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XXVIII. Code de commerce pour les États de S. M. le roi de Sardaigne, promulgué en français et en italien, le 30 décembre 1842.

Article de M. BERGSON, docteur en droit, à Paris.

Voici, après le Code d'Espagne et celui des PaysBas, le troisième Code de commerce qui vient se grouper comme un satellite autour du Code de commerce français, astre brillant qui leur a communiqué de sa lumière et de son éclat. C'est un fait remarquable que dans les mêmes contrées, qui jadis ont donné au commerce ses lois dans le consulat de Barcelone, les ordonnances de Bilbao et d'Amsterdam, les statuts de Gênes, la codification, après de longs préparatifs, soit venue aboutir à une reproduction presque complète de la législation française. Il y a dans ce fait de quoi faire réfléchir les détracteurs nombreux que cette législation a rencontrés de l'autre côté du Rhin, et de quoi rendre plus circonspects ceux qui, en France, se plaisent à remettre sans cesse en question les principes qu'elle a consacrés.

Il n'est pas difficile de préciser la place respective que les trois nouveaux Codes occupent à l'égard du nôtre. Si le Code de commerce espagnol peut, en quelque sorte, être considéré comme en étant un commentaire légal, le Code hollandais se présente comme une œuvre de réforme et de progrès, tandis que le Code sarde n'est autre chose qu'une édition nouvelle, revisée mais peu corrigée, du Code français. Ce serait, si l'on empruntait le langage de Justinien, un Codex repetitæ prælectionis. Il reproduit, en effet, le Code français, moins

dans sa forme primitive de 1807, que dans celle que lui ont donnée les lois du 19 mars 1817, du 8 juin 1838, et du 14 juin 1841, le décret impérial du 12 février 1814, et plusieurs avis du conseil d'État. De plus le législateur sarde a tranché plusieurs controverses qui ont divisé les tribunaux.

Il faut convenir que les considérations qui, en matière civile, ont déterminé ce législateur à déroger à quelques-uns des principes fondamentaux sanctionnés par notre législation nouvelle, ne se représentaient que très affaiblies en matière commerciale. C'est seulement dans les titres relatifs à la lettre de change et à la composition des tribunaux de commerce que nous retrouvons encore une trace de semblables défiances.

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Mais nous nous plaisons à rendre en même temps hommage à cette vue élevée qui a entendu subordonner des intérêts secondaires au besoin d'une législation uniforme, en harmonie avec celle des autres pays. Nous avons ordonné de rédiger un Code de com» merce qui, en faisant cesser toute disparité de légis>> lation en cette matière, fût de nature à concilier les » besoins et les intérêts des différentes parties de nos États, sans cesser d'être en harmonie avec les lois des » autres pays, afin de maintenir et de resserrer tou» jours mieux les liens de confiance mutuelle si favo» rables au développement et à la prospérité du com» merce. >> Ces paroles souveraines sont dignes d'être remarquées. Si elles pouvaient retentir en tout lieu, le commerce se trouverait plus rapproché du jour où il obéira partout à une seule et même loi; car si dans au

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1 Porte le préambule du décret de promulgation.

cune partie du droit le beau problème d'upe législation universelle, destinée à embrasser le monde civilisé, est susceptible d'une solution prochaine, c'est, bien certainement, dans celle qui a pour objet les transactions commerciales, où l'usage et la coutume ont tout préparé. Nous signalons un autre mérite du Code de commerce sarde. Il consiste dans la simplicité et la juste mesure des dispositions, dans leur économie, dans la netteté et la clarté de l'expression. Ces avantages ont été facilités, à un haut degré, par l'emploi de cette langue propre, comme ne l'est aucune langue vivante, à devenir l'instrument à la fois énergique et souple dù législateur. Sous ce rapport, le Code sarde a surpassé de loin celui d'Espagne, qui est hérissé de théories et de définitions, et dont l'abondance et la prolixité sont souvent fatigantes, défauts dont les rédacteurs du Code hollandais n'ont pas su non plus toujours se prémunir. Quoique le Code sarde n'ait pas tenu compte, comme ce dernier, de plusieurs réformes réclamées depuis longtemps par le commerce; quoiqu'à l'égard de quelques formalités il se soit montré plus rigoureux que le Code français, il répond complétement aux vues qu'on s'est proposées. Des questions nombreuses s'y trouvent résolues, et les solutions me paraissent presque toujours heureuses. On y a remédié à des abus révélés par l'expérience je ne cite que les règles sur les sociétés en commandite. Quelques matières ont été complétées, par exemple, dans le titre 5 du livre 4. Partout on a cherché à perfectionner le modèle par une rédaction plus scrupuleuse et plus soignée.

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Nous allons parcourir, dans l'ordre des titres, les différences notables que présentent le Code de commerce français et le Code sarde, en envisageant ces dif

férences sous le triple point de vue des simples développements donnés à des principes communs, des décisions portées sur des points controversés, et des modifications proprement dites.

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Les changements que présente le premier titre sont la conséquence de la préférence que le Code civil sarde a accordée au droit romain sur le droit français dans la matière de l'état des personnes. Ainsi l'article 5 considère comme pères de famille les fils de famille qui, après avoir atteint leur majorité, feront le commerce. Il leur permet de contracter des emprunts, nonobstant la défense portée par l'article 1919 du Code civil. Il dispose encore que le père, en vertu de la puissance paternelle, ne pourra se prévaloir, au préjudice des créanciers, d'un droit d'usufruit sur les effets mobiliers mis dans le commerce.

Ainsi l'article 8 affranchit les femmes commerçantes de la disposition de l'article 2054 du Code civil, qui a rétabli la défense du sénatus-consulte Velléien relatif aux cautionnements interposés par les femmes.

Ainsi l'article 16 étend la disposition qui ordonne l'affiche du contrat de mariage, aux contrats dans les quels l'ascendant commerçant sera, aux termes des articles 1565 et 2170 du Code civil, obligé, en faveur de la femme de son descendant, à la restitution des biens dotaux de celle-ci.

L'article 6 (52) présume le consentement du mari lorsque la femme exerce publiquement et notoirement la

profession de commerçante, à moins que le mari n'ait fait une déclaration contraire'.

D'après l'article 7, la femme commerçante oblige le mari quant aux acquêts seulement, s'il y a communauté de biens.

L'article 10 règle la manière dont l'autorisation donnée à la femme mariée ou au mineur, de faire le commerce peut être révoquée.

Enfin l'article 16 (§ 3) porte: « A défaut d'enregistrement et d'affiche, tant de la demande que du juge» ment de séparation (des biens entre époux dont l'un » est commerçant), les créanciers du commerce seront, » en ce qui les concerne, admis à former, par-devant le » tribunal compétent, opposition à la séparation qui » aurait été obtenue, et à contredire toute liquidation ⚫ qui en aurait été la suite... »

Dans le titre II, relatif aux livres de commerce, le législateur a cherché à concentrer davantage la surveillance directe de ces livres entre les mains du tribunal de

commerce.

TITRE III. Des sociétés de commerce.

L'article 32 reproduit, d'une part, la disposition qui porte que les associés en nom collectif sont solidaires pour les engagements de la société; mais, d'autre part, il ajoute : « Si par l'acte de société un ou plusieurs des associés sont autorisés à signer, la signature de ceux-ci, donnée sous la raison sociale, peut seule obliger tous les

associés. »

Un commis intéressé dans les bénéfices n'est pas considéré comme associé'.

1 Comp. cass., 14 novembre 1820. Sirey, 21-1–312.

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