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chambres pour qu'elles deviennent l'objet d'un sérieux examen. On ne saurait nier l'importance des questions que nous n'avons fait que soulever, et la nécessité de leur donner une prompte solution,

J.-B. DUVERgier.

II. De l'opposition à l'ordonnance d'exequatur
en arbitrage forcé.

Par M. PEPIN-LEHALLEUR, avocat, docteur en droit, à Paris

I. L'article 1028 du Code de procédure, qui ouvre contre les sentences arbitrales l'action en nullité, sous la forme d'opposition à l'ordonnance d'exequatur, est-il exclusivement applicable aux sentences d'arbitres volontaires? Doit-il, au contraire, recevoir application en matière d'arbitrage forcé?

Peu de questions présentent un aussi grand intérêt, soit dans la théorie, soit dans la pratique; il n'en est peut-être aucune qui ait éprouvé autant de vicissitudes. Depuis quelques années, la tendance générale de la jurisprudence est en faveur de la solution négative. Cependant on est loin de l'unanimité, et récemment plusieurs chambres du tribunal de la Seine ont rendu des décisions tout à fait opposées. (Jugements des 1o, 2o et 3 chambres, 16 novembre 1841, 8 mars 1842, 16 juin 1842.)

Il nous semble qu'un tableau abrégé de ces vicissitudes de la question et des variations de la jurisprudence servira convenablement d'introduction à la discussion.

On commença par n'avoir aucun doute sur la recevabilité de l'opposition formée à l'ordonnance d'exequatur

d'une sentence d'arbitres forcés. Mais on avait des scrupules sur la compétence du tribunal de commerce pour connaître de cette opposition: un arrêt de la cour de Gênes (24 octobre 1809) les leva. On se demandait encore si les griefs de nullité, énoncés dans l'art. 1028, Code de procédure, ne pouvaient pas être relevés indifféremment par la voie de l'appel ou par l'opposition à l'ordonnance d'exequatur. La cour d'Agen (15 août 1809) et la cour de cassation (5 novembre 1811) déclarèrent l'appel non recevable dans les cas où l'article 1028 ouvrait la voie de l'opposition.

Cependant la cour de Rennes proposa la distinction entre l'arbitrage forcé et l'arbitrage volontaire, et refusa d'admettre l'opposition à l'ordonnance d'exequatur dans le premier cas (25 juillet 1810). Les cours de Turin (8 mars 1811) et de Toulouse (29 août 1811) la suivirent dans cette voie. La cour de cassation elle-même (26 mai 1813) y entra à leur suite. Ce fut sa première

variation.

La réaction ne fut pas alors portée plus loin. On fit une seconde distinction entre le cas où les associés avaient donné aux arbitres les pouvoirs d'amiables compositeurs, et celui où ils avaient seulement renoncé à toutes les voies de recours contre leur sentence. On décida que dans le premier cas, l'arbitrage était volontaire, et l'on admit l'opposition à l'ordonnance d'exequatur. Pendant vingt ans, la cour de cassation a maintenu avec fermeté cette importante distinction (16 juillet 1817, 6 avril 1818, 1 mai 1822, 18 avril 1829, 29 avril 1837).

Il s'en faut de beaucoup que, pendant cet intervalle, elle ait persévéré avec la même fermeté dans le refus d'admettre l'action en nullité contre une sentence d'arbitres forcés

Elle n'osa pas décider, comme la cour de Paris (15 décembre 1807), que la clause de renonciation à l'appel et au pourvoi, constitue un compromis entre associés et rend l'arbitrage volontaire, mais elle rejeta (8 août 1825) le pourvoi formé contre un arrêt de cour royale, qui, dans les mêmes circonstances, avait admis l'opposition à l'ordonnance d'exequatur. La cour de Lyon (14 juillet 1828) s'empressa de rendre une décision semblable; depuis quelques jours, la cour de cassation s'était déjugée (7 mai 1828). Toutefois un nouvel arrêt (7 mars 1832) réserva l'opposition à l'ordonnance d'exequatur pour le cas où les associés se sont interdit toute autre voie de recours contre la sentence.

Tandis que la cour de cassation semblait abdiquer son rôle de cour régulatrice, pouvait-on s'attendre à trouver de l'unité dans la jurisprudence des cours royales? La cour de Paris (6 août 1814, 4 décembre 1828, 18 avril 1833) rétracte sa jurisprudence de 1807. Mais bientôt, encouragée par l'exemple des cours d'Aix (6 mars 1829, 31 mai 1833) et de Montpellier ( 12 janvier 1830, elle revient à la thèse absolue par laquelle on avait autrefois débuté, c'est-à-dire la recevabilité de l'opposition à l'ordonnance d'exequatur dans tous les cas d'arbitrage forcé (arrêts, 16 août 1832, 9 mai 1833). La cour de cassation ne résista pas à ce mouvement de réaction. Elle décida que des associés qui avaient renoncé d'avance à l'appel, ne pouvaient pas y recourir dans un des cas d'excès de pouvoir prévus par l'article 1028; qu'ils auraient dû se pourvoir par opposition à l'ordonnance d'exequatur (arrêt, 12 août 1834); mais sa conversion ne fut que passagère. Elle se rétracta encore une fois le 10 février 1835.

Mais voici l'incident le plus remarquable parmi ces

variations, en quelque sorte périodiques, de la jurisprudence.

La cour de cassation décide que des arbitres qui avaient statué dans une contestation sociale avec les pouvoirs d'amiables compositeurs, avaient agi dans un caractère public, dans le sens de l'art. 20 de la loi du 26 mai 1819. Exacte ou non, cette solution n'était rien moins qu'incompatible avec la jurisprudence de la cour sur l'influence de la clause d'amiable composition, relativement au caractère de l'arbitrage. Cependant un motif de l'arrêt (15 mai 1838) déclare que, dans ce cas, la juridiction des arbitres forcés n'est pas dénaturée, mais simplement prorogée. Aussitôt la cour de Paris s'empresse de revenir une troisième fois sur sa propre jurisprudence: elle écarte par une fin de non-recevoir l'opposition à l'ordonnance d'exequatur (26 juillet et 18 novembre 1841), et la cour de Nîmes suit son exemple (7 juillet 1842).

Depuis cette époque la section des requêtes a rendu deux arrêts qui ne sont guère de nature à faire cesser les incertitudes. Par le premier (26 mars 1840) elle a rejeté le pourvoi contre un arrêt de Paris, qui avait déclaré l'opposition recevable dans une espèce où les arbitres étaient amiables compositeurs, mais en avait débouté l'opposant. Par le second (17 février 1841), elle a déclaré l'opposition non-recevable, quoique les associés eussent renoncé à toutes les autres voies de recours; mais les arbitres n'étaient pas amiables composi

teurs.

II. Dans ce conflit d'opinions et d'autorités, c'est à la loi seule, aux principes qu'elle a posés, qu'il faut demander nos raisons de décider.

Deux questions distinctes doivent être examinées :

1o Y a-t-il arbitrage forcé, lorsque les associés ont donné aux parties les pouvoirs d'amiables compositeurs?

2° L'opposition à l'ordonnance d'exequatur est-elle recevable en arbitrage forcé?

On a pu remarquer une tendance manifeste de ceux qui résolvent négativement la seconde question à considérer la solution, négative aussi, de la première, comme une dernière conséquence de leur opinion.

Essayons de démontrer qu'il y a incompatibilité réelle entre ces deux décisions.

III. Ceux qui n'admettent pas que l'on puisse diriger une action en nullité contre une sentence d'arbitres forcés se fondent sur ce motif : que les arbitres forcés sont les juges naturels des commerçants en matière de sociétés, et que leur juridiction est égale à celle des tribunaux de commerce, dont ils doivent être réputés ne former qu'une section.

C'est en partant des mêmes idées, et, en outre, du principe que « toutes personnes peuvent compromettre » sur les droits dont elles ont la libre disposition » (article 1003, Code de procéd.), que la cour de cassation avait considéré la clause d'amiable composition comme un véritable compromis, qui transportait à des arbitres volontaires la décision d'une contestation dont les arbitres forcés étaient les juges naturels.

Pour échapper à cette objection, on a imaginé de poser en axiôme que la clause d'amiable composition prorogeait, sans la dénaturer, la juridiction des arbitres forcés.

Une proposition aussi nouvelle, j'ajouterai aussi hétérodoxe, avait besoin d'être démontrée.

Les juridictions, a-t-on dit, sont d'ordre public, et

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