturali. En conséquence, celui qui s'en empare, au préjudice du propriétaire, commet un vol. C'est la disposition formelle de l'article 388 du Code pénal. L'intention criminelle étant alors nécessaire pour qu'une condamnation soit prononcée, les Tribunaux correctionnels ne condamnent pas le pêcheur de bonne foi. Mais il peut être poursuivi devant les Tribunaux civils en dommagesintérêts. Quant au délit de pêche, il fait absolument défaut en pareil cas, car le délit de pêche consiste dans la violation du droit de pêche qui appartient à autrui. Or, ici il n'y a pas un droit de pêche qui suppose toujours un poisson en liberté, in laxitale naturali, mais un droit de propriété sur un poisson captif, approprié. Voir notamment Crim. cass., 11 décembre 1834 (Jur. gen, vo PÊCHE FLUVIALE, no 240); Crim. cass., 14 juillet 1865 (D., P., 1865, I, 499); E. Martin, Code nouveau de la pêche fluviale, nos 93 et suiv. Lorsqu'il s'agit de bassins, réservoirs ou étangs en communication avec des eaux courantes, l'article 5 de la loi du 15 avril 1829 s'applique à ces bassins, réservoirs ou étangs comme aux eaux courantes elles-mêmes, dont ils font en réalité partie. Sur les conditions de communication avec les eaux courantes, voir la note suivante.

faut donc s'en tenir à la loi spéciale, qui a eu pour objet, dans la première section du titre V, de régler les poursuites à exercer au nom de l'Administration, et dans le deuxième, celles à exercer au nom et dans l'intérêt privé des fermiers de la pêche et des particuliers (art. 36); qu'en effet, la sanction du paragraphe 3 de l'article 5, qui interdit à tout individu de se livrer à la pêche dans un cours d'eau quelconque sans la permission de celui auquel le droit appartient, trouve sa sanction dans l'article lui-même; qu'enfin, l'ordonnance d'août 1669 (tit. 25, art. 18), à laquelle l'économie de la loi de 1829 a été empruntée, punissait le fait aujourd'hui imputé au prévenu d'une amende de 30 francs; que l'on ne peut donc admettre que le législateur, en abrogeant l'ordonnance, ait maintenu une prohibition qui serait devenue illusoire, s'il ne l'eût réprimée; Considérant, toutefois, qu'une tolérance que de fréquents abus nécessitent de faire cesser ayant laissé mettre en doute et mème péricliter les droits de l'État et ceux de ses adjudicataires, la justice répressive doit tenir compte au prévenu de cette circonstance en ce qu'elle a d'atténuant dans l'appréciation du délit ;

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Par ces motifs, statuant tant sur l'appel formé par le procureur général que sur celui relevé par Simon, en sa qualité d'adjudicataire, contre le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Beaune, réforme.

Du 11 décembre 1872.. C. de Dijon (Ch. corr.). — MM. Lafon, pr.; Beaune, subst. proc. gén., c. conf.; Perdrix et Chenot, av. ; Violle, avoué.

N° 38. COUR D'ANGERS, 9 février 1873; et COUR DE PARIS,
9 janvier 1874.

Pêche fluviale, canal, fossé, communication; 1o et 2o porte automobile, 3o nuit.

La pêche n'est pas libre lorsqu'elle a lieu dans des canaux, fossés ou étangs qui peuvent être mis artificiellement en communication avec un cours d'eau dans lequel la pêche est réglementée par la loi du 15 avril 1829, sans distinction entre le cas où la communication est ouverte ou fermée (1 et 2° espèce) (1);

Spécialement, on ne peut pêcher, en temps prohibé, dans un canal ou fossé appartenant à un particulier, et qui communique par des portes automobiles avec une rivière navigable et flottable, alors même qu'au moment où le fait de pêche a eu lieu, les portes étaient fermées (1o espèce) (2);

(1, 2 et 3) Voir Crim. rej., 10 janvier 1874 (supra numéro 36). Dans la seconde espèce, l'arrêt ne constate pas que les écluses étaient fermées; mais ce fait ressort implicitement de la circonstance que la pêche a eu lieu à onze heures du soir, entre les écluses, ce qui implique qu'elles étaient fermées.

Du reste, la circonstance d'ouverture ou de fermeture des écluses est indifférente, puisque, au moment où elles livrent passage aux bateaux, l'une des portes est nécessairement fermée. En admettant que les deux portes de l'écluse servant à la communication fussent ouvertes accidentellement, cela ne justifierait pas le fait incriminé. Si l'on décidait le contraire, il s'ensuivrait que l'individu pêchant au milieu du canal, ou à l'extrémité opposée à l'écluse ouverte, serait en délit quand il en serait ainsi, quoiqu'il lui fût impossible de connaître le fait de l'ouverture, tandis qu'il ferait, au contraire, un acte légitime en se livrant à la pêche lorsque les écluses sont fermées.

RÉPERT. DE LÉGISL. FOREST.

NOVEMBRE 1876.

T. VII.-10

La pêche de nuit est interdite dans un canal appartenant à la ville de Paris, et qui communique avec la Seine au moyen d'écluses (2 espèce) (3).

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Première espèce (Min. publ. c. Bonsergent père et fils.)

:

Bonsergent père et fils avaient été,cités devant le Tribunal de police correctionnelle d'Angers, sous prévention du délit de pèche en temps prohibé. Ce Tribunal a rendu, le 12 juillet 1873, le jugement suivant, qui fait connaitre suffisamment les faits:

Attendu que les inculpés Bonsergent, tout en reconnaissant que les poissons trouvés en leur possession ont été pèchés par eux le 14 juin, alors que la pèche était prohibée, allèguent pour leur défense que ces poissons ont été péchés dans les canaux ou fossés de l'ile Saint-Aubin, appartenant à la dame Baillergeau, dont ils sont les fermiers, et que, le 11 juin, les canaux n'avaient aucune communication avec la rivière de la Mayenne, parce que les portes automobiles placées à l'embouchure des canaux étaient fermées; Mais attendu qu'il résulte de l'article 30 de la loi du 15 avril 1829 que les canaux ou fossés appartenant à des particuliers ne peuvent être considérés comme des étangs ou réservoirs non soumis aux règlements sur la pèche que dans le cas où leurs eaux cessent natu ellement de communiquer avec les rivières; Attendu que, dans l'espèce, si ledit jour il n'y avait pas de communication entre les canaux et la rivière, cet état de choses ne provenait pas d'un obstacle naturel, mais bien de la fermeture accidentelle de portes faites de main d'homme, et qui ne peuvent être assimilées à l'obstacle naturel prévu par l'article 30; Attendu, dès lors, qu'il est établi qu'ils ont contrevenu aux articles 1 et 8 du décret du 23 janvier 1868 et 27 de la loi du 15 avril 1829; - Mais, considérant que les inculpés ont pèché dans des canaux où ils ont le droit exclusif de pêche; que le prejudice n'excède pas 25 francs, et que les circonstances paraissent attenuantes; Faisant application de l'article 72 de ladite loi, condamne solidairement Bonsergent père et fils chacun à 5 francs d'amende et aux dépens.

Appel par les condamnés.

ARRÊT.

LA COUR : Adoptant les motifs du jugement, et attendu qu'il résulte des documents produits aux débats que ces fossés ou canaux, où la pèche est trèsfructueusement exploitée, sont encore destinés à l'écoulement des eaux pluviales, et principalement des eaux introduites dans l'île par le débordement habituel des rivières de la Sarthe et de la Mayenne; - Qu'ils sont en communication, non pas permanente, mais fréquente, avec ces rivières; que les trois portes automobiles qui interrompent cette communication, lorsque des crues se produisent, sont presque constamment ouvertes pendant l'eté; Qu'elles sont manœuvrées par le gardien de l'ile, dans l'intérêt exclusif des propriétaires dont il est le préposé; Attendu qu'il est impossible de voir dans l'existence de ces portes l'obstacle naturel dont parle l'article 30 de la loi du 15 avril 1829; Attendu que les prévenus seraient d'autant moins fondés à se prévaloir de ce que les portes auraient été fermées du 6 au 11 juin, par suite d'une crue, que les canaux dont il s'agit avaient été en pleine communication avec les rivières dans le mois qui avait précédé cette crue; Par ces motifs, confirme.

-

Du 9 février 1873. C. d'Angers (Ch. corr.). nier, rapp.; Batbédat, av. gén., c. conf.; Belon, av.

MM. Coutret, pr.; Four

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